Comment expliquez-vous la fracture entre les maires et le gouvernement ?
Les maires que j’ai pu rencontrer lors de mes presque 200 déplacements, comme la semaine dernière dans l’Yonne ou celle d’avant dans l’Allier et la Creuse, ne me parlent pas de fracture. Ils expriment une inquiétude juste et fondée sur des faits réels comme la baisse des dotations de l’Etat, mais sont constructifs et veulent surtout des explications. Il faut se méfier des discours alarmistes des uns et des autres.
A lire aussi Marylise Lebranchu assure le service après-vente de la réforme territoriale
Qui visez-vous précisément ?
Quand j’entends François Baroin, le président de l’AMF, ancien ministre des Finances de Nicolas Sarkozy, citer le chiffre de 3 000 communes qui déposeront le bilan d’ici la fin de l’année, cela n’a aucun sens ! Il y a effectivement environ 1 300 communes surveillées par le réseau d’alerte de l’Etat mais c’est une situation relativement courante et très différente de la faillite ! Cette année, il ne devrait pas y avoir plus d’une trentaine de communes en graves difficultés budgétaires sur un total de 36 000. Il faut donc relativiser la situation.
À lire aussi - Premium
Décryptage : Les communes en grande difficulté toujours plus nombreusesDe quelle manière ?
Nous devons expliquer aux maires, notamment ruraux, que la hausse de la dotation de solidarité rurale et de la dotation d’équipement des territoires ruraux en 2015 a permis de compenser une grande part de la baisse de la DGF.
Que répondez-vous aux maires qui craignent de voir disparaître la commune et les services publics qui y sont associés ?
Il y a en effet des craintes vis-à-vis de l’intercommunalité ou des communes nouvelles. Mais au contraire, c’est grâce à l’intercommunalité que nous avons pu préserver nos 36 000 communes. Nous avons aujourd’hui 19 000 communes de moins de 500 habitants. Expliquez-moi comment un maire d’une commune de moins de 500 habitants peut faire face seul à une demande de services publics en termes de petite enfance, de portage de repas à domicile, d’éducation ? Je suis convaincue que la solution passe par l’intercommunalité, qui permet d’allier les ressources des communes pour proposer davantage de services publics à leurs habitants, surtout dans un contexte de baisse des dotations.
Les élus locaux ne dénoncent pas la baisse, mais son ampleur et son rythme…
Attention aux doubles discours ! Je note que François Baroin appartient à une famille politique qui prône 100 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques. J’aimerais savoir comment arriver à ce total sans toucher aux dotations… Les dotations de l’Etat aux collectivités représentent environ 70 milliards d’euros aujourd’hui, et, comme tout argent public, elles proviennent de l’argent des Français. Ne pas baisser les dotations, cela voudrait dire augmenter les impôts des Français…
On peut cependant reprocher à François Hollande de n’avoir pas évoqué la baisse des dotations durant sa campagne de 2012…
Avec l’audit dévoilé par la Cour des comptes en juillet 2012, nous avons compris que le pays était au bord de la faillite. Nous avons décidé de ne pas diminuer les dotations aux collectivités à ce moment-là pour ne pas aggraver la situation en pleine crise. Mais cette crise a été plus profonde et plus longue que prévue. Tous les secteurs de la dépense publique ont fait des efforts pour sortir de la spirale de l’endettement et du déficit et les collectivités doivent y participer à due concurrence du poids qu’elles représentent dans la dépense publique.
La diminution des dotations n’aboutit-elle pas à un transfert de l’impopularité fiscale au détriment des communes ?
Non, la baisse des dotations ne doit pas forcément entraîner de hausse de la fiscalité locale mais plutôt inciter les communes et les intercommunalités à mutualiser, à fusionner et à travailler ensemble. Je rappelle que la baisse représente en moyenne 1,87 % des recettes réelles de fonctionnement des communes.
Mais comment faire en sorte que cette baisse n’affecte pas l’investissement ?
Pour préserver l’investissement local, nous apporterons un milliard d’euros en 2016 pour aider en priorité à débloquer les projets d’investissements qui ne sortent pas faute d’une capacité d’autofinancement suffisante. Ce fonds sera ciblé sur certaines dépenses : bâtiment, logement, numérique, transition énergétique et centres-bourgs.
Comment ce fonds sera-t-il financé ?
Nous nous engageons à inscrire dans le PLF 2016 une aide d’un milliard d’euros qui sera financée par des économies sur le budget de l’Etat, sur les budgets de tous les ministères. Mais au-delà de ce coup de main ponctuel, nous agissons sur le long terme dans le cadre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, que nous souhaitons rendre plus juste et plus transparente, et dont les premiers éléments seront également intégrés par amendement au PLF 2016.
Le seuil fixé à 15 000 habitants pour les intercommunalités ne constitue-t-il une marche trop haute pour les petites intercommunalités ?
Ce seuil a fait consensus, il a été voté par l’Assemblée, ancrée à gauche, et le Sénat, acquis à la droite. Tout le monde a vu, après les lois de 2010, que cela n’avançait pas assez vite. 768 intercommunalités doivent aujourd’hui évoluer pour mieux coller aux bassins de vie réels… Beaucoup d’intercommunalités vont d’ailleurs aller au-delà de 15 000 habitants.
Pourquoi boucler la nouvelle carte intercommunale dès le 31 décembre 2016 ?
Il faut aller vite car nous savons d’expérience qu’il existe une période de latence lorsque les périmètres changent (le temps de réaliser des études, d’harmoniser les outils). Il faut donc réduire au maximum cette période. D’autant plus que nous sommes en sortie de crise et ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps…
Les élus parviendront-ils à s’entendre si facilement ?
Avec cette réforme, nous créons la société du contrat. Nous mettons en place les conférences territoriales de l’action publique et des délégations entre collectivités pour que les élus coopèrent dans le sens de l’intérêt général.
Les conférences territoriales de l’action publique, auxquelles vous êtes si attachée, sont pourtant au point mort…
Il y a une période d’attentisme. Cela tient aux régionales qui auront lieu dans trois mois. Mais de nombreuses CTAP ont été installées et fonctionnent. Dans une région dont les limites ne vont pas évoluer, les élus ont déjà discuté de délégation des transports scolaires aux départements par exemple. Les deux principaux schémas régionaux arrêtés par la loi NOTRe devront, désormais, être discutés dans ce cadre. Et puis surtout, les CTAP doivent permettre d’éviter de faire une loi à chaque fois qu’on souhaitera transférer une compétence, à l’avenir.
Les communes nouvelles rencontrent un certain succès. Ne faut-il pas prolonger la carotte financière au-delà de la date-butoir 31 décembre 2015 ?
Cet argent-là, on le prend sur les autres communes. Il faut donc savoir s’arrêter. Les maires ont bien d’autres motivations pour constituer une commune nouvelle. Certains font ce choix pour peser au sein de leur interco… Quand, au sein d’une conurbation, des communes sont très imbriquées, le processus est même très naturel.