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[Opinion] Modernisation de l'action publique

Six virages à prendre pour une administration du 21e siècle

Publié le 28/10/2015 • Par Auteur associé • dans : France, Opinions, Toute l'actu RH

Pour que l'innovation publique s’amplifie et produise des changements concrets dans nos vies de citoyens, l'administration doit se doter d’une vision et se mettre en capacité de négocier au moins 6 virages, correspondant à 6 leviers de transformation.

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Maxime Barbier

Maxime Barbier

manager chez bluenove

Du 12 au 18 octobre 2015, l’administration a vécu au rythme de la « semaine de l’innovation publique« 

Que l’on soit fonctionnaire, usager du service public ou simple observateur, cette deuxième édition, au slogan accrocheur (« la France fait bouger ses services publics »), a permis de découvrir des initiatives et réalisations marquantes sur l’ensemble du territoire et dans tous les types d’administrations. (Retrouvez ici le programme).

Pour que ce mouvement s’amplifie et produise des changements concrets dans nos vies de citoyens, l’administration doit se doter d’une vision et se mettre en capacité de négocier au moins 6 virages, correspondant à 6 leviers de transformation.

innovation publique schéma

Premier virage : le numérique.

Portails en ligne, dématérialisation de procédures, nouveaux services numériques, ouverture des données publiques (open data), et demain big data : la France a clairement fait le choix de miser sur l’administration numérique. Elle a même été désignée en 2014 par l’ONU au premier rang des nations numériques en Europe et à la quatrième place au niveau mondial.

Des initiatives notables ont vu le jour. Pour les entreprises, « Marché Public Simplifié » (MPS)  permet aux entreprises de répondre à certains marchés publics en ne fournissant seulement leur numéro de Siret pour s’identifier. Pour les particuliers, le simulateur « Mes aides » permet à chacun de savoir en quelques minutes à quelles aides sociales il est éligible. Demain, France connect offrira aux particuliers et aux entreprises un accès universel aux services publics en ligne à partir d’un système d’authentification unique. Le dispositif est d’ailleurs entré en phase d’expérimentation depuis début septembre.

Le défi consiste maintenant à réussir le déploiement de ces services numériques et le développement de leurs usages. Comment accompagne-t-on par exemple l’utilisation de « Mes aides » auprès des travailleurs sociaux ou comment mène-t-on des actions de proximité auprès des publics en situation de précarité pour réduire le non-recours aux prestations sociales ? Comment faire pour que ce service numérique ne traduise pas la déshumanisation du service public ? Pourra-t-on aller au-delà d’un simple simulateur et proposer une demande unique pour l’ensemble des prestations sociales ? Si personne ne prétend le contraire, le numérique ne résout pas tout.

L’ambition d’innovation publique ne doit et ne peut se limiter à une ambition exclusivement numérique. Elle doit chercher à transformer en profondeur les façons de concevoir et piloter les politiques publiques et les relations entre l’administration et ses usagers.

A lire aussi Simulateur d’aides sociales en ligne : encore un peu de patience avant d’aider vraiment les plus précaires

Deuxième virage : la co-conception de l’action publique.

En 2013, la commission européenne publiait un rapport d’expertise intitulé « Powering European Public Sector Innovation : towards a new architecture ». Les recommandations sont passées étonnement assez inaperçues en France. Pourtant, quelques pistes intéressantes gagneraient à être adaptées. Cette étude évalue à 5 milliards d’euros les moyens à investir pendant 5 ans dans l’ensemble de l’Union pour générer des bénéfices à hauteur de 50 milliards d’euros à horizon 2020. Le rapport appelle à un « changement de paradigme » vers le co-design et la co-création de solutions innovantes : au sein des pays membres, avec les administrations locales, avec le secteur privé, le tiers-secteur et les citoyens.

Plusieurs nouvelles méthodes et disciplines ont fait leur intrusion dans l’administration ces derniers mois : le design de service (sous l’impulsion d’acteurs comme l’association la 27e Région), le prototypage, les « start-up d’Etat » inspirées des méthodes agiles, …

Toutes ces méthodes ont un point en commun : elle promeuve une conception innovante des politiques et des services publics et font de l’expérimentation une nouvelle ligne directrice.

