Cela fait quelques années déjà que la génération Y, – celle des 20-35 ans qui compose 20% de la population française- a amorcé un grand virage dans le monde du travail : quête de sens, rejet de l’autorité verticale, goût de l’autonomie et propension marquée à utiliser les outils connectés pour travailler…
Ces jeunes qui font souffler un vent nouveau aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, cassent les codes, promeuvent une nouvelle vision du travail… et déstabilisent leurs managers !
« Les Y ont poussé les anciennes générations –que ce soient les Baby-Boomers ou la génération X – à évoluer, se félicite Jean-François Lemmet, consultant formateur RH, ancien DGA d’une grande collectivité locale d’Île de France. La coexistence et les divergences entre les générations ont toujours existé au travail. Mais cette fois-ci avec la génération Y et bientôt avec l’arrivée de la génération Z, la rupture est plus nette ».
Rapport décomplexé à la hiérarchie
Certes, les jeunes générations apportent de la modernité dans la fonction publique en encourageant, par exemple, l’usage des nouvelles technologies, mais ils font naître, aussi, des relations au travail inédites.
« Les grandes caractéristiques que partagent les Y et les Z peuvent se résumer ainsi : ils font plus prévaloir leurs droits que leurs devoirs, sont dans le zapping permanent et l’immédiateté, et surtout leur comportement par rapport au chef est déconcertant. Ils ont un style beaucoup plus direct et font tomber les barrières », souligne Jean-François Lemmet.
Marie-Claude Sivagnanam, Directrice générale des Services à la Ville de Cergy confirme : « La génération Y (dont je fais d’ailleurs partie !), a un rapport totalement décomplexé vis-à-vis de la hiérarchie. Pour eux, la légitimité du chef ne vient pas de ses titres ou de ses diplômes ». Et Jean-François Lemmet d’enfoncer le clou : « l’exigence envers le chef est très forte : il doit être exemplaire ! »
Patience et conviction doivent ainsi prévaloir pour manager avec efficience ces générations qui recherchent l’épanouissement, la convivialité et un travail à la fois participatif et collectif. « Les Y aiment être écoutés, poursuit Jean-François Lemmet. Ils veulent être respectés, reconnus, considérés et bénéficier d’un accompagnement quotidien ».
Ces jeunes – qui manifestent un attachement profond à l’engagement éthique des organisations où ils évoluent – se caractérisent par une recherche constante de sens et d’explication des missions.
« Globalement, ils n’ont pas des âmes d’exécutants. « Fais ça ! » ne marchera pas avec les Y. Il faut adopter avec eux un mode de management très explicatif ». Car s’ils ne sont pas convaincus du bien-fondé ou du sens de la mission demandée, Marie-Claude Sivagnanam l’assure : « on peut rapidement observer de la désobéissance. Le manager doit alors pouvoir exercer son leadership car il ne faut pas forcément abaisser son autorité. Nous devons répondre aux aspirations nouvelles de ces jeunes, mais cela suppose aussi un véritable enjeu d’intégration. Car il faut leur faire comprendre qu’ils s’inscrivent dans une histoire et dans un cadre de travail que l’on peut certes faire évoluer, mais qui est là et qui est utile ».
Energie et créativité salutaires
Férus de la rapidité offerte par les nouvelles technologies, les jeunes générations sont plus impatientes. Un trait de caractère qui se confronte parfois durement à la réalité des collectivités locales et à la lenteur des règles administratives. « C’est là que le rôle du cadre va être important, souligne Jean-François Lemmet. Le manager va avoir un devoir d’information et d’explication très fort, pour justifier la nécessité et la finalité des marchés publics par exemple ».
Mais si ces jeunes bousculent les habitudes et effraient parfois, ils apportent avec eux une énergie et une créativité salutaires. « Ils sont déstabilisants, reconnaît Valérie Chatel, DGA ressources à la région Rhône-Alpes et présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités. Mais ces jeunes sont aussi un facteur de facilitation : ils travaillent spontanément en réseau, sont créatifs, fonctionnent en circuit court et ont une gestion moins linéaire des tâches ».
Marie-Claude Sivagnanam se veut elle aussi rassurante, persuadée que les organisations ont beaucoup à apprendre de ces jeunes : « ils foncent et manifestent une réelle envie de travailler et d’avancer ».
La génération Z – ces moins de 20 ans que l’on annonce encore plus exigeants que les Y en termes d’aspirations et de revendications- devrait pousser encore plus loin le processus de modernisation de la fonction publique. Une avancée sur laquelle nos trois experts sont unanimes : « ce sera une très bonne chose pour tout le monde ! »