Par le biais de ses propres amendements et de ceux du gouvernent, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a répondu à une partie des critiques formulées contre le texte présenté en juillet par la ministre de la Culture Fleur Pellerin. Elus locaux et associations professionnelles avaient mis l’été à profit pour alerter leurs interlocuteurs Rue de Valois et solliciter le président de la commission, Patrick Bloche (Paris, PS), également rapporteur du texte. Voici les principales modifications apportées par les amendements votés en commission.
Sommaire
- Les archives font leur retour dans le projet de loi
- Archéologie: les services territoriaux reconnus dans leur rôle et leur spécificité
- Création artistique : salve de précisions sur les politiques culturelles conduites par l’Etat et les collectivités
- Les artistes amateurs légalement reconnus
- Protection du patrimoine : des définitions enrichies
- Qualité architecturale : des conditions renforcées
- Les centres culturels de rencontre et le Loto invités dans le projet de loi
Les archives font leur retour dans le projet de loi
« Si nous avions oublié les archives et les archivistes, ce projet de loi serait déséquilibré », a souligné le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Patrick Bloche. Sollicité par les archivistes qui l’avaient alerté sur l’absence incongrue d’un volet « archives » dans un texte largement consacré au patrimoine, ce dernier a présenté 4 amendements.
La ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin (qui a assisté aux réunions de la commission) y a souscrit, tout en observant qu’il lui aurait semblé plus cohérent de les traiter dans le cadre du projet de loi sur le numérique.
Les deux premiers amendements concernent les archives électroniques et prévoient :
- l’extension de la définition légale des archives aux documents numériques (l’amendement parle de « documents physiques et numériques »)
- l’extension de la possibilité de mutualisation, entre services d’archives, de l’archivage aux documents électroniques
Les deux autres amendements adoptés concernent les fonds privés classés et prévoient :
- l’interdiction de la vente de pièces ou de lots d’archives privées faisant partie d’un fonds classés comme « archives privées » sans l’autorisation de l’Etat
- des sanctions pour les auteurs de démembrement de fonds d’archives privées classées
Archéologie : les services territoriaux reconnus dans leur rôle et leur spécificité
Sur proposition du gouvernement, la commission a adopté deux dispositions d’importance pour les services territoriaux :
- la reconnaissance légale de leur place dans la recherche scientifique
- la création d’une procédure spécifique d’habilitation pour l’obtention de l’agrément, qui les distingue des opérateurs privés.
Concernant la contribution des territoriaux à l’exploitation scientifique des résultats des fouilles, la ministre Fleur Pellerin a jugé cette participation « notable », prenant pour preuve le nombre important de publications et de colloques à mettre au crédit des archéologues territoriaux tout comme leur présence dans nombre d’unités mixte de recherche (université-CNRS). Il s’agit d’une revendication de longue date des archéologiques territoriaux.
L’ amendement prévoyant une procédure d’habilitation (et non d’agrément), sans limite de durée (contrairement à l’agrément actuellement délivré pour 5 ans) mais soumise à une évaluation tous les 5 ans constitue, selon la ministre, « un tournant majeur dans les relations entre l’Etat et les collectivités » [en matière d’archéologie]. La décision d’habilitation serait décidée par le ministère de la Culture et de la Communication et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, après avis du Conseil national de la recherche archéologique. En contrepartie, l’amendement introduit une restriction : les collectivités habilitées ne pourront plus intervenir au-delà de leurs territoires. Une disposition qui risque d’en fâcher certaines, qui proposent leurs services au-delà de leurs frontières administratives.
Par ailleurs, un autre amendement a rétabli le délai d’un moins imparti à l’Etat pour la prescription de diagnostic.
Création artistique : salve de précisions sur les politiques culturelles conduites par l’État et les collectivités
« Service public de la culture »
Les députés ont souhaité consacrer dans la loi la notion de « service public de la culture », qu’ils ont introduite dans l’article 2 du projet de loi définissant la politique conduite, « en faveur de la création artistique » par l’État et les collectivités, ainsi que leurs groupements et leurs établissements publics.
Citoyenneté
Ils ont aussi ajouté la mention du rôle de la culture dans la citoyenneté, par la mention d’une « perspective d’émancipation individuelle et collective ».
Égalité territoriale
Les députés ont introduit le principe du respect de « l’égalité territoriale » dans la conduite des politiques culturelles de l’État et des collectivités.
Propriété intellectuelle
Ils ont fait de même avec celui du « respect des droits des auteurs et des artistes ». Ils ont aussi conditionné l’octroi de subventions publiques au respect des droits moraux et sociaux des artistes.
Éducation artistique et culturelle
A la demande du gouvernement, l’éducation artistique et culturelle est ajoutée aux objectifs des politiques culturelles listés dans l’article 2 du projet de loi.
