Traumatisées par les conséquences de l’envolée du franc suisse par rapport à l’euro survenue le 15 janvier dernier, les collectivités locales détentrices d’emprunts à risques adossés à la parité entre l’euro et la monnaie helvétique vont pouvoir souffler. Christian Eckert, le secrétaire d’Etat au Budget, et sa collègue Marylise Lebranchu (Décentralisation), ont en effet annoncé, mardi 24 février, le doublement du fonds de soutien mis en place cette année. Ce dernier sera donc de 3 milliards d’euros sur quinze ans, au lieu de 1,5 milliard. Une décision qui répond aux attentes des collectivités concernées.
Cette augmentation de 100 millions d’euros par an correspond « à peu près à ce que nous estimons être le surcoût lié au décrochage du franc suisse pour les 250 collectivités locales concernées », assure le ministre, qui précise que la décision de doubler le fond a été prise par le Premier ministre.
A l’instar du montage initial, cette hausse sera financée pour moitié par les banques françaises – via une majoration du taux de la taxe sur les risques systémiques pour 50 millions d’euros par an – et pour moitié par le budget de l’Etat (également pour 50 millions d’euros par an), hors dotations de l’Etat aux collectivités.
« Le surcoût pour les collectivités les plus sensibles sera pris en charge »
Le geste financier annoncé par le gouvernement concernera exclusivement les 250 collectivités concernées par la parité entre l’euro et la monnaie suisse. Pour ces dernières, le plafond maximum de prise en charge, actuellement fixé à 45 %, sera revu à la hausse. « Nous n’avons pas de chiffre à donner pour l’instant notamment parce que le nouveau plafond dépendra de l’évolution du franc suisse », précise Christian Eckert, qui ajoute : « Le surcoût pour les collectivités les plus sensibles sera pris en charge par le surplus de 1,5 milliard d’euros. » Des dispositions législatives nécessaires devraient être introduites dans la loi NOTRe dès la semaine prochaine.
Pour celles dont les emprunts toxiques en sont pas indexés sur la monnaie helvétique, le montant du fonds de soutien et la doctrine d’utilisation n’évoluent pas.
Réactions positives des élus locaux
L’Association des maires de France (AMF) a fait part de son « soulagement » tandis que Christophe Greffet, vice-président (PS) du conseil général de l’Ain et président de l’association Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET) partage sa « grande satisfaction » : « L’augmentation du fonds de soutien répond à une demande de longue date des collectivités. Le fait que le doublement concerne ceux qui sont mis en difficulté par le franc suisse permettra de réorienter les crédits initiaux vers les autres collectivités. »
De son côté, le consultant Michel Klopfer salue également cette décision. « Tout n’est pas réglé, notamment certaines questions techniques, mais le volume mise en œuvre est de nature à changer la donne et à donner la visibilité nécessaire, au moins en partie, aux collectivités concernées », explique-t-il. « Cela va permettre de discuter sereinement après une période d’absence d’information qui n’était pas satisfaisante. »
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Michel Klopfer : « L’Etat doit donner rapidement de la visibilité aux élus »La date limite de dépôt des dossiers reste fixée au 30 avril
En ce qui concerne la sollicitation de ce fonds, la date limite reste fixée au 30 avril 2015. « Le dépôt d’un dossier auprès du fonds ne vaut renoncement à rien », a insisté Marylise Lebranchu. « C’est une sécurité. Les procédures seront ensuite finalisée dans quelques mois, probablement à l’automne. » Une précision également bien accueillie par l’APCET. L’association reste vigilante et, compte tenu de ces « avances positives », devrait débattre à nouveau et en coordination avec la Fédération hospitalière de France, de l’opportunité de lancer officiellement la série de procédures devant les juridictions européennes annoncée fin 2014.
Les deux ministres se sont félicités de cette décision « rapide », qui permet « d’éviter que des collectivités ne se retrouvent face à un mur », tout en rappelant leur volonté de voir « le moins de contentieux possible » entre les collectivités et la Société de financement local (SFIL). « Toute défaillance de la SFIL serait supportée par l’Etat », a insisté Christian Eckert.
Dans l’immédiat, la SFIL va proposer un délai de paiement aux collectivités ayant déposé un dossier auprès du fonds de soutien et concernés par la parité entre l’euro et le franc suisse. Concrètement, l’établissement s’engage à « renoncer à la facturation des intérêts qui auraient été contractuellement dus au titre de ce décalage de paiement, dans la mesure où le dossier fera bien l’objet d’un accord transactionnel in fine ».
300 millions d’euros sur dix ans pour les hôpitaux
Pour les hôpitaux, le gouvernement procède également à une rallonge de 300 millions d’euros sur dix ans de l’enveloppe initiale qui était de 100 millions d’euros sur trois ans. La Fédération hospitalière de France a alerté l’exécutif il y a quelques jours sur la situation de certains établissements évoquant même une plainte contre l’Etat français devant la Cour de justice européenne.
En intégrant l’aide prévue pour les hôpitaux, le secteur bancaire français devra donc s’acquitter d’une taxe supplémentaire de 80 millions d’euros par an. « C’est une contribution raisonnable au regard des capacités du secteur », juge Christian Eckert.
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Emprunts toxiques : un feuilleton qui touche à sa fin ?
Sommaire du dossier
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- Maurice Vincent : « La Sfil doit faire preuve de plus de souplesse »
- Emprunts toxiques : le fonds de soutien retarde les procédures judiciaires
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- Emprunts toxiques : le gouvernement annonce le doublement du fonds de soutien
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