Didier Hugues a d’abord travaillé chez un motoriste sous-traitant d’Ariane Espace avant d’être acheteur et responsable de service à Pont-Saint-Esprit (221 agents, Gard). Emilie Deschamps, elle, a exercé un an dans une centrale d’achat spécialisée dans le bricolage, puis cinq ans dans l’industrie avant de rejoindre en 2012 la ville d’Orléans (2 600 agents, Loiret) en tant qu’acheteuse publique.
Comme eux, de plus en plus d’acheteurs de collectivité ont préalablement eu une expérience dans le secteur privé. A l’échelle du secteur public, ils seraient même 20 %, selon une étude publiée en janvier 2013 par la centrale d’achat public Ugap et « Décisions achats ».
Et pour cause : alors que les contraintes budgétaires croissantes qui pèsent sur les collectivités rendent les achats on ne peut plus stratégiques, les parcours en formation initiale pour les acheteurs territoriaux n’existent pas.
Les compétences d’acheteurs expérimentés, même issus du monde de l’entreprise, sont donc particulièrement appréciées.
Performance
Emilie Deschamps estime d’ailleurs qu’il y a un véritable challenge à relever pour les acheteurs du privé qui intègrent la fonction publique territoriale : « Tout ou presque est à faire. » Pour Giancarlo Bruni, responsable de la mission « achat » de la ville de Toulouse et de Toulouse métropole (37 communes, 3 316 agents), « c’est le sens de l’histoire que d’aller vers une professionnalisation de la fonction, car elle est génératrice de performances économiques, sans être trop douloureuse pour les services. »
Lorsqu’ils ne sont pas recrutés en externe, les acheteurs sont en tout cas formés pour monter en compétences.
Jusqu’ici, la plupart des agents intervenant dans les achats avaient plutôt un profil juridique, indispensable pour maîtriser les arcanes du code des marchés publics. Désormais, c’est la recherche de la performance économique qui prime, avec une spécialisation des missions de l’acheteur dans ce domaine. A Orléans, par exemple, fonctions de juriste et d’acheteur se complètent.
« J’ai bien sûr suivi une formation aux marchés publics à mon arrivée et je continue à développer mes connaissances en la matière. Mais il m’appartient de trouver des dispositifs permettant de dégager des marges de manœuvre, alors que les juristes, qui ont été sensibilisés à l’achat, interviennent en appui pour valider mes propositions d’un point de vue juridique », indique Emilie Deschamps.
Missions multiples
Si un tiers de l’activité d’Emilie Deschamps est consacré à l’accompagnement des services opérationnels pour les achats à fort enjeu, le temps restant est dédié à la politique de performance des achats, c’est-à-dire à la recherche d’économies. Les missions des acheteurs sont, en effet, multiples : préparer les achats en définissant avec les services leurs besoins afin de déterminer les produits visés, le niveau de qualité et les délais, connaître le tissu économique afin d’analyser l’offre des entreprises et ajuster les besoins des services, négocier le cas échéant avec les fournisseurs…
Une diversité qui fait tout l’intérêt de ce métier en pleine mutation.
Avis d’expert
« Analyser les besoins des services »
Jean-Marie Héron, président de l’Association des acheteurs publics (AAP)
Le métier d’acheteur n’existe pas dans la FPT et l’un des objectifs de l’AAP est de le faire reconnaître. Les achats représentent un enjeu fort pour les collectivités. Pourvus d’une dimension juridique, ils constituent pourtant, avant tout, des actes économiques. Le rôle de l’acheteur est d’analyser les besoins des services, de s’assurer que le produit demandé existe bien… Ce n’est que dans un second temps que devraient intervenir les aspects juridiques. Nous sommes loin d’en être à ce stade dans les collectivités, où l’on préfère souvent que les marchés soient totalement pilotés par les services juridiques. Afin de professionnaliser la fonction, l’AAP vient de nouer un partenariat avec l’IEP de Bordeaux pour proposer en formation continue un certificat de compétences “acteur de la commande publique”.
Cet article fait partie du Dossier
Acheteurs publics : prendre en main la nouvelle réglementation
Sommaire du dossier
- Commande publique : une mutation culturelle et économique pour acheter plus efficace
- Dématérialisation : les acteurs publics sous pression face à l’échéance
- Achat public : des règles assouplies pour une créativité accrue
- Le social, parent pauvre de la commande publique
- Achat public : une professionnalisation à petits pas
- Dématérialisation : il faut enclencher la vitesse supérieure
- L’insertion sociale : une conviction… des solutions
- Marchés publics et concessions : de nouvelles obligations pour les plateformes de dématérialisation
- L’égalité femmes-hommes à la traîne dans les contrats publics
- Témoignages : pour l’achat public, à chaque structure sa solution
- Comment réussir à rendre un marché social
- « Le nouvel enjeu de la commande publique : la dématérialisation »
- « Pour l’acheteur comme pour l’entreprise, la crainte du changement reste un frein »
- Achat public : les collectivités à la recherche de la bonne formule
- Les 5 mesures phares de la simplification des marchés publics
- Marchés publics et innovation : une équation impossible ?
- Portrait robot du nouvel acheteur public : regards croisés
- Modernisation de l’achat public : les intercos encore loin du compte !
- L’acheteur public, de bon gestionnaire à manager 2.0 ?
- « Laissons Molière à la littérature et au théâtre ! »
- Dématérialisation : une étape incontournable pour les acheteurs publics
- Plaidoyer pour un code des marchés publics idéal
- Marchés publics simplifiés (MPS) : Poitiers, la ville record !
- La commande publique sur tous les fronts…. pas si simple pour les acheteurs !
- Dématérialisation : la montée en compétence des acheteurs
- Simplification des marchés publics : de bonnes intentions à confirmer pour les associations
- CGPME, Capeb, FFB… : Oui au MPS, non au Dume