Mobilité

Politiques cyclables : 10 pratiques inspirantes…ou pas

| Mis à jour le 17/10/2017
Par • Club : Club Techni.Cités

Une des pistes cyclables à Nantes - Flickr CC by European Cyclists

Flickr CC by European Cyclists

De nombreuses conférences de Velo-City, le congrès international du vélo organisé à Nantes du 2 au 5 juin 2015, présentaient des retours d’expérience à reprendre, mais aussi quelques échecs.

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Mobilités : coup de frein sur la voiture dans les villes moyennes 

Voilà plus de trente ans que des villes pionnières ont commencé à redonner au vélo sa place en ville. Les plans vélo se multiplient, à l’image de celui de la ville de Paris, ambitieux. La tentation est forte de réinventer la roue, alors que l’expertise internationale est déjà solide. Velo-city 2015, le congrès international du vélo organisé à Nantes du 2 au 5 juin 2015, a donné un bon aperçu des bonnes pratiques à suivre, et également des idées à laisser au placard.

1. Accorder une place centrale au vélo (au sens propre)

En ces temps de disette budgétaire, la mesure présentée par Gilles Blanchard, responsable du groupe sécurité routière à la direction Ouest du Cerema, est prometteuse : accorder une place centrale au vélo, au sens littéral du terme, le "chainon manquant", selon lui, à la fois "économique et rapide à mettre en œuvre". Actuellement, le vélo est souvent relégué sur les côtés de la voirie, car "le Code de la route et les aménagements qui en découlent sont faits pour libérer la voie pour les voitures". Un état de fait dangereux, argumente-t-il : portes ouvertes, angles morts… Il est donc temps de passer à la prochaine étape : "une vitesse apaisée, pas de dépassement, le vélo régule la vitesse". Avec un effet pédagogique à la clé : à force de "se trainer" derrière des bicyclettes, les automobilistes finiront par comprendre qu’ils feraient peut-être mieux de changer de monture…Une telle pratique a ainsi été mise en place à Gand, en Belgique. Si elle semble moins iconoclaste maintenant qu’il y a vingt ans, elle demande toutefois un certain courage politique pour la massifier.

2. Oser des choix drastiques

Lui non plus ne coûte rien, à part des voix aux élections : le courage politique de prendre des décisions qui peuvent fâcher. La ville de Taipei a ainsi réduit de façon drastique le nombre de parkings pour deux-roues motorisés, de 1360 à 72. La capitale de Taïwan aux 3,2 millions de deux-roues accueillera d’ailleurs la prochaine édition de Velo-City.

Mais pour susciter de tels choix drastiques, il faut là encore un certain courage politique. Or, en France,  la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB) dit se heurter à un manque de volonté politique, selon sa présidente Geneviève Laferrère. La FUB est pourtant aussi ancienne que nombre d’autres associations d’usagers à l’étranger, comme son équivalent allemand, l’Allgemeiner Deutscher Fahrrad-Club (ADFC), dont la discours a davantage été entendu par les décideurs publics.

3. Soigner la signalisation

Elle est modeste mais primordiale dans la conception des infrastructures : la signalisation. Le consultant danois Niels Hoe l’a rappelé dans une présentation très convaincante, invitant à se poser la question de sa configuration la plus pertinente, en fonction de là où le regard porte : horizontale, verticale ? Cela tient parfois à des petits riens. Ainsi, lorsqu’une ville suédoise a décidé d’implanter des parkings à cargo bike(1), elle a repris le visuel du parking à vélos « simples ». Résultat, les utilisateurs visés ne s’en servaient pas. Il aurait suffit pourtant d’un petit coup de peinture.

Autre geste simple et économe : signaler en amont la présence d’un feu sur une piste cyclable par des marques blanches au sol, afin que le cycliste ne soit pas surpris. Il est aussi important de faire une signalisation ad-hoc à l’attention d’usagers spécifiques, comme les écoliers.