Société civile
Les initiatives portées par la société civile, associations, lieux indépendants, et collectifs d’artistes sont reconnues.
Organisations professionnelles
Le dialogue et la concertation avec les organisations professionnelles sont élargies aux collectivités publiques, aux associations, et à « l’ensemble de acteurs de la création. », en assurant la parité hommes-femmes.
Métiers d’art
La valorisation et la préservation des savoir-faire et des métiers d’art sont inclues dans le périmètre des politiques culturelles publiques.
CTAP « culture »
Une fois par an, les présidents des futures conférences territoriales d’action publique (CTAP) devront obligatoirement organiser un débat sur la politique en faveur de la création.
« 1% culture et artistique »
La commission a voté un nouvel article ajouté après l’article 3 du projet de loi pour prévoir la remise d’un rapport du gouvernement au Parlement sur l’opportunité d’instaurer une obligation de consacrer 1% du coût des opérations de travaux publics à des projets artistiques et culturels. Dispositif qui compléterait le « 1% artistique » déjà existant pour les arts plastiques.
FRAC
Concernant les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), le rapporteur a souhaité qu’il ne soit pas question d’ « appellation », mais de « label », en cohérence avec la politique de labellisation de l’État mentionnée à l’article 3 du projet de loi.
Les artistes amateurs légalement reconnus
Un amendement du gouvernement a introduit la reconnaissance et la définition de la pratique en amateur. Le texte autorise aussi l’organisation d’une billetterie payante lors de prestations publiques d’artistes amateurs, dès lors que les recettes ne servent qu’à financer les coûts du spectacle ou les activités du ou des artistes amateurs. La commission a souhaité préciser son amendement, en supprimant les mots « à leur initiative », afin de mieux coller à la réalité des prestations des amateurs.
Protection du patrimoine : des définitions enrichies
Cités historiques
Un amendement ajoute « les paysages » (en plus des espaces ruraux) à la liste des éléments pouvant être classés au titre des Cités historiques, créées par l’article 24 du projet de loi.
Patrimoine immatériel
La commission a introduit la notion de patrimoine immatériel, tel que défini par l’Unesco, dans la définition portée par le Code du patrimoine.
Associations et fondations
Les représentants des associations et des fondations œuvrant dans le secteur du patrimoine sont reconnus comme membres à part entière (et non comme personnalités qualifiées) des nouvelles Commissions nationales des cités et monuments historiques (CNCMH) et Commissions régionales du patrimoine et de l’architecture (CRPA).
PLU Patrimonial
La qualité du document d’urbanisme dans le secteur classé « Cité historique » sera assurée par une assistance technique et financière de l’Etat au bénéfice de l’autorité compétente.
En outre, les collectivités auront dix ans à compter du 1er juillet 2016 pour substituer un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou PLU patrimonial aux anciens règlements de protection (AVAP et ZPPAUP).
Qualité architecturale : des conditions plus contraignantes
Identité de l’architecte
A la demande du gouvernement, les députés ont voté l’obligation d’apposer sur la façade de tout bâtiment construit le nom de l’architecte « auteur du projet architectural. », ainsi que la date d’achèvement de l’ouvrage. Objectif : valoriser le rôle de l’architecte et conforter ses droits moraux et ceux de ses ayants-droits.
1% artistique
Ils ont par ailleurs modifié le dispositif du 1% artistique : dès qu’une collectivité aura choisi le maître d’œuvre d’une construction, elle devra « sans délai » choisir l’artiste auteur de l’œuvre qui y sera intégrée. Et elle devra « veiller » à la diversité des œuvres et des artistes.
Plateformes territoriales de la rénovation énergétique
Lorsqu’elles ne sont pas gérées par un CAUE, les maîtres d’ouvrage des plateformes territoriales de la rénovation énergétique devront néanmoins faire appel aux conseils de ce dernier.
Maîtrise d’ouvrage
La commission a adopté un amendement en faveur de la généralisation du recours au concours d’architecte pour les projets publics ou privés à usage répété, avec une « phase de dialogue », entre le maître d’ouvrage et les candidats.
Formation
Le CAUE disposera de droit de l’agrément du Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL). Objectif : favoriser la formation des élus en matière architecturale.
Les centres culturels de rencontre et le Loto invités dans le projet de loi
Le rapporteur a fait adopter un amendement donnant une existence légale aux centres culturels de rencontre.
Par ailleurs, les députés ont abordé la question de la mise à contribution des recettes des jeux de hasard pour financer l’entretien du patrimoine. IIs ont adopté une disposition demandant au gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2015, un rapport sur l’opportunité de prévoir la création d’un fonds géré par la Fondation du patrimoine auquel serait affecté le produit d’un tirage du loto organisé à l’occasion des journées européennes du patrimoine.