Alors, qu’habituellement, l’inégalité entre les femmes et les hommes est un sujet de dimension nationale propice au débat d’idées, le comparateur Le Compas / La Gazette des communes en fait une problématique locale et concrète, à même d’aider les collectivités à mieux remplir leurs nouvelles obligations imposées par la loi du 4 août 2014.
« L’objectif, c’est que les élus s’en emparent pour ouvrir le dialogue au sein de la collectivité entre élus, avec les agents, et, en externe, en direction des administrés, des associations, des partenaires publics et privés… Également, que des chercheurs utilisent ces chiffres pour nourrir leur analyse de la société française », explique Louis Maurin, consultant pour le Compas, bureau d’études à l’origine du comparateur.
Entre autres exemples, le comparateur attire l’attention sur des villes comme Maubeuge ou Roubaix (Nord). Pour la première, le taux de femmes cadres supérieures est de 8 % pour une moyenne nationale de 15%.
Dans le cas de la seconde, le taux d’activité des femmes est de 70 % pour une moyenne nationale de 86 %. « Le fait que le sujet existe dans le débat public fait avancer la cause de l’égalité », insiste Louis Maurin. Et, au-delà du débat, il s’agit, encore une fois, de comprendre pour agir. « Évidemment, un élu ne peut pas être tenu responsable des écarts de salaires dans le privé. Par contre, il dispose de moyens réels pour lutter contre les inégalités », estime Louis Maurin.
Tendances nationales et départementales – Si l’objectif du comparateur est bien de donner des informations à l’échelle communale, l’analyse des données permet d’établir les grandes tendances suivantes :
– Le taux d’activité : « La France est engagée dans un mouvement général de développement de l’activité professionnelle des femmes (chez les 25-49 ans) même si ce mouvement a tendance à stagner ces dernières années », explique Louis Maurin. Le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans est passé de 60 à 84 % entre 1975 et 2012. Ce taux a augmenté dans tous les départements, à l’exception de quelques-uns pour qui il stagne.
Selon les départements, le taux d’activité marque de grands écarts entre hommes et femmes : écart de 14 points en Haute-Corse, 13 dans le Nord – « Là, se pose la question de la dépendance économique des femmes », souligne Louis Maurin, pour 5 dans le Val-de-Marne ou dans la Vienne.
Au niveau national, on note une légère baisse du taux d’activité des hommes à mettre en rapport avec l’allongement des études mais surtout avec cette génération de jeunes hommes qui n’entre dans aucun dispositif et qui a disparu des statistiques, cumulant les difficultés d’insertion.
– Le bas niveau de formation : « On parle régulièrement de jeunes filles de plus en plus diplômées, mais cette génération n’apparait pas encore dans les statistiques », tient à souligner Louis Maurin.
Les départements qui affichent les plus petits écarts entre les femmes et les hommes sur ce critère sont Paris et l’Ile-de-France en général, un progrès qu’on peut peut-être expliquer par une offre de formation plus développée.
– Le taux de femmes cadres supérieures : « Un indicateur à manipuler avec précaution ! », avertit le consultant. En effet, dans les départements où il est élevé, comme en Haute-Garonne ou dans les Hauts-de-Seine, il s’avère trompeur car « on peut avoir beaucoup de femmes cadres et pourtant encore un gros écart entre les hommes et les femmes ».
Il y a ainsi 31 % d’hommes cadres supérieurs en Haute-Garonne pour 21 % femmes.
Dans des départements du sud, comme la Drôme ou le Gard, cet écart est également élevé et s’explique, là, « par le poids des femmes immigrées ».
Dernière précaution : « Il faut prendre garde à la définition de l’échelon « cadre supérieur » qui recouvre des réalités très différentes ».
Enfin, on note de grands écarts entre les départements : 31 % d’hommes et 21 % de femmes cadres supérieures en Haute-Garonne pour 12 % et 8 % en Corrèze. Au niveau national, les femmes, représentent près de 40 % des cadres sup, soit plus du double qu’en 1982.
Sur le dernier critère, le salaire horaire, le Compas ne dispose que de peu d’information pour établir des comparaisons détaillées selon le sexe sur la longue durée.
Concernant le rattrapage de l’écart entre les salaires à l’échelon national, l’Observatoire des inégalités établit l’évolution suivante : dans les années 1950, les femmes employées percevaient en moyenne les deux tiers des salaires masculins ; à partir de 1998, elles ont dépassé les 80 %, ce processus s’étant essentiellement effectué en vingt-cinq ans, de 1973 à 1998.
Après avoir stagné à 80 % entre 1998 et 2004, le rattrapage progresse à nouveau, mais très lentement, pour atteindre 82,4 % en 2010. « Les campagnes en faveur de l’égalité salariale ont certainement eu un impact sur le monde de l’entreprise », commente Louis Maurin, qui veut croire que les actions de sensibilisation, nationales comme locales, peuvent faire reculer l’ensemble des différentes inégalités évoquées.
Références
Le comparateur Le Compas / La Gazette “Égalité femmes-hommes : où en est ma commune” ?
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Femmes-Hommes : l'inégalité, ce n'est pas une fatalité
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