Plusieurs labs et incubateurs ont vu le jour depuis 2 ans, avec un effet de mode certain : au sein de l’Etat avec Futurs Publics au SGMAP ou le Numerilab à l’Education nationale ainsi que dans plusieurs régions (PACA, Champagne-Ardenne, Pays-de-la-Loire,…) et départements (Val d’Oise). Pôle emploi ou encore la CNAF ont également développé des politiques ambitieuses pour soutenir l’innovation.

Alors, comment ne pas faire de ces dispositifs de belles aventures éphémères ?

Au moins trois principes sont à garder à l’esprit.

  1. Savoir « débrancher » des projets non concluants, en tirer les conséquences et documenter ces expériences.
  2. Passer à l’ère du changement d’échelle. Dans son rapport « making it big« , le NESTA (agence non gouvernementale britannique), dresse les conditions du passage à l’échelle (scale up) des innovations sociales. Pourquoi ne pas tenter d’adapter ces analyses au champ de l’innovation publique ? Des réflexions interministérielles sont en cours pour apporter des solutions pratiques : à quel moment doit-on se poser la question du changement d’échelle ? Quel est le rôle de l’eécosystème dans le changement d’échelle ? Quelles sont les pratiques vertueuses ? Quelles sont les caractéristiques intrinsèques à une innovation réplicable ? Doit-on aller vers de nouvelles formes de financement ? Une session spéciale a porté sur ce sujet lors de la semaine de l’innovation publique,à l’initiative du SGMAP et du CGET.
  3. Instiller une culture entrepreneuriale au sein de la fonction publique pour se donner plus de chances de réussite des projets d’innovation. On parle beaucoup en ce moment de gestion des talents, d’intrapreneuriat, de gestion des échecs. Pourquoi réserver cela au secteur privé ? Le public en a tout aussi besoin.

A lire aussi L’Etat start-up n’est-il qu’un slogan ?

Troisième virage : l’innovation managériale et collaborative.

Il y a plus de 25 ans, un ministère pionnier, la Défense, faisait de « l’audace » une valeur fédératrice en créant un prix de l’innovation permettant à chaque personnel de défense de proposer des solutions pour améliorer le fonctionnement des forces. Le dispositif a été plusieurs fois copié et adapté (Intérieur, Justice, Éducation nationale, Sécurité Sociale,…).

Dès lors, comment passer d’une logique trop souvent limitée à la valorisation des initiatives et de la communication à une approche « de mise en capacité » (empowerment) des managers publics et des agents et de transformation effective ? Comment aller au-delà des systèmes de gestion des idées ? Plusieurs pistes sont présentées dans une étude sur le renforcement des démarches d’innovation participative des ministères et méritent d’être mises en œuvre.

A quand le grand bond vers les pratiques collaboratives ? Plusieurs initiatives intéressantes ont vu le jour, avec la vague des réseaux sociaux d’entreprise : « WiFiP » permet de conduire différemment des projets à la direction générale des finances publiques (DGFiP), « Diplomatie » est devenue une référence au ministère des Affaires étrangères (on parle même de l’étendre à l’ensemble des ministères).

Encore une fois, la réponse à plus de collaboration entre les agents n’est pas uniquement technique. C’est avant tout une question de gestion du changement, d’évolution des pratiques managériales, d’une nouvelle façon de partager l’information, d’exemplarité de la part des dirigeants publics. La collaboration représente alors clairement un levier de transformation interne.

