Construire toujours de nouveaux édifices sans regarder ce dont on dispose dans son patrimoine immobilier coûte cher : il faut entretenir toujours plus de locaux, alors que certains restent vacants. Une gestion active de son patrimoine consiste notamment à valoriser des bâtiments dont la collectivité ne se sert pas en les vendant. La collectivité réalise ainsi des économies d’entretien sur ces biens et récupère des fonds permettant de financer d’autres opérations : acheter ou construire de nouveaux locaux mieux adaptés, mettre aux normes d’autres bâtiments…
1 – Eviter l’accumulation
Rapport après rapport, la Cour des comptes exhorte les collectivités territoriales à mieux gérer leur patrimoine immobilier(1). Ce patrimoine, souvent le fruit de l’histoire, est un empilement de biens plus ou moins hétéroclites. Les collectivités, en effet, se séparent rarement de leurs biens par méconnaissance ou par crainte qu’on les accusent de vendre les « bijoux de la couronne ». Par ailleurs, les élus s’intéressent peu au sujet, faire de nouvelles constructions étant beaucoup plus valorisant et visible.
2 – Faire un inventaire exhaustif
Pour entamer une gestion active, il est nécessaire de connaître précisément ses biens et donc de procéder à un inventaire précis. Selon la taille de la collectivité et son antériorité, cela peut prendre plusieurs années : parfois, les titres de propriété sont disséminés un peu partout et les biens sont gérés par chacune des directions utilisatrices tels que le service de la culture, des sports ou celui en lien avec les associations…
Par ailleurs, à la fin du 19ème siècle, les dons et legs des particuliers aux villes étaient très en vogue. Certains collectivités ont ainsi dans leur parc, des maisons, des appartements, des vignobles, des grottes, des bois, des terres agricoles… Enfin, avec l’Acte II de la décentralisation, les collectivités se sont vu transférer certains biens par l’État, mais n’ont pas toujours les titres de propriété.
3 – Bâtir une base de données unifiée
Doter chaque bien d’un numéro d’inventaire unique et instaurer une base de données centralisée, renseignée régulièrement par les différents services, permet d’avoir une vision complète d’un bâtiment : sa localisation, son coût initial, le cumul des travaux effectués, par qui il est occupé, s’il est loué, son état sanitaire, sa conformité ou non aux normes d’accessibilité et de transition énergétique, le coût des fluides… Autant d’informations nécessaires pour vérifier si un bâtiment du parc pourrait correspondre à un nouveau besoin émis ou bien pour arbitrer sur l’intérêt de conserver ou non ce bien. Cependant, la valeur comptable ne correspond que rarement à la valeur marchande… Le Loiret a fait l’exercice de calculer cette valeur marchande. Mais la tâche est peu aisée et nécessite une mise à jour permanente.
4 – Connaître les coûts de fonctionnement et d’entretien
Les collectivités regardent rarement combien leur a coûté l’entretien de tel ou tel bâtiment au fil du temps. Pourtant, parfois mieux vaudrait détruire une école pour en reconstruire une nouvelle, plutôt que de refaire des travaux tant ses coûts d’entretien ou de chauffage sont élevés. C’est pourquoi certaines collectivités, comme par exemple la ville de Besançon, mettent en place des indicateurs de coût moyen au m² par type d’équipements (écoles, maisons de quartier, gymnases, terrains de foot…). Cela leur permet de savoir rapidement si un bâtiment est dans la moyenne ou non.
5 – Mettre en place des plans pluriannuel d’investissement
Rogner sur les coûts d’entretien est tentant surtout en temps de restrictions budgétaires. Si de telles pratiques permettent de conserver de bons ratios financiers, c’est à moyen terme une très mauvaise idée. Ne pas effectuer régulièrement des travaux d’entretien, c’est être assis sur une bombe à retardement : « négliger l’entretien du patrimoine peut conduire à l’alourdissement des charges de fonctionnement par l’accélération de la dégradation du bâti provoquant des interventions plus lourdes, voire une détérioration irréversible du bâtiment », souligne la Cour des comptes.
Mettre en place un plan pluriannuel d’investissement (PPI) permet de lisser l’effort et surtout d’éviter que l’entretien des bâtiments ne devienne systématiquement la variable d’ajustement dans des périodes budgétaires difficiles. Les PPI sont également recommandés pour la mise aux normes d’accessibilité et de transition énergétique.
6 – Opérer des regroupements
Les collectivités réfléchissent également à optimiser leur parc. De plus en plus tentent de regrouper plusieurs services en un seul bâtiment, la multiplication des petits sites étant coûteuse en fonctionnement. Cela vaut aussi bien pour les bâtiments ouverts au public que pour les immeubles de bureaux. Elles regardent aussi de près les biens mis à la disposition des associations. Les rassembler dans des maisons des associations permet de mutualiser des équipements et de revoir les attributions…
7 – Monter des opérations
Les collectivités se rendent peu à peu compte qu’il est souvent plus coûteux de construire elles-mêmes les bâtiments que de les acheter sur plan à des promoteurs. De même la destruction de certains biens, avec des chantiers de désamiantages, est très onéreuse. Il peut donc être intéressant pour une ville de créer des lots où par exemple une parcelle foncière intéressante pour les promoteurs est couplée à la réhabilitation d’un bâtiment ancien.
Avoir une gestion active de son patrimoine immobilier comportent donc de nombreux volets, et exigent des collectivités qu’elles professionnalisent la fonction immobilière.
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Comment convertir votre patrimoine immobilier en atout financier
Sommaire du dossier
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- Gestion du patrimoine : le travail d’inventaire, une phase essentielle
- La gestion active du patrimoine : une obligation financière !
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- « Les élus se sont emparés de la question du patrimoine »
- Le patrimoine immobilier au secours des collectivités locales
- Le patrimoine scolaire, lourde charge pour les collectivités
- Marseille se lance dans la gestion active de son patrimoine
- A Bordeaux, gestion du patrimoine rime avec cessions et constructions
- Gestion active du patrimoine : les 7 clefs pour réussir
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- Gestion patrimoniale : témoignages d’expériences réussies
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- Le patrimoine foncier des collectivités fait recette
- Nantes optimise sa stratégie foncière et immobilière
- Grenoble pilote son patrimoine immobilier en bon père de famille
- Pourquoi et comment Toulouse cède son patrimoine inutilisé
- Gestion du patrimoine : une source d’économie pour les collectivités
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Le chapitre 4 du rapport annuel public 2013 de la Cour des comptes sur les collectivités territoriales intitulé « L'immobilier des collectivités territoriales ; vers une gestion plus dynamique », expose notamment l'intérêt de la mise en place d'un schéma directeur du patrimoine foncier et immobilier. Retour au texte