Le projet de loi « NOTRe » répond-t-il à la demande d’adaptabilité du droit ?
On s’oriente vers la territorialisation du droit, tant au regard de l’application de la loi par les collectivités territoriales qu’en ce qui concerne l’initiative des modifications des lois et règlements qui les concernent.
D’une part, la loi réaffirme la compétence des régions pour adopter des mesures d’application des lois concernant l’exercice de leurs compétences, en complément du pouvoir réglementaire de l’Etat mais également en l’absence de renvoi express à ce dernier. Il est donc affirmé très clairement que le silence du législateur habilite la région à adopter des règlements d’application dans le respect de l’article 21 C de la Constitution.
D’autre part, ce même article 1er du projet de loi « NOTRe », tel que voté en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 mars, prévoit que les régions pourront proposer des modifications ou des adaptations aux lois et règlement les concernant, en vigueur ou en cours d’élaboration. C’est une avancée qui va dans le sens de la prise en compte de la diversité territoriale. Une seule région pourra proposer des adaptions normatives pour son seul ressort. L’idée, c’est qu’une loi puisse traiter différemment une région du fait d’une situation particulière reconnue. Par ailleurs, plusieurs régions pourraient demander ensemble une adaptation particulière. C’est une façon d’adapter le droit aux situations particulières, groupées ou non.
Un tel pouvoir reste encadré …
Des conditions subsistent bien évidemment : cette possibilité est prévue par la loi pour les textes qui concernent leurs compétences, leur fonctionnement et leur organisation et il ne s’agit que d’un pouvoir de proposition. Toutefois,la nouveauté essentielle, et sur laquelle des questions juridiques importantes restent à régler, est celle de l’application du principe selon lequel « le silence de l’Etat vaut acceptation ».
Comment cela fonctionnerait-il ?
Lorsque les régions proposeront des modifications législatives ou réglementaires, l’Etat pourra les refuser, en motivant son éventuel refus. Mais son silence, pendant douze mois, vaudra acceptation. C’est une situation totalement nouvelle ! L’idée, c’est d’éviter ce qui a pu se produire avec la Corse, à savoir des demandes d’adaptation du droit laissées sans réponse. On force ainsi l’Etat à prendre position.
S’agit-il d’un pouvoir d’injonction des régions, comme cela a pu être décrié lors des débats ?
En aucune façon. Certes, si la proposition de modification porte sur un règlement, le premier ministre devra agir par décret. Ce sera son choix car il saura que son silence vaudra décision d’acceptation en vertu de la loi.
Quant à l’impact d’une proposition de modification législative, il sera bien moins important ! Les actes par lesquels le Gouvernement participe à la fonction législative constituent des actes de gouvernement. Ainsi, le silence gardé par le Premier ministre sur une proposition de modification législative ne l’obligera pas juridiquement car le juge administratif ne pourra le contraindre à agir. Mais il y aura en revanche une pression politique et, pourquoi pas, des propositions de loi émergeront pour tenir compte de cette acceptation implicite du Premier ministre. C’est donc une immense avancée, principalement d’un point de vue réglementaire. Mais c’est déjà beaucoup !
Les débats ont été houleux…
Il s’agit de questions toujours extrêmement inquiétantes pour les responsables politiques. On touche aux limites du pouvoir normatif local par rapport à la Constitution. Ils craignent toujours la censure du Conseil constitutionnel. Mais en réalité, cet article premier, en l’état actuel, n’est que le rappel du droit existant, hormis le mécanisme d’acceptation implicite.
Projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (version votée en première lecture par l’Assemblée national le 10 mars 2015)
Article 1er – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
2° L’article L. 4221-1 est ainsi modifié :
d) Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
Un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions.
Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application du quatrième alinéa du présent article sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l’État dans les régions concernées.
Sous réserve du pouvoir réglementaire du Premier ministre prévu à l’article 21 de la Constitution, la région est compétente pour adopter les mesures d’application des lois concernant l’exercice de ses compétences en cas de non-renvoi au pouvoir réglementaire de l’État ou en complément de celui-ci.
À défaut de réponse dans un délai de douze mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux régions concernées les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande de modification ou d’adaptation.
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