Dans sa déclaration devant le Sénat, le 28 octobre, le Premier ministre n’évoque plus la suppression des départements en 2020…
Je suis satisfait. D’autant plus que je lui ai suggéré cela lors de notre rencontre à Matignon, le 24 octobre. 2020 sera un autre jour. D’ici-là, les départements doivent assumer leurs responsabilités en toute sérénité. Le Premier ministre va dans le bon sens quand, à terme, il veut maintenir un échelon intermédiaire pour assurer les solidarités sociales et territoriales.
Pourquoi contestez-vous le transfert, des départements vers les régions, des routes, des transports scolaires, des transports interurbains et des collèges ? N’est-ce pas un moindre mal ?
Avec des transferts de ce genre, les régions vont devenir des super-départements. Elles vont s’épuiser à gérer le quotidien alors qu’elles ont vocation à avoir la haute main sur la banque publique d’investissement et à se saisir de l’enseignement supérieur, du service public de l’emploi, de la santé… Ce point de vue n’a rien de départementaliste. Un président de région comme Jean-Pierre Masseret (NDLR : patron PS de la Lorraine) n’est pas intéressé par ces nouvelles compétences, en dehors des transports interurbains qui peuvent être reliés aux TER.
Souhaitez-vous, comme le sénateur et président socialiste du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, Georges Labazée, que les départements gèrent la construction et l’entretien des collèges mais aussi des lycées ?
Si dans le grand ensemble Auvergne-Rhône-Alpes, les conseillers régionaux s’occupent de tout cela, ils devront assister, chacun, à dix réunions de conseil d’administration. Ce ne sera pas possible. Résultat : les fonctionnaires siègeront à leur place. Ce n’est pas ma conception de la décentralisation. Dans mon département des Côtes-d’Armor, nous gérons 48 collèges. Nous sommes à même de prendre en charge 20 lycées. Nous avons déjà les ingénieurs, les architectes et toutes les équipes qu’il faut. Nous gérons ces services publics en régie. Les régions, elles, font appel à des sociétés d’économie mixte ou à des cabinets privés.
Mais comment vont-elles faire ?
Il leur faudra créer des administrations déconcentrées, c’est-à-dire départementaliser les régions. A moins, ce qui est probable, qu’elles passent des délégations avec les conseils départementaux…
Comment expliquez-vous que le gouvernement n’ait pas retenu l’idée de grandes régions stratèges qui fait la quasi-unanimité au sein de la Haute assemblée ?
J’ai salué avec beaucoup de chaleur le rapport sénatorial d’Yves Krattinger (PS) et Jean-Pierre Raffarin (UMP). J’aurais aimé que le gouvernement le prenne à bras-le-corps. J’aurais souhaité qu’il mette les sénateurs devant leurs responsabilités afin de dépasser les intérêts très politiques du moment.
Soutenez-vous Manuel Valls, quand il entend faciliter les fusions de départements en supprimant l’obligation référendaire ?
L’ADF est favorable à ce mouvement déjà bien enclenché, avec, notamment, le projet de fusion des Savoie, promu par Hervé Gaymard (NDLR : député et président UMP du conseil général de Savoie). Un peu partout dans le pays, les élus réfléchissent à des rapprochements. De nombreux projets de communes nouvelles émergent. Les élus veulent se marier pour peser au sein des futures intercommunalités de plus de 20 000 habitants.
Le président de l’Association des maires ruraux de France, Vanik Berberian, vous reproche d’avoir déclaré que l’intercommunalité a vocation à devenir la commune du XXIème siècle…
Oui, il m’a même écrit… Il n’a sans doute pas pris conscience que je ne parlais pas d’aujourd’hui. Le siècle se termine dans 86 ans. Mais nous sommes face à une tendance historique lourde que je constate depuis 37 ans que j’exerce un mandat. Les compétences des communes sont peu à peu absorbées par les intercommunalités. Quand celles-ci en auront 90 %, il faudra bien en tirer quelque conclusion.
Jugez-vous toujours, à ce stade, que la décentralisation est en recul ?
Le Premier ministre, lui-même, indique que ses textes ne relèvent pas de la décentralisation. Mais Manuel Valls se montre ouvert. Il considère, et il a raison, qu’il faudra le moment venu une grande loi de décentralisation.
Cet article est en relation avec le dossier
Thèmes abordés