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Après avoir remis sur orbite le grand chantier de déploiement de la fibre optique, la Mission Très Haut Débit doit encore convaincre les départements retardataires de déposer leur dossier au Fonds National pour la Société Numérique (FSN). La pression monte pour faire entrer dans le rang, avant la fin de l’année, ceux qui hésitent encore à contribuer à une dépense publique évaluée à 14 milliards d’euros d’ici 2022.
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L’enjeu du très-haut-débit pour tous échapperait-il aux dix-sept départements qui apparaissent en blanc sur la carte des projets du site France THD avec la mention « sans projet » lorsque l’on clique sur chacun d’eux ? Cette mention « sans projet » se décrypte en réalité par « sans dossier de demande de subvention déposé au guichet géré par la Mission Très Haut Débit (1). « C’est un sujet de préoccupation, reconnaît Antoine Darodes, directeur de l’Agence du numérique. Cela représente une population de 3 millions d’habitants sur les zones d’intervention publique (qui en compte 27 millions). Mais nous sommes plutôt positifs. Il nous manquera peut-être encore deux ou trois départements d’ici la fin de l’année”.
Le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique exige des résultats, communication présidentielle oblige, puisque François Hollande a annoncé le 14 septembre à Vesoul que 100 % des départements seraient engagés dans le plan France Très Haut Débit avant la fin de l’année.
Les équipes de la Mission THD parcourent donc le terrain à la rencontre des présidents de conseil départemental, des directeurs généraux des services ou des directeurs de réseaux d’initiative publique (RIP) dit « de première génération ». Objectif : lever les dernières résistances à engager des investissements lourds dans les territoires délaissés par les opérateurs privés occupés à fibrer les zones urbaines rentables.
« La dynamique est lancée, s’enthousiasme Lionnel Anselmo, vice-président d’Altitude Infrastructure, opérateur de RIP. Bien-sûr, il y a la volonté, chez certain, de jouer la montre et l’argent ne coule pas à flot. Mais l’on ne dit pas assez que le plan France Très Haut Débit est le projet le plus important du quinquennat et qu’il avance bien. »
Quatre exceptions
Parmi ces dix-sept départements quatre d’entre eux n’ont tout simplement pas besoin de faire appel au guichet de la Mission Très Haut Débit. Trois d’entre eux sont en Ile-de-France :
- Paris (75), couvert intégralement sur fonds privés,
- les Hauts-de-Seine (92), situé en zone très dense (2),
- la Seine-Saint-Denis qui partage son territoire entre zone conventionnées et villes couvertes par le RIP Debitex télécom (3).
Dernière exception, le Rhône (69) champion de l’anticipation dans les années 90 avec EPARI, un réseau câblé (exploité par Numéricable) relié en fibre optique sur l’ensemble du département et aujourd’hui modernisé pour l’accès à Internet en THD.
Méfiance autour du pilotage national
Le tour de France des équipes de la Mission THD se concentre donc sur les 13 départements restants. Le manque d’empressement de ces départements à réclamer leurs subventions s’explique par une conjonction de raisons : prise de conscience politique absente ou tardive, finances contraintes ou encore manque de compétences techniques des services. Mais la cause principale est la difficulté à entrer dans le cadre imposé par le pilotage national.
«On peut comprendre que des collectivités restent prudentes avant de s’engager, car l’on ne sait pas comment les déploiements seront financés au-delà de 2020, lance Jean-Luc Sallaberry, chef du département numérique de la FNCCR. Le fait d’avoir déposé un dossier FSN ne veut pas dire non plus que le déploiement est prêt à démarrer. Cela relève souvent de l’affichage politique localement ; il faut montrer que le département s’engage. Tout le monde fait semblant de penser que tout va bien ».
Reprise en main par les nouveaux présidents de conseil départemental
La prise de fonction de nouveaux présidents à la tête des conseils départementaux lors des dernières élections de mars 2015, avec ou sans alternance politique, retarde aussi la prise de décision. Le portage politique du dossier étant un élément déterminant de la réussite du projet, ce point d’entrée reste incontournable.
Ce cas de figure se présente dans la Meuse – dont la majorité est passée du Parti Radical à celui du parti Les Républicains (LR) -, dans le Var (même majorité LR), l’Hérault, le Gard et la Meurthe-et-Moselle (restés PS), les Pyrénées-Atlantiques (passées du PS au Modem), les Bouches-du-Rhône et le Territoire de Belfort (bascule de PS à LR).
« Nous sommes d’accord pour soutenir le département le temps qu’il trouve le bon modèle, mais nous avançons de notre côté », explique Manuel de Lara (LR), vice-président délégué au développement économique, à l’innovation et à la recherche de l’agglomération Sud Pays Basque (Pyrénées Atlantique). L’EPCI (65 558 habitants, 12 communes) sera couvert par Orange fin 2016 sur Saint-Jean de Luz et Hendaye, soit 45% de sa population.
Un diagnostic a donc été réalisé avec un bureau d’étude pour déterminer les zones d’investissement public à compléter en réseau FTTH. « Nous aurons besoin de 24 000 prises FTTH et de 760 km de fibre en linéaire. De plus, nous savons déjà que nos plaques FTTH seront rentables. Nous serons en position de dialogue avec le département quand il aura défini sa stratégie. C’est une année de transition mais nous voulons être au rendez-vous», ajoute-t-il .
