A l’origine, la décentralisation était une idée ancrée à droite. Très à droite. Les penseurs contre-révolutionnaires du XIXe siècle la portaient en étendard. Un peu plus tard, Charles Maurras misait sur les « petites patries », ces communautés charnelles, pour mettre à terre l’hydre républicaine.
Tropisme jacobin
De cela, Jean-Marie Le Pen n’avait cure. Par tempérament, il était jacobin. Du haut de son paquebot de Saint-Cloud, il vouait un mépris souverain aux maires FN. « Parce qu’il s’occupe du ramassage des poubelles, il croit qu’il peut être président du Front national », plastronnait le vieux chef à propos du premier magistrat d’Orange, Jacques Bompard. Un temps révolu.
L’élue locale Marine Le Pen se plonge dans les arcanes des collectivités, citant même… « La Gazette »(1). Son éminence grise, Florian Philippot, a vite repéré le maillon faible dans l’organisation territoriale : la ruralité.
Cette « France des oubliés et des invisibles », tenue à l’écart des grandes agglomérations mondialisées, est devenue le cœur de cible du Front. Avec une redoutable constance, là où les partis de gouvernement étalent leurs divisions, il se répand en communiqués contre l’intercommunalité, cette « gabegie » fondée sur « un mode de gestion urbain ».
Et n’a pas de mots assez durs pour conspuer « le projet mortifère de l’UMPS » : les communes nouvelles, destinées, à coups d’incitations financières, à regrouper les municipalités.
Marketing électoral
Faut-il croire à la sincérité de ce discours ? Le député européen Philippot fréquente plus les plateaux télé que les assemblées de maires. Le FN demeure un repère de parachutés, ces migrants de la politique. Sa stratégie ruralisante n’en porte pas moins ses fruits.
Voici un an, aux sénatoriales, le FN a engrangé 3 972 voix, là où ses résultats aux municipales ne lui en laissaient espérer que 1 000.
Le pouvoir a-t-il pris la mesure de la fronde ? Pas sûr. François Hollande s’est lancé dans une course au gigantisme : régions XXL, métropoles, cantons deux fois plus grands… Cinq jours avant la mobilisation des maires contre la baisse des dotations, le 19 septembre, il avait bien réuni un comité interministériel, promettant 500 millions de plus pour l’investissement public rural.
Mais la coupe reste pleine pour les édiles. Le chef de l’Etat saura-t-il braver leurs sifflets lors du congrès de l’Association des maires de France ? Sa venue ne manquerait pas de panache. François Hollande ferait bien, en tout cas, de se souvenir, avant 2017, qu’il fut président du conseil général de la Corrèze…
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Notes
Note 01 Intervention au conseil régional du Nord - Pas-de-Calais, le 11 avril 2011. Retour au texte