Il est aussi urgent de former les futurs managers publics aux nouvelles approches collaboratives. Les bataillons actuels et futurs d’étudiants de l’ENA, des IRAs et des autres écoles de service public gagneraient à passer « a la moulinette » de l’innovation publique. Non pas par contrainte, mais pour ouvrir le champ des possibles. Parallèlement, de nouvelles compétences doivent être intégrées au sein de la fonction publique, de manière temporaire ou durable : compétences de conception (design), gestion de projet d’innovation, data science, ethnographie, coaching, knowledge management…

En outre, il serait opportun de remettre en cause (re-questionner au moins) certaines pratiques séculaires ou dépassées : la note de service, la réunion administrative, la réunion interministérielle (formelle ou informelle), la circulaire, l’appel à projet. Proposition : et si on organisait un hackathon de deux jours pour « hacker » et moderniser toutes pratiques ? Cette session aurait eu sa place à coup sûr dans le programme de la semaine de l’innovation publique !

De même, repenser l’espace de travail des fonctionnaires ne devrait pas entraîner de polémique. Obtenir une demi-journée de télétravail par semaine ne doit plus relever de l’exploi pour un agent public ni créer la méfiance de la part de ses collègues. Où sont les tiers-lieux accessibles aux agents publics ? A part Superpublic à Paris, on les cherche encore…

On ne peut plus se permettre de faire travailler 20% de la population active avec les mêmes recettes. De là, à vouloir transformer l’administration française en « administration libérée », le chemin à parcourir s’apparente à un grand saut dans le vide. Peut-être y a-t-il quelques enseignements à tirer de l’expérience du ministère belge de la sécurité sociale qui a établi de nouvelles règles de vie commune et de fonctionnement autour de la recherche d’autonomie, de la mise en place d’un management au résultat, de la liberté dans l’organisation du travail au bureau et chez soi ? (voir ici le récit de cette expérience). C’est en tout cas l’un des nouveaux rôles que les équipes en charge des « ressources humaines » peuvent explorer.

En synthèse, les administrations (nationales et locales) doivent changer de posture pour se penser comme des « entrepreneurs publics », sans pour autant renier les valeurs du service public.

Le co-design, un enjeu important.

Le co-design, un enjeu important.

Quatrième virage : l’intelligence, la décision, l’action collective.

La nouvelle quête semble être de trouver les « nouvelles formes de participation citoyenne ». Les think tank planchent furieusement sur le sujet, les intellectuels en font la condition essentielle du renouveau démocratique, les administrations tentent quelques expériences, les élus font preuve d’une relative frilosité.

L’actualité du moment, c’est la discussion ouverte auprès du grand public sur le Projet de loi « République Numérique » porté par Axelle Lemaire. C’est la première fois en France qu’un projet de loi est soumis à consultation et avis du grand public après son élaboration par le Gouvernement. Alors, coup de communication bien orchestré ou véritable pas en avant vers une démocratie directe ? Ce qui est notable, c’est qu’à l’issue de cette consultation, on peut dénombrer plus de 80 000 votes, près de 6 000 contributions et 10 000 participants. L’exercice a été mobilisateur. A-t-il pour autant été utile ? Seul l’avenir nous le dira.

Si on parle de débat à grande échelle, on peut citer l’initiative à laquelle a été associée la commission nationale du débat publique (CNDP). Le 6 juin dernier a été organisé un débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie (World Wide Views on Climate and Energy). Au menu de ce grand exercice collectif, 97 débats ont été menés dans 76 pays. Dans chaque pays, une centaine de citoyens ont participé à une journée d’information et de délibération leur permettant de partager leur avis sur des thèmes clés des négociations de la 21ème Conférence des Parties (COP21)

En France, la ville de Paris fait figure de locomotive, et l’on est vite tenté de se référer à l’initiative de budget participatif. Les détracteurs rappelleront que dans les années 90, les villes de Porto Alegre (Brésil) et Montevideo (Uruguay) avait expérimenté ce type d’approche. En France, au début des années 2000, les communes d’Issy les Moulineaux et de Grigny (Rhône) réservaient déjà une partie de leur budget à la décision de ses administrés.

Et maintenant, comment aller plus loin ? Est-on dans la science-fiction si l’on parle d’intelligence, de gouvernance et d’action collective ? Est-on capable de concevoir à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes des connaissances nouvelles ? Peut-on imaginer que certaines décisions d’intérêt général se prennent par la décision collective d’un grand nombre de personne ? Est-il possible dans un futur proche que des communautés et mouvements spontanés se saisissent de sujets et soient outillés pour réaliser ensemble des transformations réelles ? Dans les entreprises, dans les collectivités, entre associations, entre particuliers.

