Retardée à maintes reprises et finalement présentée en mai dernier au Conseil des ministres, cette Loppsi II (après celle couvrant la période 2002-2007) prévoit 2,5 milliards d’euros sur cinq ans. Au contraire de la précédente, limitée à la police et à la gendarmerie, la Loppsi II intègre aussi la sécurité civile.
Le texte couvre un spectre très large : du terrorisme à la délinquance routière et aux violences au sein de la cellule familiale en passant par la lutte contre la cybercriminalité ou encore le renforcement de la Police technique et scientifique (PTS).
Le projet fixe les grandes orientations stratégiques de la politique de sécurité intérieure : mutualisation et coopération des forces de sécurité (police et gendarmerie relevant désormais de la même administration), modernisation de leurs moyens, rénovation du management et de l’organisation des services.
Eviter la concurrence
Le texte prévoit notamment une meilleure coordination avec les polices municipales. Selon le rapporteur du texte, Éric Ciotti, député UMP des Alpes-maritimes, avec 20.000 agents, et même 23.000 en y intégrant les gardes champêtres, les polices municipales participent pleinement à la mise en œuvre de la politique de sécurité. […] Un nouveau chapitre a donc été intégré à la Loppsi contenant diverses mesures pour faciliter au quotidien le travail des policiers municipaux et leur coordination avec la police et la gendarmerie nationales (articles 32 ter à 32 septies).
Ces mesures, explique le rapport, ont une même inspiration : améliorer la complémentarité entre polices municipales et forces étatiques et ne surtout pas instituer une concurrence entre elles. Ainsi, la majorité des dispositions proposées visent à permettre d’améliorer la coordination entre policiers municipaux et policiers nationaux ou gendarmes. Les pouvoirs nouveaux qui leur sont donnés sont en effet accordés sous le contrôle des OPJ de la police ou de la gendarmerie nationales. Il s’agit de tenir compte de la réalité des polices municipales qui, bien souvent, assurent la majorité de la présence sur la voie publique. Dans ces conditions, il faut améliorer la complémentarité de leur action avec celle des forces de police et de gendarmerie.
Recours plus important à la vidéo-protection
Sur le plan juridique, le texte vise à renforcer les outils permettant de lutter contre les nouvelles formes de la délinquance tels que cybercriminalité, pornographie enfantine, nouvelles formes de délinquance collective, notamment à l’occasion de manifestations sportives. Il prévoit aussi un recours plus important à la vidéo-protection et un passage à une « PTS de masse pour lutter contre l’insécurité au quotidien ».
Le rapporteur du projet, le député UMP Eric Ciotti, indique à cet égard que l’objectif à moyen terme est de réaliser des prélèvements d’empreintes génétiques sur 100% des cambriolages et des voitures volées retrouvées (en 2009, respectivement 85% et 60%).
Une série d’amendements adoptés le 27 janvier par la commission des lois de l’Assemblée est venue « muscler » le texte, selon l’expression employée par Eric Ciotti.
Parmi les principales dispositions retenues, la possibilité, pour les préfets, d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans.
« Contrôle social total »
Pour la députée socialiste Delphine Batho, c’est un projet de loi « fourre-tout » avec quelques « mesures tape-à-l’oeil » qui « ne répond pas aux enjeux de la montée des violences urbaines et contre les personnes ». Un projet « destiné à cacher la réduction drastique des moyens proposés aux forces de sécurité », alors que, remarque-t-elle, « on en est à moins 9.000 policiers et gendarmes depuis 2007 ».
La Ligue des droits de l’Homme dénonce dans un communiqué du 9 février une volonté de « contrôle social total ».
Ce projet de loi est porteur d’un saut qualitatif considérable dans la construction d’une société de la surveillance, du soupçon et de la peur, écrit l’association de défense des droits de l’Homme. Sa logique est claire : il s’agit de renforcer, d’intégrer et de concentrer tous les instruments disponibles de fichage, de traçage et de contrôle social dont les gouvernants actuels sont sans cesse plus demandeur, poursuit-elle.
La LDH déplore notamment « la multiplication des systèmes de vidéosurveillance, y compris désormais des manifestations », « l’interconnexion des fichiers de police alors que la Cnil a établi que ces fichiers sont truffés d’erreurs, le filtrage policier des sites Internet et la chasse aux internautes, la création d’une justice virtuelle par la systématisation de la visioconférence pour les auditions de détenus ou d’étrangers en rétention administrative ».
Elle condamne « la légalisation des ‘mouchards électroniques’ introduits dans les ordinateurs personnels à l’insu des citoyens espionnés », le « couvre-feu pour les mineurs à partir de 13 ans, un nouveau contrat de responsabilité parentale renforçant la pénalisation des familles en difficulté, et la création d’une véritable milice policière accompagnée de l’élargissement des pouvoirs des polices municipales ».
Les syndicats de la magistrature (SM) et des avocats de France (SAF) avaient également appelé le 8 février 2010 les parlementaires à s’opposer au projet de loi Loppsi II, qu’ils jugent « liberticide » et qualifient de « cauchemar sécuritaire ».