Mutualisation en panne
Si les démarches régionales ou pluri-départementales sont vivement encouragées par la structure de pilotage de l’Etat, elles n’ont pas toujours entraîné l’adhésion des départements. La tentative échouée du Languedoc-Roussillon de fédérer ses départements laisse encore sur le bord du chemin, l’Hérault, le Gard et les Pyrénées-Orientales.
En Provence-Alpes-Côtes d’Azur, le syndicat mixte ouvert PACA-THD, qui pilote déjà les déploiements dans les Hautes-Alpes et les Alpes de Hautes Provence, a déjà réussi à entraîner dans son sillage le Sictiam, syndicat mixte qui pilote celui des Alpes-Maritimes. Reste donc à faire monter à bord le Var et les Bouches-du-Rhône, un défi dans un contexte politique tendu à quelques semaines des régionales.
Le Territoire de Belfort, pourtant engagé pour le haut-débit dans le syndicat mixte de l’aire Urbaine Monbéliard- Belfort-Héricourt qui réunit trois départements de Franche-Comté, fait encore cavalier seul.
En Lorraine, la Meuse et la Meurthe-et-Moselle tardent aussi se joindre à la mobilisation régionale. « Avant de déposer notre dossier, nous voulions savoir si les opérateurs de télévision par câble allaient moderniser leurs réseaux pour recevoir Internet. Les résultats de cette consultation sont connus depuis juillet 2015. Le département n’investira donc pas dans les communes où le réseau câblé apportera du très-haut-débit. Nous ne voulions pas déposer un dossier incomplet et gérer les va-et-vient », explique Mohamed Oussaid, adjoint mission développement numérique du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle.
Difficile articulation entre RIP FTTH et RIP des zones blanches du haut-débit
La réticence du portage politique s’explique aussi par la difficulté à justifier l’engagement de nouveaux investissements quand le département a mené par le passé, avec plus ou moins de bonheur selon les technologies choisies, des plans de résorption des zones blanches du haut-débit. Plusieurs de ces départements ont toujours en exploitation des RIP dit « de première génération » ou RIP 1, dont les contrats ne sont pas encore arrivés à échéance.
« C’est compliqué chez nous car nous avons pris un faux départ, mais personne ne nous a dit de nous arrêter. L’Etat donne à ceux qui ont su rester dans les starting-blocks en 2010. Il est normal aujourd’hui de réfléchir avant d’agir », justifie Philippe Collet, directeur de la régie Hautes-Pyrénées Haut-Débit.
Le département des Hautes-Pyrénées s’est en effet engagé dans un partenariat public-privé avec l’opérateur Axione pour construire un réseau de collecte destiné à dégrouper les zones bas-débit de l’ADSL. Un investissement de 31 millions d’euros jusqu’en 2032 qui réduit durablement ses capacités d’investissement. « Notre réseau est récent, moderne, nous avons fibré les zones d’activité, les stations de ski, les collèges et les lycées, poursuit-il. Nous avons reçu 900 000 euros des fonds Feder. Si nous étions partis deux ans plus tard, sur le même périmètre, nous aurions pu obtenir 20% de subvention de l’Etat. »
Aujourd’hui, le département devra lancer un nouveau marché pour créer un RIP FTTH « Nous devons appliquer les règles de marché, impossible d’ajouter un avenant à notre PPP. L’on nous demande donc de construire un réseau FTTH qui entrera en concurrence avec celui que nous commercialisons. »
Cette nécessaire articulation des RIP de première génération vers les RIP FTTH a été portée par les collectivités. « Après de longs débats, la question a été tranchée définitivement dans le cahier des charges : interdiction d’avenanter un RIP 1 pour faire un RIP 2, indique Patrick Vuitton, délégué général de l’Avicca. Les collectivités qui avaient un RIP 1 ont délimité le plus précisément possible la compétence du RIP 2 pour qu’il n’y ait pas de problème ».
Une fois mobilisés les retardataires, restera à maintenir la pression pour que les déploiements s’accélèrent dans les 101 départements français. L’obligation de résultats de ce grand chantier d’infrastructure du quinquennat n’a pas fini de peser sur les épaules du directeur de l’agence du numérique.
THD et départements, état des lieux
Les départements qui ont déjà un schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN) première étape avant le dépôt d’un dossier de subventions.
- Ardennes (08) : SDTAN janvier 2014
- Maine-et-Loire (49) : SDTAN novembre 2013
- Meurthe-et-Moselle (54) : SDTAN juin 2014
- Meuse (55) : SDTAN décembre 2012
- Pyrénées-Atlantiques (64) : SDTAN octobre 2013
- Hautes-Pyrénées (65) : STDAN février 2013
- Var (83) : SDTAN décembre 2014
- Territoire de Belfort (90) : SDTAN mai 2012
Les départements dont le SDTAN est en cours d’élaboration
- Gard (30)
- Hérault (34)
- Bouche-du-Rhône (13)
- Pyrénées-Orientales (66)
- Saint-Martin (978)
Les départements qui ne déposeront pas de dossier FSN
- Rhône (69)
- Paris (75)
- Hauts-de-Seine (92)
- Seine-Saint-Denis (93)
Je voudrais rectifier certains éléments au titre de la région Languedoc-Roussillon, on peut qualifier le SDTAN piloté par la Région de régional dans la mesure où il couvre 4 Départements sur 5 (la Lozère avait déjà son propre SDTAN) et prend en compte le SDTAN lozérien. Ce qui n’est pas abouti, c’est éventuellement les schéma d’ingénierie départementaux mais ils sont tous en cours et les Départements auront tous déposé leur dossier FSN en décembre 2015