Un débat à grande échelle est lancé cette semaine auprès des Français de l’étranger, à l’initiative du député Frédéric Lefebvre, avec l’appui de bluenove. Cette consultation en ligne, qui dure 8 semaines, vise à solliciter les points de vue du plus grand nombre parmi les 2 millions de Français installés hors de France (étudiants, familles, entreprises, élus) pour identifier les différentes voies d’amélioration de leur relation avec la France. Cette initiative inédite vise à engager de nouvelles formes de participation citoyenne, et même de « démocratie digitale », en amont des travaux législatifs. (lien vers le débat : http://debat-francaisdeletranger.fr/). A quand des débats similaires sur l’éducation ou sur le rôle des élus ?

On peut sentir une dynamique commencer à monter tout doucement autour de nous. Est-on en train d’entrer sans s’en rendre compte dans une société de la résilience collective ?

Avec un angle de vue plus politique, on peut se référer au choix fait par nos voisins britanniques dès 2010 avec la Big Society. La Big Society est un projet de transformation sociale qui vise à modifier en profondeur les rapports entre l’Etat et la société civile. Il ne s’agit pas là de crier les bienfaits ni de pourfendre cette politique, qui a connu beaucoup d’inflexions depuis. Mais de se poser la question d’un « modèle à la française ». Que voudrait dire en France une participation plus forte des usagers à la gestion des services publics ? Par exemple dans la co-gestion d’une bibliothèque municipale, dans la sécurité d’un quartier, dans la gestion de la voirie, etc… (cf. cet article du Monde)

C’est certainement une voie à explorer pour retisser un lien avec les services publics et la politique.

A lire aussi 5 conseils pour mettre en place son budget participatif

Cinquième virage : l’innovation ouverte (open innovation).

Et si l’on ouvrait l’administration ? Mais à quoi ? A quels acteurs ? Pour quelles finalités ?

Deux mouvements pourraient utilement se combiner.

Le premier mouvement consiste à mieux ouvrir les administrations aux idées des usagers. C’est l’un des combats de la structure en charge de la réforme de l’Etat depuis 2009. Le choc de Simplification pour les entreprises et les particuliers est en partie fondé sur une écoute de leurs expériences vis-à-vis du service public et de leurs propositions. Le site collaboratif Ensemble Simplifions a fait la place à Faire Simple, à la faveur du changement de majorité en 2012 et permet de recueillir les idées d’amélioration et de simplification des usagers.

Saviez-vous également que le futur portail www.impôts.gouv.fr avait été en partie co-construit avec les usagers ? Le temps est révolu où l’administration pensait la mise en place de ses services sans recueillir l’avis de ses bénéficiaires. Cette approche d’écoute et de participation structurée (via des études, la mise en place de panels, la mesure de la satisfaction) gagnerait à être systématisée dans l’ensemble des ministères, opérateurs et collectivités. Pour rappel, l’un des 4 piliers du programme de modernisation de l’action publique en 2012 s’intitulait bien « partir des besoins des usagers et des citoyens »… Il y a encore un peu de chemin à parcourir.

Le second consiste à soutenir de manière plus volontaire l’innovation ouverte dans l’économie et la société. La ministre en charge du numérique Axelle Lemaire l’a martelé récemment : « il faut créer l’écosystème idéal pour stimuler une innovation ouverte ».

Les lieux de rencontre manquent pour rassembler grands groupes, start-ups, acteurs publics et financeurs. Le ministère de l’Économie et des Finances l’a compris en organisant mensuellement les « JeuDigitaux ». Dans le mouvance de la French Tech, chaque Jeudigital est organisé dans les locaux d’un ministère et permet à une demi-douzaine de start-ups de présenter leurs produits et services innovants. Spécifiquement orientées vers les acteurs du numérique, ces rencontres mériteraient de s’étendre à d’autres champs d’activité pour permettre une nouvelle forme de mise en contact entre les start-ups, les administrations, les grands groupes et les potentiels investisseurs.

