L’article 2 de la Constitution de 1958 dispose que « la langue de la République est le français ». Cet article est dans le titre premier « de la souveraineté ». Pourtant. Les partisans de l’inscription des langues régionales dans le marbre de la Constitution ne faiblissent pas dans l’effort, malgré les nombreux revers qu’ils ont subis depuis de nombreuses années.
Les grandes institutions s’y opposent depuis longtemps. L’Académie française dans une déclaration prise à l’unanimité de ses membres, le 12 juin 2008, s’opposait frontalement aux langues régionales. Le Conseil d’État dans un avis du 7 mai 2013 l’évoquait comme un « venin ». Le Conseil d’Etat dans un nouvel avis (négatif) du 30 juillet 2015 sur le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires déduisait dans son considérant trois « qu’en adhérant à la Charte, la France méconnaîtrait les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français et d’usage officiel de la langue française ». Tout est dit.
Le cheval de Troie politique
Que faut-il voir dans cette volonté de faire accéder des « particularismes » locaux au statut constitutionnel ? Un cheval de Troie politique. Cette reconnaissance est actée dans l’engagement n° 56 publiée à l’occasion de la campagne présidentielle de 2012 par le candidat victorieux. Le Président de la République peut également compter sur son député, Jean-Jacques Urvoas, qui se targue d’un «.bzh » sur son site internet d’élu. Provocation déplacée pour un élu de la République, président de la prestigieuse commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, garante des valeurs juridiques de la France.
Insécurité juridique
Les plus de soixante-dix langues concernées par ce projet de reconnaissance devront attendre la réunion du Congrès (l’ensemble des deux chambres parlementaires) pour savoir si elles acquerront un statut juridique, dont le Conseil d’État a fermement exposé son refus dans son avis du 30 juillet 2015 en rappelant l’inconstitutionnalité des textes. En effet, comme le précise le Conseil d’État, la construction juridique entre la Charte de 1997 et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est incompatible car une insécurité juridique existerait en raison de l’impossibilité d’établir des réserves sur la Charte européenne. La Haute juridiction relève « une contradiction entre l’ordre juridique interne et l’ordre juridique international, exposant tant à des incertitudes dans les procédures contentieuses nationales qu’à des critiques émanant des organes du Conseil de l’Europe chargés du contrôle de l’application de la Charte en application de sa partie IV ».
Nonobstant, l’avis du Conseil d’État est simplement consultatif. Affaire à suivre.
Références
Domaines juridiques