« Avant même l’annonce de la baisse des dotations, l’évolution des finances locales posaient de grands problèmes et plaçait déjà beaucoup de collectivités dans une situation pas soutenable », a noté le sénateur Jacques Mézard (RDSE, Cantal), lors de la présentation, mercredi 5 novembre, d’un rapport sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017.
Réalisé avec ses collègues Charles Guéné (UMP, Haute-Marne) et Philippe Dallier (UMP, Seine-Saint-Denis), ce travail se présente comme une véritable étude d’impact de la baisse de 12,5 milliards d’euros des dotations de 2014 à 2017 sur les 38 000 collectivités locales qui ont été « passées à la moulinette » des consultants du cabinet Michel Klopfer.
Les conclusions sont alarmantes bien que les trois auteurs ont assuré « ne pas avoir cherché à noircir le tableau ».
Quand l’impasse devient la règle – Se fondant sur trois indicateurs financiers – équilibre budgétaire, taux d’épargne brute et capacité de désendettement – Charles Guéné anticipe une « dégradation particulièrement sensible pour toutes les catégories de collectivités locales, même s’il y a bien sûr d’importantes disparités ».
Les communes de plus de 10 000 habitants et les départements seront les catégories les plus touchées puisque, selon le sénateur de la Haute-Marne, à l’horizon 2018, « plus de la moitié, voire les deux tiers de ces collectivités, auront les trois indicateurs dans le rouge. De même, plus de 60 % des budgets des départements seront en situation de double déficit(1). »
Pour les autres collectivités, les cas de difficultés représenteraient environ un tiers des situations. Globalement, le rapport sénatorial met en garde contre « une multiplication spectaculaire des cas d’impasses financières, qui deviendraient « la situation de droit commun des collectivités territoriales.
Quelles solutions ? – Fort de ce constat, Philippe Dallier souligne que les marges de manœuvre existantes sont particulièrement faibles. D’autant que, selon les modélisations effectuées, il apparaît que ni la hausse de la péréquation prévue par le PLF 2015 ni la limitation stricte de la progression des dépenses de fonctionnement au rythme de l’inflation ne « suffirait à absorber le choc de la baisse de la DGF ».
Il faudrait y ajouter une baisse de 30 % de l’investissement local pour espérer tenir le coup.
Et pourtant, même avec cela, la situation resterait compliquée pour de nombreuses collectivités et, tout particulièrement, pour les départements et les communes de plus de 10 000 habitants.
Et Philippe Dallier d’énumérer les contraintes qui pèsent sur les collectivités :
« Les résultats sur les dépenses de fonctionnement ne viendront pas tout de suite ; il y aura un effet récessif de la baisse de l’investissement ; le recours à l’emprunt a ses limites et serait paradoxal vu que l’Etat cherche à diminuer l’endettement public. Résultat, c’est une hausse de la fiscalité locale qui nous pend au nez malgré toutes les promesses de l’exécutif. C’est la seule variable d’ajustement des collectivités… »
Un travail en trois temps – La délégation du Sénat aux collectivités et la décentralisation poursuivra son travail d’expertise dans les prochains mois, d’une part, pour étudier la mise en œuvre concrète des décisions des élus locaux (mutualisations, coupes claires dans les subventions aux associations, hausse des tarifs des services publics, etc.) et, d’autre part, pour formuler des propositions pour améliorer l’efficacité et l’équité des finances locales.
Un travail qui sera mené en parallèle à la réforme de la DGF qui doit aboutir dans le PLF 2016. « Cette réforme vise à gagner en lisibilité et en transparence et, si possible, à avoir davantage d’équité mais, ne nous leurrons pas, il y aura moins d’argent de toute façon… », prévient déjà Philippe Dallier, qui qualifie par ailleurs de « cache-misère » et « d’escroquerie intellectuelle » le dispositif de soutien à l’investissement local voté par les députés.
Dans tous les cas, le message que veut adresser Jacques Mézard aux maires nouvellement élus est on ne peut plus clair :
« Attention le choc sera plus important que ce à quoi vous vous attendiez. Vous survivrez mais ça va faire mal… »
Thèmes abordés
Notes
Note 01 cela signifie que le budget de la collectivité se trouve en déficit de la section de fonctionnement et qu'il y a impossibilité de couvrir les annuités de la dette par des ressources propres Retour au texte