« Une réforme majeure à petits prix ». C’est en ces termes que François de Mazières, député-maire (apparenté LR) de Versailles (Yvelines) défend l’idée de réécrire le volet « enseignements artistiques » de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Le député a réuni élus et acteurs de l’enseignement musical pour un colloque le 24 juin 2015 à l’Assemblée nationale, sur l’avenir des conservatoires. Les élus sont tombés d’accord pour dire que le problème qui reste à régler n’est pas seulement financier, mais concerne l’articulation des responsabilités entre les différents niveaux de collectivités.
Si l’État, comme il s’y est engagé le 20 mai, confirme son retour dans le financement des conservatoires de musique, il serait possible de mettre en place une « vraie clarification des compétences » à leur sujet.
Rétablissement des crédits de 2012 en 3 ans
Seules inconnues : jusqu’où et selon quels critères ? Car la ligne de crédit accordée aux conservatoires avait décru de manière constante depuis 2012. Elle représentait alors 29,2 millions d’euros. En 2014, elle n’en pesait plus que la moitié avec 15 millions, totalement évaporés en 2015, au bénéfice de l’action artistique et culturelle.
En 2016, le retour des financements représentera une « marche importante », assure Michel Orier, directeur général de la création artistique au ministère de la Culture, « l’idée étant de rétablir la ligne telle qu’en 2012», sur une période de trois ans. Il faudra attendre les arbitrages ministériels du budget 2016 pour en savoir plus.
Reprendre la décentralisation
Selon François de Mazières et Catherine Morin-Desailly, sénatrice (UDI) de Seine-Maritime, auteure d’un rapport intitulé Décentralisation des enseignements artistiques : des préconisations pour orchestrer la sortie de crise et d’une proposition de loi sur la question, le montant des crédits de 2012 permettrait d’amorcer la décentralisation et de confier enfin aux régions le financement de l’enseignement professionnel au sein des conservatoires, comme le prévoyait le volet « enseignements artistiques » de la lo de 2004, jamais appliqué. Les régions devaient mettre en place et financer, dans le cadre de leur compétence sur la formation professionnelle, des cycles d’enseignement professionnel initial (CEPI) devant déboucher sur un diplôme national. Mais devant le coût annoncé du transfert, non accompagné de transfert de crédits, les régions ont reculé. « L’idée était cohérente, mais certaines régions ont bloqué les CEPI car elles avaient déjà de gros problèmes avec le transfert des personnels des lycées », rappelle Karine Gloanec-Maurin, vice-présidente (PS) de l’Association des régions de France en charge de la culture, et également ex-présidente de la FNCC. « Le coût avait été mal évalué. Les expérimentations conduites en Poitou-Charentes et Nord-Pas-de-Calais prouvent qu’il suffit de pas grand-chose pour assurer le transfert », assure Catherine Morin-Desailly, prête à réadapter sa proposition de loi de 2011, alors passée à la trappe.
Consensus possible entre collectivités
Il est ressorti des échanges entre intervenants – parmi lesquels Annie Genevard, députée-maire (LR) de Morteau (Doubs) et rapporteure de la commission culture de l’AMF ou Joséphine Kollmansberger, vice-présidente (LR) du conseil départemental des Yvelines en charge de la culture – qu’un consensus entre tous les niveaux de collectivités paraît possible.
« C’est le bon moment pour débloquer la situation », affirme Karine Gloanec-Maurin.
« Elle doit être clarifiée : il est aberrant que des régions – et elles sont nombreuses – ne participent pas du tout au financement des conservatoires à rayonnement régional », qui repose presque intégralement sur les communes et les intercommunalités, renchérit François de Mazières. Pour cela, il faudrait que « l’État reprenne la main sur le sujet, montre qu’il va être le moteur de la décentralisation », juge Catherine Morin-Desailly, « étonnée mais réjouie du revirement total du ministère » de la Culture, qui a fait preuve « d’une absence totale d’écoute pendant trois ans ».
Création d’un groupe de travail Etat-collectivités
Alain Loiseau, chef de l’inspection de la création artistique au ministère de la Culture, a répondu à la demande de Florian Salazar-Martin, président de la FNCC : Fleur Pellerin devrait proposer aujourd’hui de mettre en place un groupe de travail ad hoc au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), qui rassemble, sous l’égide de la ministre, des représentants des directions de l’administration centrale, des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et des associations d’élus locaux. Au menu des discussions, très certainement, la réforme du classement des conservatoires, au moment où nombre d’entre eux hésitent à renouveler leur demande de label devant la complexité administrative de la procédure.
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