4. Proposer des parkings sécurisés

La crainte de se faire voler son vélo fait partie des gros freins à son développement. Habib Khan, le patron de Cyclehoop, l’a bien compris et en a fait son business, en proposant toute une gamme d’abris et attaches ingénieux au design léché, récompensés pour certains. Dans un discours bien rôdé et émaillé de petites blagues, l’avisé entrepreneur a détaillé le cas de Londres, qui ressemble à bien des métropoles : habitat dense, élevé, et donc pas d’endroit pour garer son vélo en sécurité. Élégant comme un abri de jardin anglais, et orné de fleurs exotiques, son Lambeth Bikehangar s’installe sur une place de parking. Gérable entièrement par Internet, avec un système d’abonnement annuel, il présente un gros avantage pour la collectivité : il ne lui coûte rien, et elle n’a pas à assurer sa gestion. En plus, les artistes locaux et les enfants peuvent le personnaliser, donnant ainsi un chic fou à ce qui demeure, sur le fond, un peu de tôle et d’acier. Une participante a tout de même fait remarquer que le prix de la location du système revenait plus cher que de se garer en auto à Bruxelles…

5. Évaluer, évaluer, évaluer

Loin du pifomètre dans les choix d’aménagement :  une bonne décision s’appuie sur des données. Cela tombe bien, les capteurs se multiplient. NovaTP, la commission travaux publics de Novabuild, un cluster BTP de Pays de la Loire, a ainsi repris le Vél’audit du Cerema, un vélo à assistance électrique équipé de GPS, caméra, pendule SRT, pour développer un outil d’aide à la décision sur le choix du revêtement, en cours de développement.

Après deux plans vélos et une part modale qui faisait du surplace, Bruxelles s’est aussi plongée dans des audits chiffrés pour “ »faire différemment » et trouver des aménagements « utiles à tout le monde ». La ville s’est ainsi livrée à un exercice d’honnêteté : évaluer le risque de circuler à vélo et le traduire en couleur, selon le principe des pistes de ski, de bleu débutant à noir… combattant. L’analyse des données a mis en lumière la décorrélation entre réseaux et usages, les points noirs au carrefour, etc. Après cet examen, Bruxelles a opté pour un « RER vélo », un réseau de 80 km de voies séparées, correspondant aux besoins identifiés, pour 12 millions d’euros.

6. S’appuyer sur un processus de consultation ouvert

Birmingham a reçu un cadeau empoisonné : 24 millions de livres à dépenser de 2013-2016, le montant de la « cycle city ambition grant » attribuée par le ministère du Transport, pour faire ainsi sa « révolution vélo ». Sur un laps de temps aussi court, l’écueil de la dépense mal pensée est réel, a fortiori dans une ville comme Birmingham, plus connue pour son industrie automobile que pour la qualité de ses pistes cyclables. La ville a donc mis autour de la table les principales parties prenantes, experts, usagers… « Nous sommes plus efficaces, cela nous donne accès au savoir local et cela réduit l’opposition dans les consultations publiques « , a résumé Adrian Lord, le consultant chargé de mettre en œuvre ce plan vélo. Toutefois, le miracle total n’a pas eu lieu, le vélo n’est pas encore rentré dans les mœurs ; il reste un gros travail de pédagogie à faire.

7. Penser intermodalité

Enfourcher un vélo est un acte simple. Mettre en place des politiques publiques qui permettent son usage au quotidien par un maximum de personnes l’est beaucoup moins. La prise en compte de l’intermodalité fait partie des points clés pour étendre le rayonnement de l’usage, en touchant entre autres les banlieusards. Partant du constat que la part modale du vélo stagnait, alors que la ville est bien équipée, Séville a décidé de développer « une chaine intermodale complète, le chainon manquant », a indiqué Vincente Hernander-Herrador, chef de projet Servicio Integral de la Bicicleta (SIBUS) de l’Université de Séville. On notera au passage que la ville a choisi de s’appuyer sur un partenariat avec une université pour améliorer son expertise, avec la création d’un groupe de travail dédié à l’intermodalité. Après avoir identifié les marchés potentiels forts de « ride and bike »(2), la ville a mis en place un système de concessions, avec des magasins proposant des services variés. Ce qui génère au passage de nouvelles activités économiques, dans une ville frappée par la crise, a relevé le chercheur.