Et pourquoi ne pas dupliquer le concept à d’autres écosystèmes ? Par exemple aux acteurs de la recherche et aux acteurs de l’économie sociale et solidaire. L’Etat peut faire mieux pour stimuler l’open innovation sur le territoire. Au niveau national comme local.

Les marchés publics sont également un levier intéressant, à l’image des partenariats d’innovation. Avec ce nouveau dispositif, les acheteurs publics ont la capacité de mettre en place un partenariat structuré de long terme avec une entreprise, couvrant à la fois la recherche et développement (R&D) et surtout l’achat des produits, services ou travaux innovants sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle mise en concurrence. Rappelons que la commande publique représente près de 90 milliards d’euros et que l’Etat s’est donné pour objectif de réaliser 2% d’achats innovants d’ici 2020 et d’encourager les collectivités à suivre la même voie. Cela pourrait représenter une aubaine pour bon nombre de PME dans les prochaines années…et pour les administrations !

Une autre piste consisterait à accompagner une plus forte coopération entre grands groupes et les startups et PME. Cette question est la préoccupation quotidienne des équipes de la Direction générale des Entreprises (DGE) et de la BPI France, laquelle organisait un événement de taille sur le sujet les 10 et 11 juin dernier avec le Salon BIG (BPI Innovation Génération). Le thinktank #Culture_Numerique en a profité pour présenter 6 propositions très pertinentes pour faciliter cette coopération. On y retrouve par exemple le projet de création d’un guichet numérique unique à disposition de tous les start-uppers souhaitant faire connaître leurs innovations et de toutes les entreprises cherchant à coopérer avec des petites structures créatives.

Si l’Etat se saisissait de cette mesure, on peut imaginer quelques belles nouvelles rencontres. (cf. les 6 propositions du rapport « Comment multiplier les étincelles entre grands groupes et startups »).

Sixième virage : l’innovation territoriale.

« L’innovation au pouvoir ! Pour une action publique réinventée au services des Territoires ». Tel est l’intitulé du rapport remis au printemps dernier à la ministre en charge de la décentralisation et de la fonction publique sur l’innovation territoriale.

Cet exercice a le mérite d’apporter une définition du concept : « L’innovation territoriale peut se définir comme une réponse nouvelle (ou transférée dans un contexte nouveau) à une problématique et/ou à un besoin identifiés collectivement dans un territoire, en vue d’apporter une amélioration du bien-être et un développement local durable. ». 18 propositions ont été recensées pour « faire de l’innovation territoriale un élément de dynamique économique et démocratique », à l’image de la création de « fonds de garantie » sur les territoires pour aider la réalisation de projets d’innovation territoriale, sociale ou citoyenne.

Un rapport peut-il suffire ? La réponse est : non, évidemment !

La problématique est de penser et mettre en capacité les territoires (une agglomération, un département) de devenir des points de rencontre et de synergies entre l’innovation portée par les acteurs publics, et les acteurs comme les entrepreneurs sociaux, les associations, les particuliers. L’enjeu est de mieux comprendre et accompagner ces logiques de coopération, porteuses d’une plus grande cohésion sociale et citoyenne. Une des conditions de réussite est d’organiser différemment le dialogue entre services de l’Etat et services des collectivités. (Voir sur ce point l’analyse de La Gazette des communes)

Comment faire concrètement ? Inspirons nous d’exemples réels.

A la maille du département, le conseil départemental du Val d’Oise a mis en place le dispositif ZIP Val d’Oise. Il s’agit d’un « service proposé aux collectivités du Val d’Oise, pour construire et expérimenter des solutions concernant des projets de création ou d’amélioration de services publics ». Le principe est d’offrir une plateforme ouverte de coopération entre les différents acteurs publics et acteurs du territoire. ZIP Val d’Oise propose ainsi « un espace de réflexion interdisciplinaire, d’expérimentation et d’action dédié à l’innovation publique où l’usager est co-concepteur du service ». Des premiers projets ont été engagés avec les villes de Taverny et d’Ermont. Le dispositif est également pensé comme une plateforme de formation pour les agents de la collectivité sur les questions de design ou de logistique. Comment dès lors démultiplier l’impact de cette initiative et la répliquer à l’échelle d’autres départements ? C’est à coup sûr un terrain à explorer en priorité par l’Assemblée des départements de France (ADF).

