Les 18 auteurs de ces recherches sur les perturbateurs endocriniens ont établi cette addition, qui représente plus de 1,2% du PIB de l’Union européenne, en retenant pour hypothèse une relation de causalité entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les retards de développement cérébral, ainsi qu’une série de pathologies comme autisme, obésité, diabète et stérilité masculine.
« Ces estimations ne prennent en compte que les perturbateurs pour lesquels la relation de causalité est la plus hautement probable », notamment les organophosphates (OP) utilisés pour les pesticides, et les polybromodiphényléthers (PBDE) servant à ignifuger plastiques et textiles, note l’article. Certaines de ces substances sont déjà interdites dans des pays de l’UE, notamment en Scandinavie, mais restent utilisées dans d’autres.
L’impact neurologique des perturbateurs endocriniens
Selon l’étude, menée sur des données de 2010, le plus gros des coûts, estimés en dépenses de santé et perte de productivité, découle de l’impact neurologique des perturbateurs endocriniens, chiffré à 132 milliards d’euros. Les pesticides sont les principaux responsables de l’addition globale, avec une part de 120 milliards.
Il s’agit « pour l’essentiel d’une interprétation et une spéculation informée, et personne ne doit perdre cela de vue », a relativisé Richard Harpe, spécialiste en reproduction masculine à l’Université d’Edimbourg, dans une première réaction rendue publique en Grande-Bretagne.
« Nous travaillons sur des probabilités et savons qu’il y a des incertitudes, mais cette étude est un début », a répondu Martine Bellanger, professeur à l’École des hautes études en santé publique en France.
Dans l’attente d’une législation européenne
Les auteurs précisent que leur objectif est « de livrer une estimation du bénéfice sanitaire et économique d’une régulation des perturbateurs endocriniens en Europe », alors que la Commission européenne a entrepris un passage en revue de sa législation en la matière. Mais ce nouveau cadre réglementaire, qui pourrait conduire à l’interdiction d’une large gamme de pesticides, isolants alimentaires ou composants de cosmétiques, a été renvoyé à 2016.
Justifié à Bruxelles par la complexité scientifique et économique du dossier, ce délai alimente des critiques croissantes contre l’exécutif européen, accusé de vouloir ménager l’industrie chimique.
La Commission est même visée devant la justice européenne par un recours en carence intenté cet été par la Suède, et soutenu par l’ensemble des États membres.
La ministre de l’Ecologie souhaite que l’Europe accélère sur cette thématique
« A l’occasion de la publication d’une étude portant sur les coûts économiques à l’échelle de l’Union européenne de l’exposition aux perturbateurs endocriniens, je rappelle l’engagement fort de la France pour réduire l’exposition de la population humaine et de l’environnement à ces substances, a réagi Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie. Je rencontre aujourd’hui (le vendredi 6 mars, ndlr) le Commissaire européen Vytenis Andriukaitis, chargé de la santé et de la sécurité alimentaire ». Une démarche qui s’inscrit dans le prolongement des engagements pris lors de la dernière conférence environnementale, et visant à la prise en charge de cette problématique par la Commission européenne.
« Les coûts estimés par ces scientifiques, même si certaines incertitudes ne doivent pas être oubliées, sont majeurs et appellent à une accélération de l’action des pouvoirs publics », indique un communiqué du ministère de l’Ecologie.
Cette publication est l’occasion de rappeler l’engagement fort pris par la France dans ce domaine.
Le ministère a également rappelé sa politique « avant-gardiste » en la matière, avec la définition, en avril 2014, d’une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Parmi ses actions :
- interdiction du bisphénol A dans les biberons (puis l’ensemble des contenants alimentaires),
- label volontaire pour l’arrêt de l’utilisation du bisphénol A dans les tickets thermiques (tickets de caisse et reçus de cartes bancaires). Une procédure d’interdiction réglementaire au niveau européen a été déposée par la France et est en cours d’instruction à l’agence européenne des produits chimiques,
- arrêt des épandages aériens de produits phytosanitaires à partir de fin 2015,
- arrêt de l’utilisation des produits phytosanitaires dangereux dans les collectivités à partir de fin 2016,
- évaluation de 5 substances par an qui sont suspectées d’être perturbatrices endocriniennes ou qui sont des substituts à des perturbateurs endocriniens,
- campagnes de contrôles dans les objets de grande consommation, notamment dans les jouets.
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