Disons le clairement, la grille de calcul qui figure dans le document de « doctrine » est globalement pertinente puisqu’elle va au-delà même du décret du 29 avril 2014, lequel était assez imprécis en la matière. A présent il est distingué, au-delà des caractéristiques propres à chaque collectivité (encours de dette, capacité de désendettement, potentiel financier) :
- d’une part, le pourcentage de l’encours de dette existant au 31 décembre 2013 et qui est éligible au fonds (contrats 3E, 4E, 5E et hors charte) rapporté à l’endettement total ;
- d’autre part la dangerosité relative de chaque contrat exprimé dans un ratio IRA /encours.
Cette clarification bienvenue posera vraisemblablement la question de l’adaptation à venir du décret pour la sécurité juridique du dispositif.
Concrètement le détenteur d’un contrat exposant plein pot au risque du franc suisse pourra obtenir entre 20 et 40 % suivant sa configuration propre, alors que celui qui n’a qu’un produit de pente se situera souvent entre 0 et 20 %.
Pour autant toutes les interrogations ne sont pas levées et nous avons pour notre part posé trois questions précises aux administrations concernées.
1) La nécessité de l’inscription d’une créance sur le fonds
En dehors des petites communes, qui pourront dans certains cas bénéficier d’un règlement immédiat de la part de leur coût de sortie prise en charge par le fonds, toutes les autres seront remboursées par le fonds en 14 échéances (2015-2028). Aussi nous avons demandé la création en M14 du compte 27 639 (créance sur le fonds) dont le montant soit officiellement déductible, dans les ratios d’endettement, d’un encours de dette qui, sans cela, risque d’exploser avec les soultes refinancées.
2) La garantie d’une prise en charge pérenne des échéances dégradées
Le texte prévoit qu’elles pourront être couvertes pendant « trois années renouvelables » mais laisser planer une incertitude sur cet éventuel renouvellement qui n’est pas acceptable. On ne peut décemment pas demander à une collectivité qui a aujourd’hui une prise juridique sur la banque relativement à un contrat exposant jusqu’en 2028 au risque sur la parité entre le dollar et le yen, de renoncer définitivement à son assignation, en ne la couvrant pas de débours potentiels qui peuvent intervenir, bien au-delà de 2018, sachant que pour un contrat non activé ou à la limite de l’activation, le tarif d’une sortie définitive revient généralement à « jeter du bois au feu ».
3) La surveillance des offres des banques
A l’approche de l’arrivée du fonds, certains établissements majorent indûment les coûts de sortie proposés, ce qui revient à chercher à s’adjuger par avance tout ou partie de la dotation que le fonds procurera à leurs clients.
D’autres banques font un forcing commercial pour éliminer des produits de pente lesquels, compte tenu de la politique monétaire de la BCE, ne présentent rigoureusement aucun risque avant, au plus tôt, la fin de la décennie et souscrire aujourd’hui à de telles propositions représenterait un gaspillage de fonds publics (Etat + collectivités), alimentant in fine le déficit budgétaire de la maison France.
Nous avons attiré l’attention des Pouvoirs publics sur de telles dérives, en faisant savoir en particulier que lorsqu’on calcule le coût de sortie d’un contrat structuré sur la base d’un échange de taux contre Euribor + 0 % , cela revient à faire totalement cadeau à la banque de la marge commerciale et même au-delà, car sur le long terme les prêteurs n’ont normalement pas accès à des financements à Euribor sans marge.
A ce stade nous ne dissuadons aucunement, bien au contraire, les collectivités concernées à déposer dès maintenant, et au plus tard le 15 mars 2015, des dossiers pour solliciter l’aide du fonds. Elles peuvent le faire sans la moindre délibération puisqu’il s’agit à ce stade d’une simple demande qui ne les engage en rien. Les requérants devraient obtenir, à partir de mars prochain, la réponse à leurs demandes.
C’est à ce moment là seulement qu’interviendra la véritable décision, à soumettre celle-là à l’assemblée délibérante, soit de saisir le rameau d’olivier, soit de sortir les glaives des fourreaux.
Pour notre part nous serons extrêmement vigilants sur les réponses apportées aux trois questions posées ci-dessus et dans cette attente nous invitons les collectivités concernées à conserver toutes les options ouvertes.
Cet article fait partie du Dossier
Emprunts toxiques : un feuilleton qui touche à sa fin ?
Sommaire du dossier
- La crise des emprunts toxiques enfin « maîtrisée » selon la Cour des Comptes
- [Introduction] Les emprunts toxiques, un feuilleton à l’issue toujours incertaine
- Le gouvernement veut donner le clap de fin des emprunts toxiques
- Emprunts toxiques : la justice déboute quatre communes
- Emprunts toxiques : le fonds de soutien mise sur un fort taux d’accord
- Emprunts toxiques : le fonds de soutien en retard sur ses objectifs
- Dette toxique : « Après l’intervention du fonds, 10 % des bénéficiaires auront besoin d’un accompagnement durable »
- Maurice Vincent : « La Sfil doit faire preuve de plus de souplesse »
- Emprunts toxiques : le fonds de soutien retarde les procédures judiciaires
- Emprunts toxiques : le fonds d’aide tient une partie de ses promesses
- Emprunts toxiques : Saint-Cast-le-Guildo fait plier Dexia
- Emprunts toxiques : après avoir sollicité le fonds, les collectivités affutent leurs armes
- Emprunts toxiques : « Plus de 200 collectivités ont sollicité le fonds de soutien pour un ou plusieurs prêts »
- Emprunts toxiques : le gouvernement annonce le doublement du fonds de soutien
- Emprunts toxiques : « L’Etat doit donner rapidement de la visibilité aux élus »
- Stéphane Troussel : « Il faut que les banques contribuent davantage »
- Emprunts toxiques : l’envolée du franc suisse sème la panique
- « Déjà élevés, les taux de nombreux emprunts toxiques vont doubler »
- Emprunts toxiques : la date butoir pour saisir le fonds de soutien est décalée au 30 avril 2015
- L’Union européenne aura bien son mot à dire sur les emprunts toxiques
- Emprunts toxiques : des communes refusent le fonds de soutien
- Emprunts toxiques : faut-il souscrire au fonds de soutien ou maintenir ses assignations ?
- Emprunts toxiques : la facture reste élevée pour la Seine-Saint-Denis
- Emprunts toxiques : le fonds de soutien est opérationnel
- Emprunts toxiques : la formulation inappropriée de la circulaire sur le fonds de soutien
- Emprunts toxiques : les collectivités se tournent vers la Cour de justice européenne
- Emprunts toxiques : la loi de sécurisation ne clôt pas toutes les procédures
- Emprunts toxiques : la loi de sécurisation est publiée au JO
- Emprunts toxiques : le Conseil constitutionnel valide la loi de sécurisation
- Le Sénat adopte définitivement le projet de loi de validation des emprunts toxiques
- Emprunts toxiques : l’Assemblée nationale adopte la loi de validation
- Le jugement du TGI de Nanterre Seine-Saint-Denis contre Dexia décrypté
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