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Aménagement numérique : Emmanuel Macron tente de rassurer les sénateurs

Par • Club : Club Techni.Cités

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Auditionné par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique a été interrogé sur des dossiers brûlants, comme la validation du plan France Très Haut Débit par Bruxelles.

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Ce mardi 2 décembre, c’était au tour d’Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique d’essayer de rassurer les collectivités locales sur l’aménagement numérique de la France, dans le cadre d’une audition par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Les sujets d’inquiétude ne manquent pas, synthétisés dans un rapport virulent d’un groupe de travail de cette même commission, publié la semaine dernière.

Axelle Lemaire, la secrétaire d’Etat en charge du Numérique, Antoine Darodes, le nouveau directeur de l’Agence du numérique, tutelle de la mission France THD dont il avait naguère la charge, et Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, avaient déjà joué les pompiers lors du colloque 2015 de l’Avicca, quelques jours avant le rapport, sans grand succès.

Première grosse pierre d’achoppement : la Commission européenne va-t-elle valider le plan France Très Haut Débit ? Celle-ci a envoyé une notification à la France cet automne, soupçonnant des subventions illégales à l’opérateur historique Orange via l’offre de montée en débit sur le cuivre.

Hervé Maurey (UDI), président de la commission et co-rapporteur du rapport, lance les hostilités : “Il y a une faiblesse du décaissement (18 millions seulement, versés par Bercy, selon l’Avicca, contre 11 milliards d’euros d’investissements déjà engagés, ndlr), et une inquiétude liée à la notification de Bruxelles. J’ai cru comprendre en entendant Axelle Lemaire et Antoine Darodes que vous étiez optimiste, j’aimerais avoir votre avis personnel.”

Validation du plan THD : “tout va très bien, madame la marquise”

Le ministre est resté sur la même note positive, redonnant la version de la France, que la Commission entendrait d’une bonne oreille. Il n’y aurait pas de désaccord sur le fond, juste un cadre juridique à fixer pour que la montée en débit soit jugée conforme aux textes européens. L’avantage octroyé ne serait qu’apparent. Au coeur des débats, “l’extrême spécificité” de notre pays. Encore une exception française… :

Premièrement, très peu de pays ont un réseau comparable au nôtre en cuivre porté par l’opérateur historique. Le second argument, c’est qu’Orange n’intervient pas comme un opérateur de premier rang, mais pour le compte en quelque sorte des autres opérateurs, et en délégation des collectivités territoriales puisque les autres opérateurs soutiennent cette solution et l’ont accompagnée. Ce n’est pas un débat de fond, qui s’oppose au plan FTHD, la Commission reconnaît qu’il n’y a pas d’abus, il faut éviter le caractère réplicable et l’utilisation détournée par d’autres.

En 2016, “rentrer dans la phase industrialisée”

On devrait savoir fin janvier-début février si Bruxelles et Bercy sont raccords. En attendant, les collectivités constatent que les fonds n’arrivent pas. La faute en reviendrait à des procédures lentes et non des problèmes de trésorerie, que le ministre a promis d’accélérer dans les mois qui viennent :

“On aurait pu collectivement mieux s’organiser, des dossiers hétérogènes sont remontés, et il y avait un manque de cadrage, c’est pour cela qu’il a fallu prendre ce cahier des charges (nouveau cahier des charges des RIP, ndlr), définir des lignes tarifaires (consultation en cours de l’Arcep, ndlr). La mission monte en puissance, la priorité est donnée à l’amélioration de la rapidité. Nous sommes dans une phase d’exécution, nous avons engagé 1,5 milliards d’euros, ce qui, à ce stade, au vue des décaissements probables, est suffisant.”

Et de s’avancer sur “un calendrier de programmation du premier trimestre que je vous transmettrai, le président de l’Avicca l’aura, il sera aussi en ligne, il y aura un engagement sur les modalités et les délais de traitement.”

Aujourd’hui, les délais d’instruction s’élèveraient à trois ans, voire plus, a indiqué Hervé Maurey. Emmanuel Macron a même envisagé d’étoffer la mission France THD, dont les effectifs, comme le soulignait le rapport Maurey-Chaize, sont dérisoires au regard des sommes engagées : 15 ETP. Toutefois, le nombre de postes ne devrait pas exploser puisqu’il impute les retards à la phase de décollage…

En outre, un arrêté sur la nature de l’offre distinguant le câble de la fibre, au profit de cette dernière, plus efficace, est en cours de préparation, a-t-il rappelé.
Bref, on approche du rythme de croisière :

“Il faut maintenant rentrer dans la phase industrialisée, quasiment tous les départements ont rendu des projets, ce n’était pas gagné, l’objectif fin 2015-début 2016 est de finaliser ce dispositif pour pouvoir avancer à marche forcée en production.”

Sauf que s’agissant du financement, un sénateur a exprimé des inquiétudes partagées par plusieurs collectivités, affirmant : “Il reste entre 300 et 500 euros par prise, si nous n’avons pas des moyens financiers un peu exceptionnels, nous n’y arriverons pas.”

Emmanuel Macron a rappelé la possibilité de se tourner vers le fonds Juncker – un premier “bond project” a été signé en juillet portant sur 10 départements ruraux – ou encore le guichet de la Caisse des dépôts, deux possibilités d’emprunt à long terme. Suffisant pour soutenir des départements dont certains sont très mal en points financièrement ?

Respect des engagements

Plusieurs sénateurs ont également demandé des gages pour que les opérateurs respectent leurs engagements et se montrent transparents.

Emmanuel Macron a d’abord balayé d’une phrase le cas des zones denses, provoquant un hochement de tête dubitatif d’Hervé Maurey : son rapport montre que dans ces zones les plus choyées par le privé, la situation cache des disparités.

