La stigmatisation de la dépense publique est-elle justifiée ?
Non, car il faut distinguer les dépenses sociales, élevées en France, des autres dépenses. Toutes dépenses publiques confondues, la France débourse 7 points de PIB de plus que la moyenne des autres pays de l’OCDE : 4 points sont liés à la retraite, 1 point aux dépenses militaires, 1 point au logement et 1 point à la politique familiale.
En revanche, hors dépenses sociales, la France occupe le dixième rang de l’OCDE en termes de dépenses publiques ramenées au PIB. Mais l’Etat ne s’attaque pas au problème à partir de ces données : il fixe comme objectif de réduire les dépenses de 50 milliards en trois ans, puis encore de 50 milliards les trois années suivantes, sans préciser sur quels postes agir.
En quoi cela impacte-t-il les collectivités locales ?
En rabotant leurs ressources de 11 milliards d’euros en trois ans, on ne distingue par la bonne dépense – notamment l’investissement – de la mauvaise, qui correspondrait à des doublons et à du gaspillage. Les collectivités risquent de geler leurs projets d’équipement. Or c’est la dernière des choses à faire dans le contexte actuel. Il aurait été préférable de demander aux collectivités de réduire certaines de leurs dépenses mais en sacralisant celles liées à l’investissement.
Cela ne serait-il pas en opposition avec l’objectif de l’Etat de réduire le déficit public ?
On ne résout pas le problème du déficit public en réduisant un poste qui est efficace économiquement. Le FMI révèle que l’investissement public a un effet multiplicateur de trois, ce qui signifie qu’un euro d’investissement public génère trois euros d’activité. Les prélèvements obligatoires s’élevant en moyenne à 50 points de PIB, l’Etat récupère 1,5 euro par euro investi. Inversement, la réduction d’un euro d’investissement public réduit les recettes de 1,5 euro et le déficit ne diminue pas. Aujourd’hui, réduire le déficit en réduisant l’investissement public est voué à l’échec. Les élus locaux ont raison de vouloir défendre l’investissement public.
Comment peuvent-ils contourner ce contexte financier contraint ?
L’augmentation des taux d’imposition est possible mais impopulaire. Quant aux économies sur la section de fonctionnement, elles restent compliquées et ne produiront des effets que sur le long terme : ce levier n’est donc pas utilisable pour absorber la baisse des dotations sur les trois prochaines années.
Il reste par conséquent le recours à l’endettement, d’autant plus recommandé aujourd’hui compte tenu du faible niveau des taux d’intérêt et de la situation conjoncturelle. Il faut maintenir l’investissement en recourant à l’endettement.
Par ailleurs, on aura toujours besoin de l’endettement public pour la transition énergétique, le numérique, certaines infrastructures. On peut donc saisir l’opportunité de cette situation financière favorable afin de faire avancer ces investissements nécessaires pour l’avenir.
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Investissements : faire mieux avec moins
Sommaire du dossier
- Des « prêts d’urgence » pour soutenir l’investissement des collectivités
- Bloc communal : investir c’est choisir ?
- Le nouveau paradigme de l’investissement public local
- Imaginatifs, les territoires s’adaptent pour continuer à investir
- « Il faut maintenir l’investissement public en s’endettant »
- Décrochage inédit dans le financement de l’investissement
- L’insuffisante évaluation des investissements locaux
- Montélimar agglomération raisonne en coûts de revient
- Investissement : le bloc communal doit agir vite
- Baisse des dotations : faut-il passer à un service public low cost ?
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