L’ancien directeur général des collectivités locales Eric Giuily souhaite transformer l’intercommunalité en commune du XXIe siècle. Des vues qu’il développe dans un ouvrage coécrit et publié cette année : « En finir (vraiment) avec le millefeuille territorial » (Aux éditions L’Archipel »).
Dans votre dernier livre, vous développez une évolution assez radicale des communes…
Oui. Nous proposons l’inversion du rapport entre intercommunalité et commune : l’interco deviendrait la collectivité de base. Les élections se tiendraient au niveau intercommunal avec, pour les communes membres, un système proche des arrondissements parisiens ou lyonnais. Autre conséquence, la fiscalité serait intégralement attribuée à l’intercommunalité. On ne garderait les conseils départementaux que dans les zones rurales, ailleurs, les métropoles et agglomérations absorberaient leurs compétences. C’est le seul moyen de créer une vraie solidarité et une redistribution des richesses, et de faire des économies. C’est aussi, dans beaucoup d’endroits, mettre le droit en accord avec les faits.
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Était-ce le sens des premières réformes de décentralisation ?
Si on regarde l’évolution historique du pays, le couple commune-département a émergé au moment de la Révolution et de Napoléon. Il a bien correspondu à la situation d’alors mais depuis longtemps, ce n’est plus le cas. Depuis la Seconde guerre mondiale, on a essayé d’échapper à ce schéma par la création des régions puis des intercommunalités, sans vraiment y arriver car on n’ose pas s’attaquer aux problèmes de fond.
Y compris lors des premières lois Defferre de 1982-1983 dont vous avez été l’un des architectes ?
En 1981, nous avions fait le choix de ne pas toucher aux structures, de procéder à une décentralisation forte de l’État vers les collectivités territoriales, en se disant que le mouvement de transfert des compétences conduirait communes et départements, en nombre excessif, à se rapprocher, collaborer, voire fusionner. Cela ne s’est pas produit. L’intercommunalité est venue s’ajouter, et non se substituer aux communes. C’est pour cela qu’on a assisté à une explosion des coûts de personnel. En l’espace de dix ans, on compte 500 000 fonctionnaires de plus dans le pays, on ne peut plus le supporter dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires. 35 ans après, il faut une nouvelle approche.
Quelles ont été les réactions à votre livre ?
Beaucoup d’élus disent que c’est inévitable, mais ont tendance à dire : « Encore un instant, Monsieur le bourreau, le plus tard sera le mieux. » Du côté des fonctionnaires, cette vision est partagée mais on se demande si c’est faisable politiquement. Pour moi, c’est faisable si le principe de la réforme est débattu à l’avance et lancé juste après la présidentielle, dans les cent jours. Il faudrait peut-être procéder par ordonnances.
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Quel avenir pour les communes ?
Sommaire du dossier
- Quel avenir pour les communes : « Passer progressivement à 10 000 »
- Quel avenir pour les communes : « Inverser le rapport avec l’intercommunalité »
- Quel avenir pour les communes : « Un marronnier de la vie politique »
- Quel avenir pour les communes : « C’est maintenant qu’il faut être audacieux ! »
- Quel avenir pour les communes : « Les affaiblir, c’est éloigner le pouvoir du citoyen »
- Quel avenir pour les communes : « La société civile ne s’est pas appropriée l’intercommunalité »
- Quel avenir pour les communes : « On entretient beaucoup de fantasmes »
- Quel avenir pour les communes : « Non aux intercommunalités sans âme ! »
- Quel avenir pour les communes : « Pour 5 000 super-communes »
- Quel avenir pour les communes : « Repenser l’exercice des compétences »
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