La loi sur la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition et l’évaluation des politiques publiques, a été adoptée, ce jeudi 2avril, par le Sénat. La Gazette des Communes avait interviewé, en décembre, l’auteur de la proposition de loi, la députée écologiste Eva Sas. Avec cette initiative, la vice-présidente de la commission des finances souhaite « remettre l’humain au coeur des politiques publiques ». Comment ? En mettant fin à l’hégémonie du PIB, cet « indicateur global, qui ne prend pas en compte la répartition des nouvelles richesses créées, et donc les inégalités. Ce défaut est à l’origine d’une incompréhension, voire, dans certains pays, d’une défiance des citoyens face aux statistiques officielles ».
Son texte prévoit que le gouvernement remette, chaque année, au Parlement, un rapport présentant l’évolution sur les années passées de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d’inégalité, de qualité de vie et de développement durable. Les principales réformes passées, en cours et à venir, seraient aussi examinées au regard de ces critères. La date est fixée au premier mardi d’octobre afin de coïncider avec le début de la discussion budgétaire. Après lui avoir rendu hommage, son collègue sénateur, André Gattolin, a mis en avant l’intérêt de cette démarche :
La question posée ici est cruciale : c’est celle de l’inadéquation de notre gouvernance économique aux besoins de nos concitoyens et aux exigences de notre environnement. Il s’agit ainsi de mieux prendre en compte le quotidien de nos concitoyens dans la définition des politiques publiques.
Fini le « après moi, le déluge »
Pour Eva Sas, « l’enjeu de cette loi est que la réussite d’un gouvernement ne soit plus mesurée à l’aune de la croissance du PIB, mais de nos véritables objectifs : l’emploi, la qualité de vie, le revenu réel de nos concitoyens, la préservation de notre environnement ». Concrètement grâce à cette loi, a-t-elle remarqué, « le gouvernement mettra en place des indicateurs qui nous permettront deux choses. D’une part, d’avoir une image précise du quotidien des Français pour pouvoir l’améliorer. D’autre part, de remettre du long terme dans nos politiques en évaluant notamment le patrimoine naturel et économique que nous laissons aux générations futures. On a eu trop souvent des décideurs politiques qui pensaient « après moi, le déluge », avec les nouveaux indicateurs de patrimoine naturel et économique, cela sera plus difficile ».
Mieux rendre compte du quotidien des Français
Comme le rappelle le groupe écologiste au Sénat, le travail sur la définition de ces indicateurs a d’ores et déjà commencé dans une commission conjointe du Conseil Economique, Social et Environnemental et de France Stratégie, l’organe de prospective gouvernemental. Cette initiative débouchera sur un débat citoyen qu’Eva Sas souhaite « la plus large possible. Car c’est aux citoyens de s’approprier cette loi en déterminant collectivement quels sont les indicateurs de progrès de notre société ». Et d’énumérer les questions que les citoyens doivent se poser : « Qu’est-ce qu’une société qui va bien ? Est-ce une société qui améliore son espérance de vie ? Qui réduit les inégalités de revenus ? Qui diminue son empreinte écologique ? Qui continue à investir dans l’avenir ? Qui améliore son niveau d’éducation ? Qui permet à tous d’accéder à un logement décent ? » Une fois les réponses apportées, à charge ensuite au gouvernement de « s’emparer du sujet et d’évaluer les progrès ou les reculs de la France sur tous ces indicateurs lors du budget 2016 ».
Les régions montrent le chemin
L’idée consiste ainsi à reconsidérer, ensemble, ce qui fait la richesse de notre société, comme le défend l’économiste et philosophe Patrick Viveret. Et ce, en s’appuyant sur d’autres indicateurs que le PIB qui ne reflète pas, selon Jean Gadrey, autre économiste de renom, le progrès social et ne permet pas de penser le développement durable. Si cette nouvelle loi ne concerne que l’échelon national, le gouvernement serait bien avisé de s’inspirer des collectivités territoriales pour rattraper le retard de la France en matière de nouveaux indicateurs. Parmi lesquelles : la région Nord-Pas-de-Calais, un « laboratoire d’innovation » aux yeux d’Eva Sas.
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