Dès l’introduction, le député précise que l’étude d’exemples étrangers ne permet pas de déterminer des solutions transposables dans un autre cadre. « Chaque régime national de retraite s’insère, en effet, dans un cadre social cohérent qui est le produit d’années d’expériences, de confrontations mais aussi de réussites, dans toutes sortes de domaines comme la politique familiale, la santé, le handicap, l’emploi, les conditions de travail, l’éducation la formation professionnelle, qui ne peuvent s’apprécier isolément », écrit-il.
Les types de systèmes existants ainsi que les grandes règles ayant guidé les réformes permettent toutefois d’apprécier de grandes tendances.
Selon une approche introduite par la Commission européenne, les systèmes de retraite européens « reposent sur trois piliers dont la place et le rôle varient assez considérablement selon les Etats », selon une distinction entre gestion publique d’un régime légal par répartition et gestion privée d’un régime professionnel par capitalisation.
- Premier pilier : régimes, souvent financés par répartition, d’assurance sociale obligatoire ou avec versement des prestations généralement proportionnelles à la contribution. Ce système est majoritaire dans la pension de base en France, en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Italie et en Suède.
- Deuxième pilier : régimes complémentaires généralement organisés dans un cadre professionnel, avec des cotisations pour l’employeur et le salarié. Surtout présent au Royaume-Uni.
- Troisième pilier : repose sur l’initiative et l’épargne retraite individuelles. S’il constitue un complément important au Royaume-Uni, ce pilier monte en puissance dans d’autres pays comme la Suède et l’Allemagne.
Deux modèles prédominants
Sur les modes de financement, Arnaud Robinet détaille les deux grands modèles existants dans l’Union européenne : le bismarckien et le « beveridgien ». Le premier est « organisé entre les salariés suivant un principe de mutualisation solidaire », « lié aux droits acquis par le travail » et les cotisations « sont obligatoires et proportionnelles au revenu d’activité, tout comme le montant de la future retraite », précise le rapport.
Ce système fonctionne par répartition, sur la base d’une solidarité entre les générations, et s’applique en France, en Italie, en Belgique, en Suisse, en Espagne, au Portugal, etc.
Le second repose sur une protection sociale gérée par l’Etat, financée par l’impôt et reposant sur un principe de solidarité nationale. « Elle est universelle et couvre toute la population face à l’ensemble des risques sociaux. Les retraites assurent ainsi aux citoyens âgés un revenu minimum et les pensions versées ne dépendent pas de l’activité professionnelle antérieure », observe le député. Une solution adoptée notamment en Europe de l’Est, centrale et orientale.
Réformes
« De nombreux Etats européens ont été conduits, depuis 20 ans, à reconsidérer et à remodeler les différents systèmes de retraites dont ils disposent, afin de garantir la pérennité, sous la double contrainte de l’évolution démographique et de la compatibilité de besoins de financements croissants avec le maintien de leur compétitivité dans une économie mondialisée », note Arnaud Robinet.
De 1990 à 2003, les membres de l’Union européenne ont ainsi suivi une évolution convergente afin de diversifier les modes de financement, faisant ainsi se rapprocher les deux grands modèles précédemment évoqués. Les pays de tradition bismarckienne ont introduit ou élargit les ressources fiscales, tandis que ceux plus proches du modèle biveredgien ont complété leurs systèmes par des cotisations obligatoires liant les prestations aux salaires.
Des réformes plus profondes, paramétriques ou systémiques, ont aussi été entamées pour faire face aux évolutions démographiques qui touchent tous les pays.
Le rapport signale « la difficulté d’une quelconque anticipation rationnelle dans le domaine des retraites, à la lumière des expériences assez discutables menées dans cette voie pour les sphères économiques et financières, pourtant modélisées depuis fort longtemps ». Et de préciser que pour la France, les projections « sont évidemment entourées d’une part d’incertitude importante, liée à la démographie, à l’environnement macroéconomique et aux comportements des populations concernées ».
Cinq objectifs
Enfin, au titre des enseignements, Arnaud Robinet souligne que les réformes se sont toutes faites en plusieurs étapes, en s’appuyant sur la recherche d’un consensus national, soit par des gouvernements de coalition, soit par des majorités successives différentes prolongeant la politique menée précédemment. Cinq objectifs ont à chaque fois été poursuivis :
- Assurer l’équilibre économique du système de retraites ;
- Rechercher des ressources ou prendre des mesures d’économies nouvelles ;
- Organiser un pilotage continu du système ;
- Instituer des dispositifs correcteurs relevants de la solidarité ;
- Développer les régimes par capitalisation, surtout dans les pays du Nord.
Le rapport n’aboutit pas à des propositions ou des suggestions pour la réforme menée en France, mais de nombreux aspects qui y sont évoqués peuvent servir d’indicateur dans la manière de procéder. Le député précise toutefois que la crise économique ne doit pas constituer un obstacle à la modification du système.
Références
Le financement des retraites dans les Etats européens, rapport Assemblée Nationale, Arnaud Robinet, juin 2010
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Réforme des retraites : quels effets pour les fonctionnaires
Sommaire du dossier
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