2015 s’annonce bel et bien comme une année de transition. Depuis le 1er janvier, la notation disparaît au profit de l’entretien professionnel. Celui-ci s’impose désormais à toutes les collectivités territoriales et leurs établissements publics suite à la parution du décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014.
Si certaines collectivités expérimentent déjà le dispositif depuis 2010, tout en conservant la notation, nombreuses sont celles qui recourent encore uniquement à l’évaluation chiffrée.
Plutôt bien perçu dans l’ensemble, l’entretien professionnel s’affiche comme une nouvelle opportunité managériale. Mais ses modalités de mise en œuvre sont diversement appréciées. Alors faut-il le redouter ? Une directrice des ressources humaines, une directrice adjointe des services, un représentant syndical, un agent, chacun dans sa fonction, répond à cette question.
« L’évaluation exclusive par le N+1 est délicate »
Maryse Le Noc, directrice générale adjointe des services chargée des ressources humaines de l’enfance et de la petite enfance à la ville du Bourget (300 agents, 15000 habitants)
A partir du moment où les critères sont bien définis, l’entretien professionnel est un très bon outil de management. Au Bourget, nous utilisons la notation et un entretien d’évaluation depuis 13 ans. Il comporte des objectifs et des critères précis. Jusqu’ici, cependant, cette évaluation était consultée par l’autorité hiérarchique qui pouvait transcrire son appréciation dans le document. Dans la nouvelle procédure, c’est le N+1 uniquement qui évalue, je trouve cela dommage. Raccourcir cet échelon ne permet pas de gagner du temps.
Cet avis de l’équipe de direction est un moyen pour l’agent d’avoir un retour valorisant sur son travail. Cela conforte aussi le responsable hiérarchique. Car, que faire quand le N+1 ne joue pas le jeu ? C’est une question qu’il faut anticiper. Dans ma carrière, j’ai déjà vu des situations semblables. A ce titre, l’évaluation exclusive par le N+1 est délicate.
« Les objectifs ne doivent pas être imposés mais partagés »
Jésus de Carlos, responsable de la délégation CGT au CSFPT
Il y avait nécessité d’un décret qui formalise l’entretien professionnel. C’est un outil supplémentaire pour parvenir à la qualité mais cela n’exempte pas les collectivités de la mise en place de plans de formation. Le seul souci porte sur la marge de progression avec des objectifs assignés. En effet, pour que les objectifs ne soient pas vécus comme arbitraires ou déconnectés de la réalité professionnelle, il faut, de notre point de vue, qu’ils ne soient pas imposés mais partagés. Ils doivent donc résulter d’une discussion franche sur les moyens, les indicateurs et les critères afin que l’agent appréhende bien ce qu’on lui demande et qu’il fasse savoir, le cas échant, les limites, les contraintes et les besoins de formation que nécessiterait leur mise en oeuvre.
C’est pourtant le contraire qui est généralement pratiqué. Les objectifs sont décidés et présentés par le N+1 lors de l’entretien et l’agent a peu de marge de manoeuvre pour les modifier.
Nous tenons, en outre, à une reconnaissance des objectifs de service. On ne peut imputer l’insuffisance d’objectifs atteints à un agent alors que les moyens n’ont pas été donnés au service pour les atteindre. Sur la procédure enfin, nous déplorons le délai très court pour effectuer l’entretien.
« Le N+1 fonctionnel est-il le plus compétent ? »
Sylvie Husson, directrice générale adjointe en charge des affaires statutaires, juridiques et des organismes paritaires, CIG petite couronne d’Ile-de-France
Il reste encore des éclaircissements à apporter aux agents et aux DRH. Par exemple, la définition du N+1 s’appuie sur le lien fonctionnel. Or, certains agents, comme les Atsem ou le personnel de cantine, relèvent des conseils généraux pour l’entretien professionnel mais travaillent au quotidien avec un N+1 fonctionnel : l ‘enseignant ou le directeur d’école. Ces agents se questionnent aujourd’hui. Qui est le plus compétent pour évaluer leur progression ? Cet aspect mériterait donc d’être clarifié.
« L’entretien d’évaluation ne doit pas être diabolisé »
Nathalie Jamme, éducatrice de jeunes enfants au conseil général des Bouches-du-Rhône (7000 agents, 1 984 784 habitants)
Le conseil général a mis en place l’expérimentation de l’entretien depuis 2012. L’année 2014 était la dernière année de la notation. A titre personnel, je le vis bien. J’ai davantage de retour de la part de mon chef de service, son discours est plus argumenté, c’est motivant. Cet échange me donne aussi la possibilité de m’exprimer, je le prépare bien en amont. Il permet de ne pas rester sur des sensations mais de mettre des mots sur ce qu’on a vécu durant l’année.
L’entretien d’évaluation ne doit pas être diabolisé et il n’y a pas à en avoir peur. Il est évident que si votre N+1 vous fixe des objectifs inatteignables, cela change tout. Mais l’entretien est aujourd’hui suffisamment détaillé. Il devrait permettre d’éviter une telle situation, contrairement à la notation qui ne se basait plus que sur des critères très succincts.
La définition précise des critères prévient les abus de pouvoir. Si la relation avec votre n+1 n’est pas bonne, vous avez plus à redouter de la seule notation que de l’évaluation.
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