En pleine crise économique, l’Union européenne semble vouloir envoyer un message de solidarité, en désignant l’année 2010 comme celle de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. «Arrêtons la pauvreté maintenant, et ensemble construisons une société pour tous» est le slogan pour le moins ambitieux de cette année, lancée en grande pompe à Paris le 18 février 2010 par le tout nouveau commissaire européen à l’Emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion, László Andor.
László Andor a détaillé les objectifs de son mandat et souhaité que 2010 soit l’année d’une préparation à la sortie de crise. Sa stratégie sera fondée sur cinq axes :
- l’évaluation de l’impact social de chaque politique menée par la Commission,
- la promotion de l’emploi de qualité,
- la lutte contre la pauvreté transgénérationnelle,
- la réduction de la pauvreté à l’échelle nationale,
- la mise en œuvre de la Charte des droits fondamentaux.
Aujourd’hui les politiques de lutte contre la pauvreté se font dans chaque Etat membre. L’action de l’Union européenne consiste principalement en un renforcement mutuel des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
Pas de statistiques européenne depuis 2007
17 % de la population de l’Union européenne vit sous le seuil de pauvreté, soit près de 80 millions de personnes. En France, ce pourcentage s’élève à 13%, soit 8 millions de personnes. Des chiffres pourtant en dessous de la réalité. Les seules statistiques dont disposent à ce jour l’Union européenne datent de 2007, et ne tiennent donc pas compte des conséquences de la crise économique.
Ces lacunes dans les statistiques n’étonnent pas la députée européenne Pervenche Berès (S&D-PS), présidente de la commission Emploi et Affaires sociales du Parlement européen. Selon elle, le manque de chiffres plus récents est significatif de «l’absence de priorité accordée par l’Union européenne à la pauvreté».
La réalisation de l’Union européenne par le marché a longtemps sous-tendu l’ensemble de l’action communautaire. La lutte contre la pauvreté devait découler de la recherche de la compétitivité, et de la concurrence. Une «théorie de la cascade» qui a échoué, estime Pervenche Berès. La question de la pauvreté doit désormais «être abordée de manière frontale», insiste-t-elle.
« L’Europe faite pour protéger »
Partant de ce constat d’échec, Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a déclaré que «l’Europe [était] faite pour protéger». Le ministre a par ailleurs déclaré qu’il était incroyable d’avoir attendu si longtemps pour voir des ministres chargés de la question de la pauvreté se rencontrer pour parler de pauvreté, et pas seulement du diamètre des boulons.
Martin Hirsch a cependant indiqué qu’il sentait poindre un renversement. Quelque chose se passe au niveau européen, a-t-il expliqué, ajoutant que la dimension sociale de l’Union européenne serait en train de devenir une priorité.
Depuis 2000, l’UE a instauré une coopération et un espace de réflexion entre les Etats membres. Elle apporte aussi un soutien financier par l’intermédiaire du fonds social européen (FSE), pour la création et l’amélioration des emplois. Le budget du FSE, pour la période 2007-2013, s’élève à plus de 75 milliards d’euros, dont 5 milliards ont été attribués à la France. Quant au fonds européen d’ajustement à la mondialisation, il est destiné à la réinsertion professionnelle des travailleurs.
Enfin, le traité de Lisbonne contient une «clause sociale», qui vise à évaluer l’impact social dans toutes les politiques menées par l’Union européenne.
Encore des sujets absents de la sphère européenne
Cependant, cette clause transversale laisse sceptique la députée européenne Pervenche Beres. Elle doute de l’utilisation de sa dynamique potentielle. Si cette clause renverse la hiérarchie des priorités, l’eurodéputée craint qu’elle ne soit appliquée que dans le secteur des affaires sociales et de l’exclusion.
Par ailleurs, le droit d’accès aux services publics, au logement, la question d’un revenu minimum, sont autant de sujets qui restent encore absentes de la sphère européenne.
La dimension sociale de l’Union européenne n’a été jusqu’à présent qu’une question incidente. Le lancement d’une année dédiée à la lutte contre la pauvreté inaugure peut-être une nouvelle ère. Il n’est cependant pas impossible que ces bonnes résolutions ne restent qu’une pétition de principe.
Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la place à accorder à la question sociale dans la stratégie UE 2020, dont l’adoption est prévue lors du Conseil européen de juin 2010.