Les oreilles des élus locaux ont sifflé, ce mardi 3 mars 2015. Les invités de la table-ronde du MEDEF intitulée « Réussir le défi de la réforme territoriale : l’enjeu économique » ont, pour la plupart, dénoncé la gestion publique locale. Ils en ont profité pour formuler trois propositions-choc.
Les élus au régime sec
« La France a la palme du nombre d’élus : 600 000 ! On en compte 24 000 au Royaume-Uni, assène Agnès Verdier-Molinié, la directrice de l’iFRAP- fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, avant de poursuivre : il y a l’urgence du déficit. Il faut se poser un objectif commun de réduire le nombre total d’élus ».
Ainsi, le think tank libéral propose de les faire passer à 55 000 dans les prochaines années. « Cela coûte 2 milliards d’euros à la France de payer ses élus », assure sa directrice. Un vent libéral souffle dans l’auditorium du MEDEF.
De quoi faire bondir certains élus à l’instar de Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux, contacté ce 4 mars 2015 par téléphone. « La plupart des élus ne sont pas rémunérés pour le travail qu’ils font ! C’est un raisonnement complètement populiste », s’insurge l’édile, aussi vice-président en charge des finances à l’Association des maires de France.
Les collectivités locales ne sont pas épargnées par l’iFRAP puisqu’elles sont jugées bien trop nombreuses : 38 000 collectivités locales dans l’Hexagone, soit 40% des collectivités de l’U.E, selon l’organisme indépendant.
Les réduire permettrait-il des économies suffisantes ? Pas forcément. Les efforts doivent se faire à tout niveau. L’ancien ministre et ex-maire (UMP) du Havre, Antoine Rufenacht constate : « Tout concourt à l’augmentation des dépenses publiques locales. Nous vivons au-dessus de nos moyens : l’Etat, les collectivités, les organisations patronales ». Selon lui, la réforme territoriale n’est pas allée assez loin. « Pourquoi n’a t-on pas fait les 50 départements ? », s’interroge-il. Pour rappel, le projet de loi prévoyait initialement un train massif de transfert des compétences des départements aux régions.
La prime aux métropoles
S’il reste à définir plus clairement les compétences des régions, la mise en place de grandes métropoles à l’instar de Lyon doit permettre de mutualiser. Le sénateur-maire (PS) de Lyon, Gérard Collomb milite pour que le modèle des métropoles s’implante sur le territoire. Elles doivent avoir un rôle central. « Je ne crois pas à la production délocalisée dans les campagnes. Après, il peut y avoir une diffusion sur ces territoires ». Cette option, le maire de Lyon la défend d’abord pour des raisons de rayonnement économique : « La concentration de richesses se fait dans les grandes villes. Au niveau mondial, 300 villes génèrent 50% du PIB ». Mais aussi pour des réductions de coûts.
Ainsi, la toute nouvelle métropole de Lyon a fait le choix de croiser les compétences. « Le Grand Lyon faisait de l’aménagement urbain, du logement, de la culture, du tourisme … comme le département. Nous allons mutualiser les services pour réduire les coûts de fonctionnement ».
La fin de l’emploi à vie
Mais cette concentration de moyens ne doit pas être dépourvue d’une vraie réflexion.« Une action publique doit d’abord être dirigée par une stratégie », assure David Carassus, professeur à l’Université de Pau, qui a imaginé plusieurs voies d’innovation. Il juge que « peu de collectivités ont des stratégies, connaissent leurs territoires, leurs usagers ».
Il préconise « d’évaluer les politiques publiques, de travailler sur le marketing territorial, de définir des priorités, et d’optimiser le patrimoine ». Et ce n’est pas tout, face à la directrice de l’iFRAP qui pointe du doigt le taux d’absentéisme des fonctionnaires dans les collectivités locales (Montpellier totaliserait 39 jours d’absence par an et par agent), il propose qu’une réflexion sur les ressources humaines soit menée en profondeur.« Quand un agent ne vient pas au travail, c’est souvent qu’il n’est pas dans des conditions qui lui permettent de bien travailler », analyse le spécialiste du management local.
S’il assure qu’il faut revoir le management de la fonction publique, l’économiste Michel Godet s’interroge sur la pérennité du statut : « faut-il maintenir des fonctionnaires qui ne fonctionnent pas ? ». Il prône également la fin de la professionnalisation de la politique. « Il faut interdire aux fonctionnaires de le rester s’ils se présentent aux élections », et aspire à « des élus qui pensent au long-terme, à l’intérêt général et qui ne font pas de clientélisme ».