Le Conseil a donné son interprétation de la réforme, contestée par les auteurs des recours. Le juge administratif resitue tout d’abord les objectifs de la réforme : La réforme globale de la carte judiciaire visait une meilleure affectation des moyens de la justice, une professionnalisation et une spécialisation accrues des magistrats, une limitation de l’isolement des juges, ainsi qu’un renforcement de la continuité du service public de la justice.
Pour répondre à ces objectifs, le Conseil d’État estime que l’invocation du critère du niveau d’activité des juridictions pouvait être légalement pris en compte, en le combinant avec d’autres critères : accessibilité des juridictions maintenues ; proximité d’autres services publics dont le concours est nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice (administration pénitentiaire, police, gendarmerie…) ; situation démographique des ressorts ; exigences tenant aux impératifs d’aménagement du territoire et à la nécessité d’assurer la cohérence de la nouvelle carte des juridictions.
Appliquant la technique classique « bilan coûts/avantages », les juges du Palais Royal considèrent que tant au regard de ces critères que des inconvénients allégués de la réforme, notamment son coût et l’éloignement entre les tribunaux et les justiciables, [la réforme est] dans son principe, légale.
Pour autant, la plus haute juridiction administrative a émis plusieurs critiques contre la fermeture, au 31 décembre 2010, du TGI de Moulins au profit de celui de Cusset (Allier).
Le Conseil d’Etat a pris en compte plusieurs aspects : la distance « importante » entre les deux villes ; la présence, près de Moulins, d’un établissement pénitentiaire de près de 300 places; la localisation à Moulins des autres services de l’État et du conseil général « dont le concours est nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice », selon le communiqué du Conseil d’Etat.
« Prenant acte » de cette décision, la Chancellerie a confirmé que le TGI de Moulins « ne fermera pas ». La décision du Conseil vaut également pour le tribunal pour enfants et le tribunal d’application des peines de la ville.
La juridiction a également prononcé l’annulation de la suppression des tribunaux pour enfants de Guingamp (Côte d’Armor) et de Bourgoin-Jallieu (Isère), mais cette décision, fondée sur une irrégularité de procédure, ne devrait pas empêcher leur fermeture.
« Nous allons régulariser la situation sous peu », a précisé le porte-parole de la Chancellerie, Guillaume Didier.
Toutes les autres requêtes déposées par des dizaines de communes, associations, barreaux, qui protestent contre la disparition de leurs tribunaux d’instance et de grande instance, ont été rejetées, suivant pour l’essentiel les conclusions du rapporteur public.
Un coup aux services publics pour l’APVF
Cette décision « porte un nouveau coup à la présence républicaine de l’Etat et des services publics dans les territoires », a réagit l’APVF dans un communiqué, le 19 février.
Cette décision ne sera « pas sans conséquence pour nos concitoyens », poursuit l’APVF, estimant qu’elle « contribuera encore un peu plus à la dégradation du service public de la justice », pénalisant « les citoyens les plus modestes et contribuant à aggraver les inégalités d’accès à la justice ».
Elle « constate une nouvelle fois qu’après les restructurations hospitalières, la réforme de la carte militaire, le redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie, le mot +réforme+ » signifie +suppression+ ou +disparition+ de services publics dans les petites villes.
Références
Lire les décisions du Conseil d'Etat
Thèmes abordés