Ponctuée de virulentes polémiques, parfois de drames, l’actualité des relations entre les collectivités et ceux que la loi du 5 juillet 2000 nomme « gens dits du voyage », ne connaît guère de trêves.
D’octobre à décembre 2009, les parlementaires ont déposé deux propositions de lois et décidé, le 23 décembre, d’appliquer la taxe d’habitation aux résidences mobiles terrestres à partir de 2010.
Parallèlement, une mission de l’Assemblée nationale se penche, depuis le 23 septembre 2009, sur l’évaluation des dispositifs d’accueil des gens du voyage. Et d’autres problèmes sont régulièrement soulevés.
Chacun de leur côté, Jacques Pélissard, président de l’AMF et Pierre Hérisson, sénateur (UMP) de Haute-Savoie, en charge du dossier gens du voyage au sein de l’AMF, mais aussi président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, proposent de redéfinir des points particuliers du partage des compétences entre les communes, les intercommunalités et l’Etat.
Pour leur part, des associations ont interpellé le gouvernement en demandant l’extension de la trêve hivernale sur les expulsions de terrains et les coupures d’électricité aux habitants de caravanes tsiganes et non tsiganes.
Elles interpellent aussi le premier ministre afin qu’il révise les titres de circulations imposés par la loi de 1969, aux citoyens sans domicile stable pendant au moins six mois dans l’année.
Bien que restant très discret sur ces dossiers sensibles, le gouvernement, interpellé en septembre 2009 par une nouvelle délibération de la Halde, s’efforce de démontrer qu’il ne chôme pas.
Tout en répondant, début janvier 2010 à ses solliciteurs que la trêve hivernale ne concerne que les logements locatifs et non les caravanes, Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au logement, leur a annoncé la prochaine nomination des membres de la commission nationale consultative des gens du voyage qui, pour l’heure, ne compte que son seul président.
Loterie humaine et juridique
Durant la même période, une multitude d’incidents ont illustré les situations parfois inextricables auxquelles sont confrontées les collectivités et ces administrés aux statuts mal définis. « Qui est responsable lorsqu’une commune n’a pas rempli ses obligations vis-à-vis de la Loi Besson et qu’un voyageur provoque un incendie en se branchant sur le réseau électrique ? », demande Alain Fayard, président de l’ANGVC 74.
Il évoque le cas dramatique d’un père de famille qui, faute d’aire d’accueil, s’est installé où il pouvait. N’espérant aucune autorisation, il s’est branché sur le réseau électrique déclenchant un incendie. Grièvement blessé, ayant perdu son habitation mobile et son instrument de travail, mis sa famille et les voisins en danger, ce commerçant itinérant et la collectivité se retrouvent au cœur d’un imbroglio juridique inextricable ou les responsabilités se trouvent largement partagées.
D’un côté, une solide jurisprudence fondée sur la Loi Besson et l’arrêt du Conseil d’Etat, « Ville de Lille », du 2 décembre 1983, imposent des obligations d’accueil à la commune.
De l’autre, un citoyen isolé se trouve dans une situation juridiquement délicate lorsqu’il se substitue aux pouvoirs publics pour s’octroyer un espace de stationnement et se raccorder de sa propre autorité aux réseaux d’eau et d’électricité.
De plus en plus nombreux, les groupes de grands passages résolvent ainsi ponctuellement les problèmes de stationnements sans hésiter à faire valoir, parfois avec succès, leurs droits devant les tribunaux. Mais les collectivités peinent à se repérer dans les pratiques très diversifiées de l’itinérance.
Connaître les publics
Ecouter les témoignages des intéressés et observer leurs pratiques permet de constater qu’ils ne rentrent jamais véritablement dans une catégorie bien définie. La même famille, selon les circonstances et l’évolution de ses activités professionnelles, circule, seule ou en groupe, participe à des rassemblements familiaux spontanés autour d’un malade et, à l’occasion, rejoint un grand rassemblement religieux.
Il n’est pas non plus exceptionnel que le même voyageur possède son propre terrain, parfois en zone agricole, mais aussi parfois agrémenté d’une véritable maison au cœur de la ville.
Ni perpétuellement nomades, ni totalement sédentaires, les gens du voyage ne sont pas pour autant insaisissables. Des centres de ressources ressemblant aux organismes spécialisés avec lesquels les collectivités ont l’habitude de collaborer permettent de s’appuyer sur les enseignements d’expériences solidement capitalisées sur la longue durée à partir des points de vue des milieux qui les supportent.
Le réseau IDEAL gens du voyage s’appuie sur des collectivités et les entreprises spécialisées dans la gestion des aires d’accueil.
La FNASAT traduit l’expertise des associations au contact des voyageurs depuis des décennies.
Disposant de moins de moyens, l’ASNIT, l’ANGVC et l’UFAT, portent les paroles des intéressés. Nous ne devons pas oublier que 95% des gens du voyage sont des citoyens français que nous devons d’abord considérer comme des administrés, martèle le sénateur Pierre Hérisson, en charge du dossier gens du voyage au sein de l’AMF. Tout en admettant que les élus sont confrontés à de véritables difficultés et qu’ils doivent tenir compte de violentes levées de boucliers de la part de leurs électeurs. Mais, les gens du voyage ne sont pas tous semblables. Nous devons tenir compte de la réalité de chaque situation et des personnes que nous avons en face de nous, insiste-t-il.
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