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Un amendement au projet de loi sur la transition énergétique propose de donner aux conseils généraux le chef-de-filat de l’entretien des voies de servitudes des rivières et lacs domaniaux de France. Une charge de trop ?
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Le diable doit aimer l’eau. Ce cornu qui se cache d’habitude dans les détails, aime, en ce moment, se dissimuler dans les textes renvoyant à la gestion des milieux aquatiques. Après la discussion houleuse sur la compétence dite Gemapi(1) dans le cadre de la loi « Notre », les débats autour du projet de loi sur la transition énergétique et plus particulièrement sur la « servitude de marchepied » des bords de rivières pourrait déboucher sur une nouvelle charge financière incombant aux conseils généraux. Et quelle charge ! Une fédération de riverains, l’ARF (association des riverains de France), l’estimait dans une étude d’impact à 4 à 8 milliards d’euros.
Projection alarmiste mais problèmes réels
Cette estimation est en fait purement théorique, dans la mesure où il s’agit d’une projection – très extensive – du coût de l’aménagement de l’intégralité des rives des lacs et rivières de France, soit 36 000 km selon l’ARF, si celles-ci devaient être entièrement carrossables, voire cyclables.
Tel n’était pas le vœu du député Germinal Peiro (PS), mais, soucieux de développer les transports doux, le député de Dordogne a bien profité du projet de loi sur la transition énergétique pour introduire un article (16 quater) modifiant la loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, transformant la servitude de marchepied en véritable cheminement accessible à l’ensemble des publics non motorisés ainsi qu’aux véhicules de services, « contraignant de fait les collectivités à aménager l’ensemble des rives au détriment de la propriété privée et de la biodiversité » .
Lobbying efficace
L’ARF, association née en 1979 et qui a agi pour l’occasion en parfait lobbyiste, a œuvré dans les couloirs du Sénat pour « trouver une solution à cette proposition faite sans avoir eu conscience du danger et que le gouvernement s’apprêtait à soutenir», selon son porte-parole Thomas Terrier.
La commission sénatoriale du développement durable par la voix de son vice-président Louis Nègre (UMP) a ainsi introduit deux nouveaux amendements (n°100 et n°101) qui visent à » maintenir le dispositif mais en l’encadrant ». Il tend en effet à n’autoriser « le passage des piétons, des publics non motorisés et des véhicules de service que sur l’emprise des servitudes de marchepied qui auront été préalablement identifiées par le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) ».
Conseil général responsable
En d’autres termes, la nouvelle mouture, avalisée par le gouvernement, donnerait le chef-de-filat aux conseils généraux. « Le département est désigné comme collectivité responsable », a ainsi admis Louis Nègre en séance sénatoriale du 13 février. « Il n’y a pas d’obligation », se veut rassurant Thomas Terrier : « il s’agit d’éviter les doublons financiers et le vide juridique en cas d’accident auquel sont exposés les maires », résume-t-il. « Le conseil général vient en protection de maires qui doivent faire face à de plus en plus de conflits entre riverains et promeneurs », appuie Louis Nègre.
Pas de ressources supplémentaires
Cette compétence départementale à vocation touristique n’est pourtant pas financée par des moyens nouveaux. « J’intègre en fait cette compétence dans le PDIPR qui bénéficie déjà d’une ligne de crédit », indique à la Gazette Louis Nègre avant de préciser : « les conseils généraux feront ce qu’ils peuvent en fonction de leurs moyens ».
Or, même si la loi permet toujours aux conseils généraux de confier l’entretien de l’emprise de servitude à une commune, un groupement de communes, un département ou un syndicat mixte concerné, les départements, dont les ressources se raréfient du fait de la baisse de dotations, ne pourront pas satisfaire « la pression sociale » qui, a poussé le parlement à développer l’accès à ces cheminements. De quoi exacerber les frustrations de tout le monde et envenimer les conflits actuels.