Les associations d’élus locaux avaient raison de se méfier de la loi de programmation des finances publiques, craignant à terme pour leur autonomie financière. La Cour des comptes recommande dans son dernier rapport des finances locales présenté le 13 octobre, d’aller plus loin avec « l’adoption d’une loi de financement des collectivités territoriales retraçant l’ensemble de leurs relations financières avec l’Etat et fixant pour l’année à venir, par catégorie de collectivités, les conditions d’équilibre global». « La loi de programmation n’est pas suffisante, il faut une prévision de solde » a ajouté Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Sans surprise, l’Association des maires de France (AMF) s’oppose à cette idée rappelant que « les collectivités ne sont pas en situation de déséquilibre contrairement à l’Etat».
Estomper les différends de 2014
Si la Cour souhaite améliorer le contrôle des dépenses des collectivités, elle tient à rassurer les élus locaux : « La responsabilisation des acteurs se ferait sans cadre contraignant mais par un dialogue le plus en amont possible avec tous les acteurs », précise le Premier président, regrettant par exemple que l’instance de dialogue des territoires ne se soit réunie « qu’une seule fois » depuis sa création en février 2015. Une tentative de rapprochement après un rapport 2014 qui avait laissé des traces dans les relations entre la juridiction financière et les associations d’élus ? « J’ai été surpris de lire que nous stigmatisions les collectivités. Nous ne faisions pas leur procès l’an dernier ni celui de l’Etat cette année » se défend Didier Migaud.
L’Etat est pourtant cette année particulièrement dans le collimateur des magistrats de la rue Cambon. Selon ces derniers, si la dégradation financière des collectivités provient, sans surprise de leur part, d’un manque de maîtrise des dépenses de fonctionnement –et notamment de la masse salariale- l’Etat a sa part de responsabilité. « L’impact budgétaire des normes atteint des montants significatifs à l’échelle des finances locales », jugent-ils. Les mesures nationales sont à l’origine de « 42 % de l’augmentation des dépenses de personnel ». Quant aux rythmes scolaires, le reste à charge aux communes représente de « 30 à 50% » du coût de la réforme. La Cour demande donc d’améliorer le dispositif d’évaluation des normes, notamment les fiches d’impact émanant des ministères. « On ne peut pas mettre des contraintes financières aux collectivités et rajouter en même temps des contraintes normatives », lâche Didier Migaud.
Uniformité ou différenciation ?
Les associations d’élus locaux ne pouvaient rêver meilleur discours, si derrière ne raisonnait pas en creux la volonté permanente de la Cour des comptes de contrôler toujours davantage les finances locales par le législateur. Au point d’évaluer de son propre chef la progression des dépenses de fonctionnement requise pour ne pas dégrader l’épargne brute des collectivités. « Ces dépenses devraient être contenues à au plus 0,7 % en 2015 contre 2,2 % en 2014 », soumet Didier Migaud, alors qu’il déconseille pourtant d’appliquer une baisse des dotations de « façon uniforme », peu soucieuse des « capacités d’adaptation très variable des collectivités ». Contradictoire ?
Mieux cibler les investissements
En matière d’investissement, la Cour des comptes partage le pessimisme des associations d’élus. « La baisse devrait se poursuivre à partir de 2015, jusqu’à 15 % en moyenne dans les villes de plus de 100 000 habitants, prévoit-elle. Les mesures de soutien n’y feront rien : « le redressement de l’investissement à court terme est peu crédible », ajoute la Cour. Celle-ci voit toutefois une marge de manœuvre possible, outre la maîtrise des dépenses de fonctionnement : une meilleure sélectivité des choix d’investissement, qui doit être réalisée à travers une programmation pluriannuelle « systématisée ». « Tout investissement n’est pas vertueux par nature » appuie Didier Migaud, qui recommande aux collectivités d’évaluer l’utilité socio-économique de leurs investissements, notant toutefois qu’elles font de plus en plus d’efforts.
Références
Pour consulter le rapport, la synthèse et l'allocution de Didier Migaud, cliquez ici