Les chiffres livrés par la préfecture du Gard sont éloquents : dans ce département de 353 communes et près de 5 600 élus municipaux, 7 maires, 34 adjoints au maire, 342 conseillers municipaux (et 113 conseillers communautaires) ont démissionné durant les 15 premiers mois du mandat municipal, au 1er juin 2015. Depuis, dix conseillers municipaux ont encore démissionné, à Saint-Jean-de-Serres.
Les chiffres gardois sont bien plus élevés que ceux du département voisin, l’Hérault, qui possède un nombre très proche de communes (343). À la demande de La Gazette des communes, la préfecture de l’Hérault a traqué les chiffres et recense 212 démissions de conseillers municipaux entre le 23 mars 2014 et le 20 août 2015. Mais ce chiffre a nettement augmenté par rapport à la même période de la mandature précédente : 145 conseillers municipaux avaient démissionné entre le 9 mars 2008 et le 20 août 2009, ce qui signifie que les démissions ont augmenté de… 46 % !
Il est difficile d’avoir plus d’éléments de comparaison, notamment au niveau national : les données sont départementalisées par préfecture et l’association des maires de France (AMF) et l’association des maires ruraux de France (AMRF), contactées par La Gazette des communes, ne peuvent fournir de chiffres car elles ne recensent pas les démissions.
Multitâches
Comment expliquer cette « hécatombe » ? Pour Pilar Chaleyssin, présidente de l’Association des maires de France (AMF) du Gard, on peut sans doute relier ces démissions à « la difficulté de la fonction de maire, à qui l’on demande d’être gestionnaire, mais aussi assistante sociale… , alors que les dotations diminuent et les charges augmentent. » « Les problèmes du quotidien sont décourageants. Dans les petites communes, c’est lourd », ajoute Gérard Pedro, maire de Remoulins et trésorier de l’association départementale des maires. Comme une centaine de maires et élus du Gard, tous deux ont d’ailleurs manifesté ce 18 septembre devant les grilles de la préfecture à Nîmes contre la baisse des dotations de l’Etat, dans le cadre de la journée nationale d’action des maires organisée ce samedi 19 septembre.
Deuxième tentative d’explication : la vague de nouveaux élus de mars 2014 était moins préparée à une réalité difficile : « Plus de la moitié des maires du Gard sont dans leur premier mandat », note Gérard Pedro (élu depuis 2001). « Beaucoup ont fait un programme, des projets et n’en ont plus la possibilité », commente Pilar Chaleyssin. Pour le président de l’Association des maires ruraux du Gard Didier Bonneaud, maire de Saint-Etienne-des-Sorts, « se lancer sans être préparé aux difficultés et à l’implication que cela demande, c’est aller au clash. »
« Minoritaires et sans réel pouvoir »
Gérard Pedro émet une troisième hypothèse : le nouveau système électoral en place, avec le scrutin proportionnel de liste qui concerne maintenant les communes de plus de 1 000 habitants, contre 3 500 avant. « Cela a amené des élus d’opposition au conseil municipal. Mais quand les nouveaux élus se rendent compte qu’ils sont minoritaires et sans réel pouvoir, ils se découragent… »
Enfin, Didier Bonneaud pense que l’écart entre les attentes des habitants et les compétences communales accentuent les difficultés. « Les habitants veulent de l’eau, du foncier… Quand il y a un problème, ils ne voient pas les compétences transférées aux intercommunalités, ils s’adressent au maire. Beaucoup de mes membres veulent démissionner. Certains sont à deux doigts de tout envoyer en l’air ! Mais il faut rester au combat ! », lance la maire qui avoue avoir lui-même des doutes : « Pour le troisième mandat, je réfléchirai à deux fois. » Face au découragement, il mise sur « l’entraide, car seuls on n’y arrivera pas. Il faut des outils, des moyens. Dans ma commune, j’ai une équipe jeune avec une liste refaite à 70%. J’ai fait appel à des contrats d’avenir pour aider les conseillers dans leurs missions. »
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