01 – Quel est le fondement juridique de l’obligation de réserve ?
D’origine jurisprudentielle, l’obligation de réserve constitue l’un des impératifs déontologiques qui s’imposent aux agents territoriaux. Elle ne figure pas expressément dans le statut général des fonctionnaires, y compris dans sa récente version codifiée. Elle est imposée par le juge administratif, qui entend garantir ainsi la neutralité du service public et l’impartialité de traitement des usagers par les agents publics.
02 – En quoi consiste l’obligation de réserve ?
Venant contrebalancer leur liberté d’expression, le devoir de réserve impose aux fonctionnaires, même en dehors de leur service, de s’exprimer avec une certaine retenue. Cette obligation ne concerne néanmoins pas les opinions, la liberté d’opinion étant reconnue aux fonctionnaires, mais la façon dont ils les expriment.
Afin de respecter le principe de subordination hiérarchique et de neutralité du service public, ils doivent éviter, de manière générale, toute manifestation d’opinion de nature à porter atteinte à l’autorité de la fonction. Le devoir de réserve interdit, par exemple, de tenir publiquement des propos outranciers visant les supérieurs hiérarchiques ou, plus largement, dévalorisant l’administration.
Le respect de l’obligation de réserve s’apprécie au regard de la nature des fonctions et des circonstances, ainsi que du contexte dans lesquels l’agent s’est exprimé, notamment de la publicité des propos (lire la question n°6) (1).
03 – Quels faits peuvent porter atteinte à obligation de réserve ?
La jurisprudence en offre des exemples variés.
Ainsi, des accusations d’incompétence proférées publiquement par le directeur d’un théâtre municipal à l’encontre du maire et de son adjoint portent atteinte à l’obligation de réserve (2) ; ou encore, le fait pour un ouvrier professionnel de tagger des injures contre le maire, notamment sur des véhicules municipaux, est également sanctionnable (3). Mais, compte tenu de la nature et du niveau hiérarchique de l’intéressé, sa révocation a été considérée comme disproportionnée.
De même, constituent, par exemple, un manquement à l’obligation de réserve :
- la publication par un fonctionnaire de police d’un dessin offensant le président de la République (4) ;
- la participation d’un fonctionnaire à un congrès préconisant l’indépendance des départements d’outre-mer (5) ;
- ou, plus récemment, la prise à partie des parents d’élève par un employé de cantine sur de prétendus manquements aux règles d’hygiène (6).
04 – Quels faits ne portent pas atteinte à l’obligation de réserve ?
Certains agissements ne sont pas considérés comme portant atteinte à l’obligation de réserve. Il en va ainsi, par exemple, du fait pour un fonctionnaire de police de n’avoir pu empêcher des gestes et des cris hostiles au gouvernement lors d’une manifestation autorisée (7) ou encore du médecin territorial qui s’exprime sur le sort d’un enfant, dans le respect du code de déontologie médicale (8).
- Les obligations des agents territoriaux en 10 questions
05 – Quelles sont les conséquences du non-respect de l’obligation ?
Le non-respect de l’obligation de réserve est susceptible de constituer une faute disciplinaire (9). Il appartient à l’autorité hiérarchique dont dépend l’agent d’apprécier si un manquement à l’obligation de réserve a été commis et, le cas échéant, d’engager une procédure disciplinaire (10). Elle doit tenir compte, entre autres, de la publicité des propos, du niveau de responsabilité de l’agent concerné ou d’autres circonstances. Par exemple, il a été jugé que le blâme d’un agent responsable de la cuisine d’un lycée qui manque notamment à son obligation de réserve et aux règles de sécurité, est justifié (11).
A l’inverse, la révocation du directeur général des services d’une commune pour manquements au devoir de réserve, intervenus dans un contexte de campagne électorale a été considérée comme disproportionnée (12). Pour ...
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Déontologie des fonctionnaires : décryptage de la loi de 2016
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- L’obligation de réserve des agents publics territoriaux en 10 questions
- Loi « déontologie » : Une redéfinition légale des obligations des fonctionnaires
- Loi « déontologie » : La prévention des conflits d’intérêts, un nouvel impératif
- Loi « déontologie » : Mise en place de la procédure du lanceur d’alerte
- Loi « déontologie » : Le nouveau régime des cumuls d’activités
- Loi « déontologie » : Le renforcement des droits des agents publics
- Loi « déontologie » : De multiples modifications de nature statutaire
- Loi « déontologie » : Le renouveau du régime des agents contractuels
- Loi « déontologie » : décryptage des principaux décrets d’application
- Faire face aux différents risques du droit pénal
- Installer la fonction de référent déontologue en six étapes
- La déontologie de l’acheteur public en sept points-clés
- Le point sur les règles de cumul d’activités
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- Respecter ses obligations en matière d’alerte éthique en six étapes
- Alerte éthique : décryptage de la nouvelle procédure de recueil
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