Le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI) – Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) en anglais -, est plus connu en France sous le terme Transatlantic Free Trade Area (Tafta). Il fait référence aux négociations qui se déroulent hors des projecteurs médiatiques depuis 2013 entre l’Union européenne (via la Commission) et les Etats-Unis.
Il convient pourtant de se pencher sur cet accord de libre-échange en cours de discussion. Il s’inscrit dans le cadre de la crise de l’hégémonie américaine et de la croissance mondiale. Son objectif : faire un grand marché transatlantique de 820 millions de consommateurs pour obtenir un gain de croissance par le commerce et l’investissement entre 0,3 et 1,3 %.
Il implique une libéralisation progressive et réciproque du commerce et de l’investissement en biens et services et une harmonisation/convergence des règles en la matière. Il va bien au-delà des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cela suppose donc un alignement des normes européennes sur celles des Etats-Unis par la suppression des barrières douanières et réglementaires. Or, les Etats-Unis n’ont pas signé les accords de Kyoto sur le climat, ni la convention de l’Unesco sur la diversité culturelle, et encore moins ceux de l’Organisation internationale du travail…
Obligation de privatiser
De quoi susciter de réelles craintes en termes de marchés publics. Au niveau européen, tout d’abord, on peut anticiper une diminution du commerce entre pays européens dans le cadre d’une forte libéralisation au profit des Etats-Unis. Au niveau national ensuite, avec un réel danger lié à l’alignement des normes – en matière agroalimentaire, environnementale et sociétale – sur celles des Etats-Unis, moins contraignantes.
De plus, ce traité pose la question de la fin des monopoles publics. Avec l’obligation de privatiser certains services publics (santé, éducation, culture), le Tafta implique une réduction du champ d’intervention des administrations aux strictes activités régaliennes.
Concernant les modalités de règlements des différends commerciaux, cet accord prévoit la possibilité pour les entreprises de recourir à un tribunal arbitral international ad hoc plus accommodant que les tribunaux étatiques en cas de désaccords avec des collectivités publiques de tout niveau. Celles-ci pourraient ainsi se voir infliger des sanctions pécuniaires en compensation du non-respect des règles du Tafta.
Enfin, alors que seuls 32 % des marchés publics américains sont ouverts aux entreprises étrangères en vertu du Buy American Act favorisant les petites et moyennes entreprises (PME) américaines, aucune disposition équivalente n’existe au niveau européen et national. Nos PME seront ainsi fortement pénalisées et soumises à une forme de concurrence déloyale au niveau international.
Le traité établissant une constitution pour l’Europe avait suscité la peur du plombier polonais. Aujourd’hui, le consommateur français gagnerait-il à avoir du bœuf aux hormones et du poulet chloré dans son assiette, en vertu de l’application du Tafta ? De la même manière, l’opacité des négociations ne présage rien de bon et pose la question : de quoi devons-nous avoir peur ? Du Tafta ? De nos négociateurs ? Ou des deux ?
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Traité transatlantique : les collectivités locales en alerte
Sommaire du dossier
- Etats-Unis et Europe s’attaquent au secteur public local pour conclure le « Tafta »
- Traité transatlantique : « il est impératif de respecter l’autonomie des collectivités » rappelle Philippe Laurent
- A Barcelone, des collectivités européennes s’allient contre le TAFTA
- Tafta : les acteurs locaux s’emparent d’un dossier brûlant
- Le front de contestation contre le traité transatlantique s’élargit
- Le tissu économique local est-il menacé par le Tafta ?
- « Les élus locaux ont les moyens de limiter les effets du libre-marché » – Pierre Bauby
- Traité transatlantique : ce qui pourrait changer (ou pas)
- Tafta : un réel danger pour nos marchés publics
- « Rien ne forcera les élus locaux à privatiser leurs services publics » – Cecilia Malmström, commissaire chargée du Commerce et du TTIP
- « Nos choix démocratiques ne doivent pas être remis en cause » – Matthias Fekl, secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur
- Les collectivités européennes souhaitent protéger les services publics du TTIP
- Traité transatlantique : la Commission européenne cherche à rassurer les élus locaux
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