« Les événements de janvier montrent que nous sommes sur la bonne voie », se rassure Jacques Auxiette, même si le président (PS) des Pays de la Loire ne doute pas un instant de la pertinence du groupe de réflexion qu’il a initié en décembre dernier sur le thème « penser et agir ensemble ».
Le comité d’orientation du Think tank de Fontevraud s’est réuni pour la deuxième fois les 13 et 14 mars à l’abbaye éponyme (Maine-et-Loire) et a naturellement débuté ses travaux sur la question du vivre ensemble, de l’intégration et de la tendance au rejet de l’autre.
Le rapport de Nawel Rafik-Elmrini (1), sur la promotion de la diversité par l’éducation interculturelle et les stratégies de communication, a alimenté les premiers débats dont la richesse tient à la diversité des positions.
Sur-représentation de la causalité des origines et de la religion
Alors que pour certains, le rejet de l’autre se cristallise en période de crise et qu’il faut par conséquent redonner des perspectives d’avenir à chaque communauté de population, David Martin, directeur de l’abbaye de Fontevraud, refuse de limiter les problèmes d’intégration à des difficultés socio-économiques et raciales. Le problème est selon lui « plus profond » et concerne aussi les handicapés et les homosexuels. « La question des grilles de lecture que l’on projette est cruciale, estime-t-il, il y a une sur représentation de la causalité des origines et de la religion ».
« Chaque culture a ses valeurs qui sécurisent le groupe », rappelle Jean-Charles Ringard, inspecteur général de l’éducation nationale, « il faut reconnaître les différences entre les populations telles qu’elles sont et pas telles que l’on voudrait qu’elles soient ».
Un avis partagé par l’entrepreneur Michel Hervé pour lequel favoriser le vivre ensemble nécessite de trouver un sens commun qui est aujourd’hui la « dimension écologique, la survie dans un monde qui se dérègle ».
Jacques Auxiette propose justement de « construire le discours de la diversité sur les valeurs universelles et pas uniquement culturelles ». Reste à savoir lesquelles et comment elles doivent être transmises.
Savoir ce qui fait autorité
La question essentielle est par conséquent l’éducation du citoyen et le rôle de l’école de la république sur lesquelles le Think tank doit prioriser ses travaux et répondre aux interrogations fondamentales telles que faut-il former à la citoyenneté ? Qu’est-ce qu’un citoyen ? Quelle méthode utiliser ?
« L’école a d’énormes marges de progrès à réaliser », constate cet ancien professeur de mathématiques, « j’aimerai que le think tank liste ce que l’éducation nationale fait pour l’enseignement du citoyen ».
Un axe de réflexion que le groupe éducation (13 personnes) ajoutera à ses travaux centrés sur l’amélioration des processus de prise de décision dans l’école pour respecter la diversité des acteurs et la façon dont l’école peut participer à l’éducation citoyenne.
Tout l’enjeu du think tank consiste à convaincre l’Education nationale du bienfondé de ses pistes d’évolution, ou tout au moins l’inciter à faire évoluer ses modes de fonctionnement peut-être via des expérimentations. Mais pour David Martin, « si l’éduction a un rôle à jouer, elle n’est pas la seule ». Il est indispensable selon lui de « savoir ce qui fait autorité aujourd’hui ».
Une interrogation abordée par le deuxième groupe de travail concernant le renouvellement de l’action publique. Regroupant une trentaine de personnes (cadres territoriaux, représentants des organisations professionnelles, consultants, universitaires…), il oriente ses travaux sur trois thèmes :
- la délibération autour des grands projets d’aménagement afin de pouvoir continuer à mener des projets sans créer de situations de blocages ;
- les limites et les intérêts de l’intervention publique au travers de l’exemple du développement économique ;
- les modalités de financement de l’action publique et la soutenabilité de son modèle alors que l’impopularité fiscale grandie.
Quand la concertation atteint ses limites
Directement concernée par la virulente opposition à un projet d’aménagement (l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) et la présence de « zadistes » sur le futur chantier, la région des Pays de la Loire et ses adhérents au think tank s’intéressent particulièrement à l’évolution de la concertation et du débat public qui ont « atteint leurs limites », constate Simon Munsch, DSG du conseil régional.
D’autant, souligne l’avocate Géraldine Chavrier que « la démocratie participative est totalement encadrée par l’Etat pour éviter la politisation des décisions au niveau local ». Selon cette spécialiste en droit public, « le référendum local a été conçu de manière à ce qu’il n’existe pas ».
Si le député de Maine-et-Loire, Michel Piron (UDI), pointe du doigt « le rôle majeur joué par les médias » et regrette « la plus forte résonance des opposants que celles des partisans », l’éditorialiste Michel Urvoy met en cause « la question du temps » très long pour mener un projet à son terme, mais aussi « la posture des décideurs et la justification du projet » qui font douter la population.
Mais David Martin tacle les décideurs qui « manquent de constance : pourquoi empêcher les zadistes et laisser faire la FNSEA ou les Bonnets rouges ? », interroge-t-il.
Autant de constats et réactions pertinents, mais cantonnés au stade de la forme, estime Jacques Auxiette qui invite le think tank à aller sur le fond et à ne pas « être timoré » sur les contributions qu’il peut apporter. « Il faut un discours intellectuel pour savoir s’il est encore nécessaire de porter des projets ou bien si nous sommes face au problème de la logique absolue de la décroissance ».
Des thèmes qui seront soumis aux participants au 1er colloque public organisé par le think tank de Fontevraud le 5 juin.
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Rapport présenté au Parlement européen en octobre dans le cadre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Retour au texte