Les directeurs financiers, contrôleurs de gestion et spécialistes de l’évaluation des politiques publiques n’ont-ils pas tout mis en œuvre depuis quelques temps pour limiter la casse dans les collectivités locales face à la raréfaction des ressources ? « Non, sinon on rentre tous chez nous », blague Laurent Mazière, président de l’Afigese, en exercice pour la dernière fois devant les près de 400 membres de l’association, réunis en Assises à Tours du 30 septembre au 2 octobre.
Le nouveau DGS de l’Allier va en effet désormais se concentrer sur ce département. A l’occasion de cette 20e édition, il laisse donc les clés d’une association forte de 630 membres, que beaucoup de congressistes voudraient voir prises par une main féminine…
Pâle conjoncture
En attendant l’élection d’un nouveau président, pas facile d’oublier la bien pâle conjoncture financière des collectivités locales sans être toutefois catastrophique : « la baisse des dotations n’est pas majoritairement responsable de la chute de l’investissement : 60 % provient encore de l’effet du cycle électoral des municipales », prévient Thomas Rougier, directeur des études de la Banque postale. La raréfaction « durable » des ressources appelle dorénavant les élus, mais également les territoriaux, à « être plus clairs sur l’efficacité économique et sociale de l’investissement ». Pour y parvenir, les idées nouvelles sont nécessaires.
Boîte à outils très fournie
Les intervenants des six ateliers proposés entres les séances plénières sont venus des quatre coins de France – et pas seulement métropolitaine – avec une impressionnante boite à outils, d’initiatives, de tuyaux et de bonnes pratiques concernant tous les domaines. Ils ont ainsi poussé à réinterroger la politique fiscale, à définir les bons niveaux d’abattement, penser les stratégies de partage entre communes et intercommunalité, organiser la programmation financière et fiscale en fonction des exigences d’aujourd’hui.
Les gestionnaires ont également montré l’évolution de leur métier ; ceux en charge de la dette doivent composer désormais avec des règles de modérations et des exigences des projets de plus en plus étendus à des territoires. Ceux qui gèrent le patrimoine des collectivités sont appelés à valoriser un parc « qui s’est multiplié par trois depuis 1982 », rappelle Thomas Rougier.
Pour accompagner les volontaires, Patrick Villes, directeur financier ville et communauté d’agglomération du Choletais, a expliqué sa méthode pour valoriser le patrimoine au prix du marché, telle qu’elle a été appliquée dans le Loiret. Réinterroger les services publics, c’est aussi imaginer des nouvelles façons de les financer pour éviter de les raboter, voire les supprimer, en passant par exemple par une nouvelle politique tarifaire, plus individualisée et bien différenciée entre ce qui relève de l’universel et de l’accessoire.
Evaluation à réinventer
Mais si arbitrage il doit y avoir, l’Afigese pousse ses membres à expérimenter de nouvelles formes d’évaluation des politiques publiques hors du champ des experts pour solliciter les citoyens, à travers des votes participatifs ou des évaluations soumises à la démocratie locale.
Les limites de cet exercice sont nombreuses : accaparation du processus par certains militants, demandes trop individualisées tournées vers le bien-être plutôt que l’intérêt général, etc. : « Peut-être faudra-t-il passer par une thématisation des propositions », pense tout haut, Sophie Lecoq, chef de bureau de la synthèse budgétaire à la Ville de Paris, dont 5 % du budget 2016 est participatif.
Aussi, la fonction de contrôle doit s’affirmer toujours plus, aussi bien par le biais de la contractualisation des associations, que par la négociation de DSP ou le contrôle de gestion interne. Mais s’il veut gagner en efficacité, ce contrôle doit prouver sa capacité à être opérationnel de façon transversale, à mesure que les équipes, organisées de plus en plus en mode projet, deviennent par soucis d’efficience, toujours davantage pluridisciplinaires.
Le management au secours des outils
Les outils montrent à ce niveau leurs limites. De nouveaux leviers doivent être actionnés auprès des équipes pour gérer la crise et une transformation perçue comme « un mouvement puissant et généralisé encore jamais vu », selon Fabien Tastet, président de l’Association des administrateurs territoriaux de France, venu en guest star à la table ronde de clôture. Cette tendance, Eric Ardouin, DGS de Bordeaux métropole, la caricature en paraphrasant une formule devenue convenue : « le changement, c’est tout le temps ». Or paradoxalement, constate-t-il, « contrairement à une certaine époque, on pardonnera plus aujourd’hui à un maire qui ne fait rien qu’à un maire qui augmente les impôts. ».
Pas facile dans ces conditions de faire l’éloge du mouvement, « avec énergie, de façon à embarquer les équipes dans un projet », souligne Fabien Tastet. « Mais vers quel but ? », interroge David Carassus, professeur à l’Université de Pau et directeur de la chaire Optima sur l’innovation publique. « Même si le processus est plus important que le but, il faut définir un sens à toute réforme, c’est ce qu’il manque actuellement. Nous sommes tous focalisés sur les moyens mais pas sur les politiques publiques. Faire un travail sur les ressources entre communes et interco par exemple est nécessaire si chaque acteur à un projet de vie. C’est comme dans un couple. Pour le moment, il est très distant ». Ce n’est pas le cas des cadres financiers, de gestion et d’évaluation qui ont montré leur volonté de surmonter les obstacles qui se dressent devant eux à force de partage et de cohésion.
Des trophées de l’innovation réconfortants
Comme chaque année, l’Afigese, en partenariat avec la Gazette des communes, distingue des collectivités qui ont fait preuve d’innovation dans les domaines de la finance, le contrôle de gestion et le management public local. Le jury a récompensé quatre lauréats, dont un prix spécial.
- –Catégorie finances locales : la ville de Cergy pour sa simulation de l’impact des nouveaux logements sur les équilibres financiers de la ville.
- –Catégorie contrôle de gestion : la communauté d’agglomération de Saint-Brieuc, pour son observatoire du versement transport.
- –Catégorie management public local : le département du Bas-Rhin pour l’élaboration d’un outil de visualisation et d’anticipation des ressources affectées à la mise en œuvre des politiques public du conseil départemental.
- -Le prix spécial du jury : département du Loiret pour son fonds d’arbitrage carbone.
Toutes ces innovations seront développées ultérieurement dans les pages du Club finances et de la Gazette des communes.
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