Fin septembre 2015, la ville de Bordeaux, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en partenariat avec le Comptoir de l’Innovation et ATIS ont décidé de créer un incubateur territorial. Sa mission : accompagner les projets territoriaux d’innovation. Cet incubateur a choisi un positionnement hybride intéressant : il est à la fois dédié à l’innovation sociale publique et également à l’innovation privée. Il a vocation à impliquer des agents de la ville de Bordeaux, qui seront accompagnés dans leurs projets, en mobilisant les ressources de l’écosystème local d’entrepreneuriat social. Il faudra suivre de près la réalisation de cette initiative.

La maille locale pour mobiliser les énergies et les innovations est donc décisive. L’un des verrous à faire sauter pour créer le mouvement, serait de réinterroger le rôle des élus. Non pas pour les affaiblir. Mais au contraire pour réaffirmer leur rôle ! Ne doivent-ils pas se saisir plus pleinement des 6 leviers identifiés ici ? D’une certaine manière, c’est une nouvelle façon de faire de la politique qui est en jeu : co-construire des réformes (voire même des programmes politiques de manière continue une fois élu), impliquer différemment les citoyens, mobiliser l’innovation sociale et privée.

Dès lors, quels moyens pour quelle ambition ?

Avec tous ces virages à prendre, la route pourrait sembler longue et tortueuse et les raisons de ne pas faire trop nombreuses.

Pourtant, prendre ces orientations ne nécessite pas nécessairement de renverser la table. Il ne s’agit aucunement d’appeler à un grand « bigbang administratif ». Cela ne se fera pas sans une vision pour l’action publique et un minimum de moyens.

Investir dans le service public, c’est investir dans l’un des actifs les plus précieux de la France. Le Programme d’Investissements d’Avenir (PIA) est une première réponse. Des premiers projets sont financés dans le cadre du fonds « Transition numérique de l’État et modernisation de l’action publique ». 10 milliards d’euros devraient être débloqués en 2016 pour financer le numérique et l’éducation.

Une animation forte au niveau interministériel national, et au niveau régional est nécessaire. Le Préfet ne pourrait-il devenir l’animateur de la dynamique d’innovation des territoires ? Une piste à travailler dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale des services de l’Etat.

Terminons avec une dose d’optimisme. La France a eu la bonne inspiration de se mettre il y a quelques mois dans la dynamique « OGP » (Open Government Partnership – Partenariat pour un gouvernement ouvert). Cette initiative internationale s’attache à promouvoir la transparence et l’intégrité des gouvernements, ainsi que l’utilisation des nouvelles technologies, en particulier d’Internet, pour faciliter cette ouverture. La France a décliné son propre plan d’action. Puisse cette initiative, pilotée directement par l’Elysée, devenir le catalyseur d’une transformation durable !

La semaine de l’innovation publique s’est achevée. Espérons que l’année prochaine en 2016, ces sujets soient au cœur du programme. Et pourquoi pas avant ?


Article initialement publié sur le blog de bluenove, partie 1 et partie 2

 

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Six virages à prendre pour une administration du 21e siècle

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Georges

29/10/2015 11h15

« Investir dans le service public, c’est investir dans l’un des actifs les plus précieux de la France. » écrit Maxime Barbier. cette phrase est un peu grandiloquente mais elle a du poids, elle fait rêver.
toutes les nouvelles idées sont bonnes à prendre, à expérimenter, à évaluer.

la chance de notre administration est que les agents sont ouverts à toute nouveauté. par moment, il y a centralisation, à d’autres moments on repartit les agents sur le territoire,. les agents sont souples, ils s’adaptent en permanence.

