Il a fallu presque un an à Antoine Dulin, vice-président du Conseil économique, social et environnemental et à Célia Verot, conseillère d’État, mandatés par le Premier ministre en mai 2016, avant de remettre, le 22 mars, à Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, leur rapport « Arrêtons de les mettre dans des cases ! Pour un choc de simplification en faveur de la jeunesse ».
Ils ont pris le temps d’écouter les représentants des administrations concernées et un grand nombre d’opérateurs des collectivités territoriales, d’autorités indépendantes, d’acteurs associatifs, de personnalités qualifiées, de recueillir « la parole des jeunes eux-mêmes », rencontrés « notamment dans des missions locales, des centres communaux d’action sociale, des centres d’information et d’orientation, des foyers d’aide sociale à l’enfance et des centres de formation en apprentissage », de lire les contributions écrites de la plupart des acteurs des politiques de jeunesse avant d’écrire leurs 146 pages de constats et de recommandations déclinées à court et à moyen terme.
238 seuils d’âge dans la législation française
Parce qu’ils sont jeunes, ils sont moins bien armés pour affronter paperasseries et tracasseries, complexités administratives, changements de situation personnelle, sociale ou professionnelle.
L’exemple de « 238 seuils d’âge dans la législation française concernent la jeunesse », cité par le rapport, est édifiant. Parce qu’ils sont jeunes, ils vivent une période d’autonomisation et d’insertion dans la société qui les rend encore plus vulnérables.
Deux causes qui produisent un manque d’informations, une perception négative des administrations, du non-recours et des discriminations d’autant plus fortes quand le jeune ne peut trouver de ressources ou d’aide auprès de sa famille dans un « système social [qui] repose essentiellement sur la solidarité familiale ».
Un constat qui a conduit les auteurs du rapport à « porter un regard particulier et attentionné » sur les jeunes « ni en formation, ni en emploi » (les « NEET ») et sur les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance ou de la protection judiciaire.
Attention à la bonne conscience digitale
La simplification ne peut tenir lieu de politique publique, mais elle peut la rendre plus efficace. Aussi Antoine Dulin et Célia Verot proposent-ils des démarches conçues ou rendues simplifiées. L’outil numérique doit servir l’objectif, mais attention à la bonne conscience digitale, « un accompagnement personnalisé demeure nécessaire » estiment-ils.
Et comme l’information sur les droits et les démarches reste la pierre angulaire de l’insertion d’un jeune dans la société, le rapport promeut « la boussole des droits ». Il faut généraliser ce site internet expérimental, en fixant un calendrier à son déploiement et prévoir son intégration au tout nouveau portail national des droits sociaux à l’horizon 2020.
Parallèlement, l’accès aux droits doit être facilité avec un rendez-vous dédié, à mettre en place par les CAF ou la MSA, relais de « repérage des jeunes et des situations potentiellement à risques ».
En matière d’orientation, les CIO version XXIe siècle pourraient se charger d’organiser, au sein des établissements scolaires, les projets de formation des jeunes dont les familles sont pauvres en réseau.
Une « garantie jeunes 2.0 »
Cette nécessité de faire davantage pour les jeunes, notamment pour ceux les moins entourés et soutenus par le milieu familial, se traduit pour Antoine Dulin et Célia Verot par l’impératif « d’envisager la jeunesse comme un parcours vers l’autonomie ». Un premier pas, s’il était suivi, pour reconnaître cette période charnière entre l’enfance et l’âge adulte, et lui donner un embryon de politique cohérente et spécifique.
À ce chapitre, le rapport préconise une « garantie jeunes 2.0 » : un revenu minimum dès 18 ans, inscrit dans un processus contractualisé, accompagné de façon intensive et collective en vue d’une insertion sociale et professionnelle.
Dans le prolongement des améliorations apportées par la loi Protection de l’enfance, les auteurs demandent que cette garantie bénéficie aussi aux jeunes majeurs sortant de l’ASE ou des dispositifs de la PJJ « avec un accompagnement éducatif et social renforcé ».
Le compte personnel d’activité et la formation tout au long de la vie seraient activés en deuxième chance pour sécuriser le parcours d’un jeune déscolarisé en lui donnant la possibilité de reprendre une formation.
La région en super-planificatrice stratégique
Pour mener cette politique Jeunesse, le rapport préconise de lui donner un « cadre institutionnel renouvelé » en la plaçant sous la houlette de la région. Dans la continuité de la loi Égalité et citoyenneté qui la charge désormais d’informer les jeunes, elle deviendrait une super-planificatrice stratégique.
Sa mission : articuler la politique jeunesse avec les impératifs de développement économique, de formation de main-d’œuvre et d’emploi. De plus, la région aurait à coordonner les acteurs de l’orientation, de l’insertion sociale et professionnelle sur un « territoire pertinent (bassins d’emploi, intercommunalité, département) ».
Dans ce schéma, la mission locale se verrait reconnaître un rôle de pôle jeunesse et le centre régional des œuvres universitaires et sociales, celui de guichet pour les jeunes en formation.
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