Les conditions quotidiennes de travail des agents de la fonction publique sont devenues plus difficiles : individualisation croissante du travail, isolement parfois… Le ministère de la Fonction publique avait inscrit à l’agenda social de 2014 une discussion sur la qualité de vie au travail dans la fonction publique qui devrait aboutir lors d’une réunion conclusive prévue jeudi 8 janvier 2015.
Le projet d’accord est organisé en deux axes :
- l’organisation du travail reposant sur le développement d’une culture du collectif de travail ;
- la recherche d’une meilleure articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.
Il vise à consacrer plusieurs droits, notamment le « droit à la déconnexion » de tout moyen de communication et d’information en dehors des heures de service et le droit de recours en cas de refus de l’autorisation d’exercer en télétravail.
Chaque employeur devra ensuite décliner l’accord-cadre.
Espaces d’expression sur le travail – Le document préconise notamment la mise en place d’espaces d’expression sur le travail, qui pourront être organisés entre agents et en l’absence de toute hiérarchie, entre cadres de même niveau ou entre cadres tous niveaux confondus, ou encore avec tous les agents d’un même collectif de travail, y compris les agents en position d’encadrement.
Les réunions de service doivent enfin pouvoir constituer une des modalités de ces espaces d’expression.
« Pourront y être abordées, parmi les enjeux liés au travail et à ses transformations, les problématiques liées aux valeurs, à l’identité professionnelle, aux règles de métiers, aux normes de travail, aux écarts entre travail prescrit et travail réel », précise une version provisoire du projet d’accord-cadre.
Les agents qui le souhaitent devront aussi pouvoir contribuer de manière anonyme et dans le respect de la confidentialité.
Une circulaire du Premier ministre prévue pour le premier semestre 2015 demandera aux employeurs publics de mettre en place les conditions nécessaires à l’expression directe et collective des agents sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Et les pratiques en matière d’espaces de discussion des agents seront répertoriées et diffusées.
Accompagner les évolutions de services – Un autre volet du projet d’accord-cadre porte sur les évolutions de l’organisation des services et leur accompagnement. Une circulaire du Premier ministre prévue pour le premier semestre « fixera les principes qui doivent prévaloir pour toute évolution importante concernant les métiers, les organisations ou les modes opératoires ».
Le rôle des comités techniques doit également être modifié. Devrait être créée une obligation de soumettre au comité technique une étude d’impact sur les conditions de travail à l’appui de toute évolution importante de l’organisation des services et des méthodes de travail.
L’étude d’impact doit notamment mentionner une description de l’opération envisagée, le nombre de personnes concernées par l’évolution, leur localisation, leur catégorie, leur métier, la nature de l’impact, les éventuelles répercussions sur les autres services, les changements d’organisation voire d’outils, notamment informatiques. L’étude doit également présenter les solutions envisagées en cas d’évolution de missions (formation notamment) et les modalités d’information des personnels et de la conduite du projet. La fiche d’impact devra prendre en compte les éventuelles modifications des risques professionnels auxquels seront soumis les agents du fait de l’évolution des services. Ces modifications des risques professionnels devront figurer au DUERP.
Mieux accompagner les cadres – Le projet d’accord vise par ailleurs à mieux accompagner les cadres pour promouvoir la qualité de vie au travail. Une obligation de formation RH (encadrement d’équipe, dialogue social, reconnaissance des compétences métiers, évaluation, formation, recrutement, prévention des risques, qualité de vie au travail…) pour tous les primo-accédants à des fonctions d’encadrement qui prenne en compte la qualité de vie au travail sera créée, et ces formations en cours de carrière pour les encadrants déjà en fonction seront prioritaires.
Des dispositifs adaptés à la diversité des services, qui auront pour objectif d’éviter que les personnes en position d’encadrement ne se sentent isolées, devront être conçus et mis en place par les employeurs. « Ces dispositifs pourront notamment s’inspirer des expériences réussies en matière de tutorat, de mentorat, de coaching, de réseaux d’échanges entre pairs ou de démarches d’accompagnement (intervention de séniors expérimentés, médiation, démarche de co-développement, instauration de réunions « inter-cadres » si possible interministérielles voire inter-fonctions publiques) », précise le projet d’accord-cadre.
Enfin, le texte vise à permettre une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle. Il invite à élaborer des chartes de gestion du temps et de gestion des technologies de l’information et de la communication. Une charte type devra notamment être publiée au premier trimestre.
Encadrer juridiquement le télétravail – Le dernier volet de l’accord a trait au télétravail. « Il faut aussi des limites à ce mode de travail, et surtout l’encadrer juridiquement. Le décret d’application prévu par la loi sur les non-titulaires n’a jamais été pris », insiste Thiébault Delarue (CFTC). L’accord propose ainsi de mettre en place, au premier trimestre 2015, un groupe de travail sur l’encadrement juridique du télétravail en vue de la publication, avant la fin du premier semestre, du décret d’application de l’article 133 de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012.
Ce groupe travaillera notamment sur les activités éligibles, les notions de volontariat, de réversibilité, le nombre limité de jours de télétravail par semaine, le suivi spécifique des agents en télétravail, les modalités d’équipement des postes de travail à domicile et l’indemnisation des coûts, les modalités d’exercice du «droit à la déconnexion ».
Seront précisés :
- les activités éligibles ;
- les modalités de demande d’autorisation de travailler en télétravail (à la demande de l’agent et après accord du chef de service) ;
- le « droit de remords » (possibilité de mettre fin au télétravail à tout moment, sur demande de l’agent ou à l’initiative de l’employeur, sous réserve d’un délai de prévenance) ;
- les droits du télétravailleur (les agents télétravailleurs bénéficient des mêmes droits que les agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur administration) ;
- l’obligation de l’employeur d’informer l’agent de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;
- la définition de plages horaires durant lesquelles l’agent en télétravail peut être contacté ;
- la durée hebdomadaire du télétravail (nombre de jours en télétravail par semaine) ;
- la mise en œuvre d’un droit de recours en cas de refus de l’autorisation d’exercer en télétravail.
Projet soumis à la signature – Le projet d’accord-cadre, qui devrait être soumis à la signature des organisations syndicales après le 8 janvier, ne recueillera pas l’unanimité parmi ces dernières. « Au moment où la paupérisation gagne du terrain, où avec la réforme territoriale, des agents par milliers se demandent comment ils vont être traités, parler de qualité de vie au travail paraît quelque peu déplacé. L’Etat donne des leçons aux employeurs territoriaux, en leur confiant les conditions de travail, alors que de l’autre côté il leur coupe les vivres », s’insurge Jacques Bride (FO).
Pour le représentant, il faudrait dans un premier temps appliquer la législation existante en matière de qualité de vie au travail.