Pascal Kotté

31/10/2015 12h10

Merci pour ce magnifique article, il m’y manque une notion importante en relation avec la réappropriation des patrimoines numériques. En effet, que ce soit au niveau des particuliers ou des sociétés, le numériques cassent des modèles « hégémoniques » pré-existants, mais souvent pour en imposer d’autres, encore plus globaux (Uber, Google, Amazon). Il est urgent de réfléchir à une mise place d’alternatives « OpenData », « OpenKnowledge », « CreativeCommons », ou nos biens numériques individuels, et collectifs, resteront sous notre propre contrôle, et partagés LIBREMENT sous nos propres autorisations.

Stéphane

04/11/2015 01h17

Concernant le troisième virage, l’innovation managériale et collaborative, il n’est pas fait état des modes de productions déjà là, d’en tirer les bilans après des décennies d’usages et donc de favoriser les plus prometteurs en terme d’apport aux biens communs.

L’approche de la valeur sous l’angle économique des bienfaits d’une démarche d’innovation managériale occulte la dimension de l’homme dans son écosystème sociétal construit à partir d’une nation. La recherche systématique d’efficacité des processus actuels – la productivité – n’est pas au rendez-vous des promesses d’antan : vers une civilisation du loisir !
Bien au contraire cette recherche d’amélioration des ressources employées a conduit à nos sociétés dans lesquelles tous ses membres sont soumis au stress permanent et à la peur des lendemains qui déchantent.

Les grands projets sont en pannes et c’est les replis que l’on constate dans un souci de préservation plutôt que d’embrasser des participations citoyennes enthousiasmantes. Les trois grands modes de production que l’on connait depuis quelques décennies se sont spécialisés autour des éditeurs sur des réalisations captives et fermées (PROPRIÉTAIRE) puis sur des réalisations plus ouvertes mais protégées pour rester la propriété captive des éditeurs (OPEN SOURCE) et enfin un troisième mode ouvert de réalisation et de non appropriation d’un bien rendu commun (LIBRE).

La caractéristique déterminante de ce dernier mode de réalisation est de ne plus se limiter à quelques propriétaires et donc aux mécanismes de la rente de situation, c’est-à-dire de s’approprier par quelques rentiers le travail commun pour le bien public. Ce dernier mode est le seul à créer de la valeur démocratique autour de l’usage partagé des biens communs réalisés.

On a bien vu le glissement dans le temps entre la première forme de production vers un nouvel Eldorado en investissant massivement le second mode d’organisation de production.

Le troisième mode est freiné systématiquement et peine à exister massivement dans les médias et les systèmes éducatifs. Le deuxième mode reste toujours l’apanage des propriétaires qui ont trouvé un moyen d’externaliser les phases tests par les consommateurs-usagers eux-mêmes et ainsi dégager des économies plus importantes qu’avant.
Ce second mode dit OPEN SOURCE s’appuie sur un vocabulaire emprunté au mode de production LIBRE tout en conservant une rente de situation ubuesque telle qu’aujourd’hui pour un ensemble de lois communes à toutes les administrations, d’Etat, territoriale et hospitalière, en termes de budget, de marchés publics et de comptabilités il s’avère qu’il y a presque autant de réalisations à rentes (donc rentables) différentes qu’il existe d’organes exécutifs !
Autrement dit l’argent public, c’est-à-dire l’effort prit sur le bien commun, paye des dizaines de milliers de fois, sous forme de rentes, une chose unique, la définition et l’exécution du budget, les contractualisations par les marchés publics et des comptabilités !
Ainsi donc un mouvement d’innovation managériale et collaboratif devra donc envisager les puissances réalisatrices du LIBRE. Imaginez une réalisation unique même partagée par des milliers de concepteurs regroupés en communautés qui ne sont plus soumises ensuite aux effets de rentes de situation ! Des milliers de personnes oeuvrant pour la chose publique et payés qu’une seule fois pour le réaliser et surtout très peu pour l’entretenir en bon état de fonctionnement ! Est-ce que ce n’est pas un meilleur usage des deniers communs tout en démultipliant les puissances réalisatrices avec toutes les meilleures intelligences regroupées d’une nation ?

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