Installée par Ségolène Royal, Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, le 19 février dernier pour faire suite aux souhaits formulés par Président de la République lors de la Conférence environnementale du 27 novembre, la Commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental présidée par l’ancien ministre et sénateur (PS) Alain Richard a été mandatée pour faire un état des lieux des procédures de démocratie environnementale existantes mais également pour formuler des propositions afin d’améliorer un dialogue qui, au vu des événements des derniers mois – la mort tragique d’un opposant au barrage de Sivens en tête – ne fonctionne plus.
Après avoir réuni et entendu de nombreux acteurs, collectivités territoriales mais aussi associations, universitaires, chercheurs et élus, la commission dresse un bilan des lacunes et faiblesses de la participation en matière environnementale telle qu’elle est aujourd’hui organisée. Le rapport reporte le « désintérêt du public pour les formes classiques de consultation », regrette l’absence, parfois, « d’objectivité et de transparences des données » lors de l’expertise, et l’usage d’une trop large variété de notions supposées représenter les formes du dialogue environnemental (information, participation, consultation, négociation…) qui rend confuse cette dernière et « ne donne aucune garantie au public sur la prise en compte effective de son droit à participer à l’élaboration d’une décision ».
Participer en amont
Une réflexion qui a amené les membres de la Commission à vouloir inscrire dans la loi l’organisation d’une participation du public en amont d’un projet, dès le stade de l’avant-projet ou du programme qui le fonde.
Mais, compte-tenu de la diversité des situations, la commission a opté pour une approche non systématique de la « concertation amont » selon la taille des projets. Ainsi, si les plus grands projets se prêtent, par leur durée et leur ampleur, à celle-ci, une telle automaticité serait disproportionnée pour la masse des projets « moyens » ou « locaux ». Selon les membres de la commission, « il est donc apparu rationnel (…) de les soumettre, d’abord au volontariat des maîtres d’ouvrage désireux de déclencher d’eux-mêmes une « concertation amont », et complémentairement à un mécanisme d’alerte déclenché en cas de problème par une représentation légitime du public ».
La commission a entendu ainsi développer une participation « encadrée par un schéma procédural aussi souple que possible », applicable aux deux types de décisions concernées par les « grands projets » :
- les décisions d’autorisation prises sur un dossier de demande par une autorité de l’État (préfet de département ou de région) ;
- les décisions de collectivités locales portant sur une construction ou un aménagement publics, conformes aux documents d’urbanisme en vigueur (l’élaboration ou la révision de ces documents suivant la procédure participative distincte prévue par le code de l’urbanisme).
Enfin, le rapport n’élude pas la question délicate du financement de la « concertation amont » : la commission a longuement débattu des avantages et des inconvénients de la situation actuelle, qui met à la charge du maître d’ouvrage le coût de l’évaluation environnementale et de l’enquête publique.
A l’issue de ce débat, elle a opté pour une extension de cette prise en charge au « financement d’une expertise de courte durée qui s’avérerait nécessaire dans le cours des débats ». En revanche, les demandes d’expertises ou d’analyses complémentaires qui, à l’issue de la « participation amont », seraient reconnues nécessaires resteraient de la responsabilité du porteur du projet.
La formule ainsi esquissée suppose une option budgétaire : soit la Commission nationale du débat public (CNDP) parvient à financer ces missions nouvelles sur ses ressources propres mais limitées, soit le Gouvernement devra lui consentir une dotation supplémentaire affectée à ces missions nouvelles.
L’appel au vote des citoyens ?
Deuxième temps fort du rapport, l’appel au vote des citoyens. Cette formule, en partie nouvelle, avait déjà été évoquée par le Président de la République dans son discours du 27 novembre dernier.
Le rapport rappelle que l’appel au vote des citoyens sur des questions de vie locale, dont des enjeux significatifs d’environnement, est déjà à la disposition des collectivités territoriales via le référendum décisionnel (l’assemblée délibérante remet la décision au résultat du vote populaire) ou par le biais de la consultation des électeurs préalable à une décision (le pouvoir de la décision finale reste aux élus après avoir enregistré le résultat de la consultation « pour avis »).
Toutefois, comme le remarquent les membres de la commission, le recours aux votations citoyennes est rare voire inexistant pour le cas du référendum décisionnel. De plus, le rapport met en garde sur ses futures modalités en présentant quelques précautions à prendre préalablement à sa mise en place :
- la consultation devra porter sur une proposition de décision « prête »,
- la décision de consulter devra être prise au niveau gouvernemental,
- la décision faisant l’objet de la consultation devra garder un caractère « local »,
- la consultation devra s’effectuer sur un territoire précis,
- l’information précédent la consultation devra être large, vérifiée et pluraliste.
Autant de précautions qui laissent présager que la votation citoyenne dans le dialogue environnemental ne sera pas une priorité gouvernementale. Réponse début septembre où un projet de loi a été promis.
Première réaction : « la justice toujours plus lente que les bulldozers »
Si l’Association « France Nature Environnement » reconnaît les quelques avancées qu’apporte le rapport dans la nécessité d’une concertation plus en amont, son président d’honneur, Bruno Genty, regrette que le rapport ne propose aucune mesure concrète pour améliorer la possibilité de suspendre les travaux en cas de doute sérieux sur leur légalité : « trop de projets sont annulés plusieurs années après leur mise en service, rendant le recours juridictionnel sans effet sur des dégradations irréversibles de l’environnement. On est dans les vœux pieux alors qu’on n’hésite pas à réduire les délais contentieux pour décourager le contentieux. Si rien ne bouge, les bulldozers iront toujours plus vite que la justice ! ».
Références
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ZAD : sortons de l'impasse !
Sommaire du dossier
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