Concernant les zones intermédiaires, dont la répartition de la prise en charge a été effectuée suite à un appel à manifestation d’intentions d’investissements (AMII) en 2011, la situation est plus problématique, a reconnu le ministre, pour qui cela crée “une concurrence par les infrastructures qui reste un dogme chez les opérateurs, une fausse idée que je combats car elle crée des rentes injustifiées, de la mauvaise couverture d’utilisateurs, de la capture par les prix, là où nous avons souhaité une concurrence par la dynamique commerciale.”

Cependant, malgré les perturbations créées par la fusion SFR-Numéricable, le ministre considère qu’il n’est pas nécessaire de revoir l’accord tant que SFR-Numéricable n’aura pas déjà atteint l’objectif initial.

Quant à la transparence, le ministre a renvoyé à l’arrêté à venir sur la nature de l’offre et les lignes directrices de l’Arcep. Ces dernières font justement l’objet de vives critiques : les offres dites activées, qui doivent faciliter l’arrivée de petits opérateurs dans les RIP, sont jugées trop basses pour assurer une rentabilité financière aux RIP.

L’enjeu est de trouver un “point d’équilibre, a-t-il expliqué, la tarification a un objectif : avoir des tarifs ni trop bas pour éviter le dumping, ni trop haut pour éviter de pénaliser des collectivités. L’idée n’est pas de pénaliser par des offres trop basses ceux qui veulent proposer une offre différenciée, ou mieux-disante.” Les lignes directrices, en cours de discussion, devrait donc évoluer.

De plus, Emmanuel Macron a indiqué que, comme le demandait le sénateur Pierre Camani (PS), le regroupement de RIP départementaux deviendrait légal, pour faciliter la commercialisation. La disposition serait intégrée à sa loi numérique 2.

Couverture mobile : on ne remplace pas le thermomètre cassé

La couverture mobile des zones blanches a suscité aussi beaucoup de questions. Le gouvernement a conclu un accord avec les opérateurs qui se sont engagés sur la couverture en 2G puis 3G des zones blanches, sous peine de sanction. Un arrêté a fixé une liste de 171 communes.

Un recensement qui semble à des années-lumière de la réalité : “Dans le département dont je suis élu (l’Eure, ndlr), le SGAR a identifié huit communes, quand le département en identifie 100 se désole Hervé Maurey. La vérité est peut-être quelque part entre les deux, et tout cela se fait sans aucune concertation, ni avec les parlementaires, ni avec les associations de maire, ni avec le conseil départemental.”

Le noeud du problème concerne les critères juridiques pour qualifier une commune de couverte, en particulier le point de référence, le “centre-bourg”, qui n’est pas la commune dans son ensemble, ni même les zones de vie.

“Le bourg-centre, est-ce que ça suffit ?, a demandé Claude Bérit-Débat (PS), dans une interrogation rhétorique. La population et surtout les élus ne comprennent pas bien les études, qui sont bien entendues menées dans le cadre du cahier des charges.” D’autres critères, comme la qualité de l’appel, semblent obsolètes.

Las, le thermomètre ne sera pas changé. “On n’aura jamais une réconciliation complète de ces deux notions, a reconnu Macron. Si l’insatisfaction des communes remonte, ce sera nécessairement sur des zones blanches, indépendamment du centre-bourg.”

Toutefois, il s’est engagé à modifier l’arrêté si nécessaire : “Partout où en vertu de la loi il n’y a pas de couverture, on fera rectifier l’arrêté et je redemanderai à ce que toutes les vérifications nécessaires soient faites.”

En outre, il est revenus sur la couverture de 800 points jugés prioritaires, comme un service public isolé, grâce à des antennes relais installées par les opérateurs. Cette fois-ci, les associations d’élus sont dans la boucle, et le chantier démarrera en 2016.

Les cabines téléphoniques, parfois encore utiles

Nelly Tocqueville (PS) a relayé les craintes des élus ruraux au sujet de l’article 119 de la loi Macron 1 qui réforme le service universel en suppriment les cabines téléphoniques : “concernant l’habitat dispersé, dans certains hameaux ruraux, la couverture ne sera sans doutes jamais possible, en attendant que le programme zone blanche soit complètement réalisé, est-il prévu malgré tout de supprimer ces cabines selon un calendrier qui tienne compte de l’organisation de ce programme ?”

Le ministre l’a rassurée, se fendant au passage d’un sous entendu grivois que l’on n’attendait pas dans la bouche du si bien mis M. Macron : “Quand la couverture est satisfaisante, on donne le droit de supprimer la cabine, c’est un élément de bon sens, sauf à considérer que les cabines soient utilisées pour des usages autres que la téléphonie ou que l’attachement à l’imaginaire historique justifiât de demander à l’opérateur historique de les entretenir. Il y a eu des inquiétudes dans les collectivités : ‘on ne nous l’a pas notifié, on n’a pas fait les vérifications…’ Orange m’a écrit pour s’engager formellement à ne supprimer aucune cabine sans vérification expresse de la couverture mobile aux frais de l’opérateur, sans concertation locale préalable, et sans avoir proposé aux communes qui le demande des solutions alternatives, c’est-à-dire la possibilité de maintenir par exemple des points d’appel d’urgence.”

Ce faisant, Emmanuel Macron omet d’évoquer une disposition de la loi Lemaire reprenant la proposition de loi du député André Chassaigne (PC) sur l’entretien du réseau téléphonique. Il est vrai qu’entre la secrétaire d’Etat et son ambitieux ministre de tutelle, il y a de la friture sur la ligne…

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