 

Les écueils à éviter

8. Copier les infrastructures pour automobiles

L’image, montrée par le consultant hollandais Stefan Bendinks(3) lors de sa présentation, a fait sourire : tiré d’un Disney des années 50, elle montre le futur des autoroutes, lisse et sans voiture. Et la réalité – l’image d’après – ce sont des 4×4 voies envahies d’automobiles… Depuis quelques temps, les projets d’autoroutes pour vélo éclosent pourtant, comme à Strasbourg. Attention, prévient Stefan Bendinks, citant le cas de la F35 aux Pays-Bas, le risque est d’en réaliser sans qu’il existe un besoin réel. « Ce sont des copies de solutions pour voiture, or les vélos ne sont pas des voitures. »

Autre exemple d’échec patent, les disques de stationnement pour vélo, tentés à Utrecht (Pays-Bas). Il faut a contrario « penser vélo », à l’image de ces voies conversationnelles à Copenhague, un aménagement inimaginable pour des voitures, alors que les cyclistes apprécient de taper la causette en roulant.

disque stationnement

9. Renforcer le contrôle/les contraintes

« Le vélo est un mode de transport informel, qui s’auto-organise, et vous devez maintenir son aspect amusant », a rajouté le même Stefan Bendiks. Utrecht n’avait pas cette règle en tête lorsqu’elle a décidé de renforcer les contrôles aux feux rouges. Bilan : des embouteillages monstres. De la même façon, les boutons déclencheurs de feux rouges pour vélos à Rotterdam n’ont pas marché. En revanche, les feux qui passent tous au vert aux quatre coins d’un carrefour, à Groningen, ont fait leurs preuves : il n’y a pas plus d’accidents.

10. Se focaliser sur une seule politique

Burkhard Stork, directeur de l’ADFC, l’a avoué sans fard : les pistes urbaines sont dans un piètre état en Allemagne. Voies pas entretenues, pas d’infrastructures… La contrepartie d’une priorité donnée au cyclotourisme, domaine où l’Allemagne trône au premier rang. Un bon point pour le développement local et les vacances, au détriment des usages de tous les jours.

Les villes françaises en bonne position

Le dernier Copenhagenize Index, réalisé par l’influent consultant canado-danois Mikael Colville-Andersen et sorti  à l’occasion de Velo-City, montre que les grandes villes françaises sont plutôt bien situées : nouvelle dans le classement, Strasbourg est 4e sur 122 métropoles évaluées, derrière Copenhague, Amsterdam et Utrecht.  » Ce que Strasbourg a réussi, toutefois, est le résultat d’une génération de planificateurs qui ont mis l’accent sur le vélo comme mode de transport. Ils ont planté les graines, et le jardin est florissant. »

Nantes est 7ème, en léger recul. Elle a compris « la valeur en terme de marketing de se présenter comme une ville qui évolue vite pour le futur ». L’organisation de Velo-city en est un exemple. Bordeaux la talonne, à la 8ème place, grâce à une politique « remarquable » : « un investissement solide dans l’infrastructure et les équipements a donné à Bordeaux un coup de fouet en matière d’urbanisme cycliste ».

Enfin, Paris gagne trois places, de la 20ème à la 17ème. « Paris ne comprend pas assez le design d’infrastructures cycclables pour devenir la meilleure capitale pour le vélo. Ce point est leur plus gros talon d’Achilles. » Les gros efforts annoncés changeront-ils ce verdict ?

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Commentaires

1  |  réagir

14/11/2016 12h11 - Olivier G

La photo de Nantes ne montre pas une piste cyclable, mais la passerelle Victor Schoelcher, qui enjambe la Loire.
On peut la passer en vélo, certes, mais ce n’est pas un équipement spécifiquement cyclable.
Les pistes et bandes cyclables à Nantes n’ont, hélas, pas toutes le magnifique aspect de cette passerelle…

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