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Le secrétaire d'Etat en charge des Transports, Alain Vidalies, a affirmé jeudi 16 octobre 2014 qu'une hausse des taxes "carbone" et "diesel" payées par les transporteurs routiers pourrait permettre de combler le manque à gagner pour l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf), suite à l'abandon de l'écotaxe. Une solution transitoire, à laquelle pourrait succéder un système plus pérenne : une vignette pour les poids lourds.
Ma Gazette
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Depuis la suspension « sine die » de l’écotaxe poids lourds, annoncée par Ségolène Royal le 9 octobre, les acteurs du transport public retiennent leur souffle. Déjà mis à mal par la hausse de la TVA et la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités, le financement des projets locaux ne pourra pas se passer des 360 millions d’euros que devait rapporter le dispositif à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Le sort du 3e appel à projets « transport collectif et mobilité durable», auquel participent notamment une centaine de projets de TCSP, en dépend.
Regrettant de concert cette énième reculade sur l’écotaxe, élus locaux, usagers, opérateurs, industriels et entreprises de travaux publics(1) ont imploré le gouvernement de « définir enfin une politique de long terme qui permette d’assurer des ressources pérennes et stables pour le financement de la mobilité ».
Plan de relance – Dirigés par la ministre de l’Ecologie, les regards se sont alors tournés vers les sociétés concessionnaires d’autoroutes, accusées dans un récent rapport de l’Autorité de la concurrence de bénéficier d’une « rente » indue et mirobolante. Mais, au vu de la solidité des contrats de concession qui courent au minimum jusqu’en 2028, le gouvernement devrait finalement se « contenter » de l’engagement de ces sociétés à signer un nouveau plan de relance autoroutier. Ce dernier permettra certes de créer des emplois dans le secteur des travaux publics, mais n’apportera pas un euro à l’Afitf (voir l’encadré).
« L’Etat a renoncé aux modalités mais il n’a pas renoncé au principe [de l’écotaxe] » a assuré le secrétaire d’Etat aux Transport Alain Vidalies devant les membres de la commission Développement durable de l’Assemblée nationale, le 15 octobre. « Les poids lourds doivent contribuer à l’entretien et à la modernisation des infrastructures » a-t-il réaffirmé, avant d’informer les députés que des « des décisions devraient pouvoir être annoncées [sur l’appel à projets TCSP] d’ici la fin de l’année ». De quoi supposer un déblocage de la situation rapide, donc.
320 millions d’euros supplémentaires – A l’issue d’une réunion avec les transporteurs, jeudi 16 octobre, le secrétaire d’Etat a dévoilé l’hypothèse la plus probable pour combler le manque à gagner de l’écotaxe : l’application au transport de marchandises de la hausse de 4 centimes du prix du gazole. Dans le détail, il s’agirait d’une hausse de 2 centimes de la TICPE(2) sur le diesel, déjà prévue pour les particuliers dans le projet de loi de finances 2015, et d’une augmentation similaire de la taxe carbone (ou contribution climat-énergie), dont les transporteurs étaient jusqu’ici exonérés en raison, justement, de l’ existence de l’écotaxe. Selon Alain Vidalies, la recette générée serait de l’ordre de « 320 millions d’euros », qui s’ajouteraient, pour abonder le budget de l’Afitf, aux quelques 800 millions issus de l’augmentation de la taxe diesel pour les particuliers .
Mais les fédérations de transporteurs n’ont pas donné leur accord ferme et définitif sur cette solution, qui se limiterait à l’année 2015 : « Nous conditionnons notre acceptation de cette mesure à trois choses : le fait qu’il s’agisse effectivement d’une mesure transitoire, la vérification concrète des recettes qui ne soient pas supérieures à ce que devait rapporter le péage de transit, et la consultation de nos adhérents», a ainsi détaillé le secrétaire général adjoint de l’OTRE, l’organisation à l’origine des manifestations de l’automne 2013, qui avaient conduit à une première suspension de l’écotaxe.
Le retour de la vignette – Interrogé par La Gazette, le président de l’Afitf Philippe Duron se déclare satisfait de cette solution transitoire, mais rappelle que « les 240 millions d’euros du loyer d’Ecomouv’ vont peser sur le budget 2015 de l’Agence ». Et si l’Etat s’apprête manifestement à dénoncer le contrat avec cette société, des incertitudes demeurent sur le coût d’une telle rupture.
Surtout, il faudra trouver des ressources pérennes pour le financement de l’Afitf. Cela pourrait passer par « une éventuelle redevance d’usage à travers une vignette » pour les camions, comme l’a évoqué Alain Vidalies. « Il faut tarifer les infrastructures. On ne peut plus faire payer aux seuls contribuables la totalité du coût de la mobilité », estime Philippe Duron. Le débat est donc ouvert, d’autant plus que le secrétaire d’Etat aux Transports assure vouloir « inscrire les transports au cœur des priorités de la réforme territoriale […] La loi NOTRe sera l’occasion de repenser les transports terrestres ». Rien que ça.
Ponctionner les concessionnaires d’autoroutes, une option mort-née
La question n’est pas nouvelle, puisque la privatisation des autoroutes, en 2005, était intervenue juste après la création de l’Aftif, qui devait justement percevoir les dividendes des sociétés concessionnaires…
En pointant les « superprofits » des sociétés autoroutières, Ségolène Royal pensait pouvoir trouver une issue consensuelle à la crise du financement du transport public, qu’elle avait en partie provoqué avec le rabotage puis l’abandon de l’écotaxe. Mais lesdites sociétés, et surtout les trois mastodontes que sont Vinci Autoroutes, Eiffage et Sanef-SAPN (Abertis), n’entendent pas se laisser faire. Le ministre des Finances Michel Sapin a, le premier, souligné la difficulté de mener à bien une telle ponction : « Les sociétés autoroutières ont bénéficié (…) de contrats extrêmement avantageux (…), extrêmement bien faits, ils prévoient que s’il y a une augmentation de fiscalité (…) il doit y avoir une compensation ». La ministre de l’Ecologie a émis ensuite une hypothèse pour le moins surprenante, la « gratuité des autoroutes le week-end ». Une option décriée de toutes parts, et immédiatement rejetée par le Premier ministre.
Difficile renationalisation – L’idée d’un rachat des concessions par l’Etat, évoquée entre autres par le député (PS) de l’Indre et président de commission parlementaire sur l’écotaxe, Jean-Paul Chanteguet, semble également écartée. Le dédommagement s’élèverait à 20 milliards d’euros au bas mot((Les estimations grimpent jusqu’à 30 voire 50 milliards d’euros !) pour ces contrats qui courent jusqu’en 2028, voire 2032, selon les tronçons. « Et cela pose d’autres problèmes : certains de ces contrats relèvent du droit international, Abertis étant une société espagnole » souligne le président de l’Afitf Philippe Duron.
Manuel Valls s’est appliqué, en revanche, à défendre l’idée d’un nouveau plan de relance autoroutier. Selon Les Echos, la Commission européenne vient tout juste de valider le plan établi en 2012, en retenant un objectif de 3,2 milliards d’euros de travaux sur le réseau. La décision devrait être officialisée fin octobre. Ensuite pourrait émerger un nouveau plan de relance, assorti d’un engagement des concessionnaires à investir à nouveau sur leurs réseaux, en contrepartie, bien évidemment, d ‘un allongement de la durée des concessions.