« Où est donc passée la lettre P ? Père, professeur, patron, président… ont perdu de leur position centrale si bien que nous vivons un bouleversement gigantesque ». Percutante et un brin provocatrice, l’ouverture du colloque signée du sociologue Jean Viard a fait sourire les 250 participants rassemblés dans l’Abbaye royale de Fontevraud (Maine-et-Loire). Principalement des fonctionnaires territoriaux, des universitaires, des associatifs et encore des « citoyens ordinaires », comme le dit Jacques Auxiette, président (PS) de la région Pays-de-la-Loire, à l’origine de ce Think Tank avec Michel Piron, député (UDI) du Maine-et-Loire.
L’intervention de Jean Viard a d’emblée abordé la problématique de l’autorité. Sur le plan juridique, « l’autorité est la capacité à imposer des décisions, avec une légitimité obtenue grâce au suffrage universel », définit Géraldine Chavrier, professeur de droit public (Université Paris I, Panthéon Sorbonne) et avocate à la Cour.
Pas de chefs de bande, des chefs d’orchestre…
Voilà pour la théorie. Et en pratique ? Les termes autorité et légitimité ont-ils encore un sens de nos jours ? La question fait bien sûr écho aux récents phénomènes de contestation de l’action publique, autour de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou du barrage de Sivens. Sans oublier la réforme territoriale toujours en toile de fond des débats. Avec « cette carte dessinée sur un coin de table au beau milieu de la nuit », s’emporte Jo Spiegel, maire de Kingersheim (Haut-Rhin, 12 954 habitants). « Au final surtout, qui en a compris le sens ? »
Jean Viard insiste : « Pourquoi les politiques n’ont-ils pas pris le temps de s’arrêter sur la place des métropoles par exemple ? ». Le chercheur déplore le fait qu’« il n’y ait plus de grandes explications sur les raisons de telle ou telle réforme. » Car expliquer, c’est aussi former le citoyen. « Nous n’avons pas besoin de chefs de bande mais de chefs d’orchestre qui vont servir le groupe pour qu’il participe aux décisions », enchaîne Michel Hervé, fondateur du groupe Hervé et pionnier de la démocratie participative dans l’entreprise.
Jo Spiegel est aussi l’un des rares élus français à expérimenter ce principe dans sa commune. « Arrêtons d’opposer la phase de collaboration/concertation à celle de la décision », exhorte-t-il. « La légitimité d’une décision ne dépend pas de qui la prend mais de comment on la prend ». Les réfractaires parlent volontiers de démocratie lente. « Peut-être, mais au final, je vous garantis que l’élu est bien plus serein par rapport à la décision prise ». Sans compter que sur le long terme, le risque de contestation ou de recours apparaît aussi diminué.
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Éducation populaire et civique
Au niveau national, la démocratie participative n’en reste pas moins une utopie. « Nous n’en sommes qu’aux balbutiements car tout est cadenassé par l’élu », n’hésite pas à lâcher Géraldine Chavrier. Sans compter que « la démocratie participative, c’est d’abord parler de ce que l’on connaît », reprend Jean Viard. D’où la nécessité de repenser l’éducation populaire. En revenant aux fondamentaux de l’éducation civique ? « Pourquoi ne pas repartir des bases ? », suggère effectivement Michel Piron.
Après une première réunion en mars sur le thème justement de l’éducation puis la constitution de groupes de travail, le comité d’orientation du Think Tank Fontevraud se reverra en septembre pour franchir une nouvelle étape : celle des propositions d’expérimentations. Elles devraient tourner autour de la lettre D, comme démocratie. Et E, pour éducation.