Selon le principe du verre à moitié vide ou à moitié plein, le Baromètre national 2014 sur le bien-être au travail dans la fonction publique territoriale, pour la troisième année réalisé par la Gazette et le cabinet de conseil en relations humaines et d’étude des risques psychosociaux CaTTalyse, peut se lire chaussé de lunettes roses ou aux verres fumés.
Ainsi, les optimistes sauront se réjouir à juste raison de plusieurs chiffres forts, à commencer par le niveau de satisfaction globale des territoriaux qui, comblant près de sept d’entre eux sur dix, croît en un an dans chacune des catégories d’emploi jusqu’à même laisser un cadre A sur cinq « tout à fait satisfait ».
L’empathie des collègues – Tandis que le plaisir toujours puissant d’exercer une mission de service public et de satisfaire les usagers contribue à la fierté professionnelle ressentie par 70 % des répondants, là encore toutes positions confondues, l’intérêt du travail est unanimement salué, conciliation réussie entre épanouissement recherché et accomplissement avéré…
Un accomplissement soutenu par un certain « confort » professionnel — avec le temps et les moyens de faire sans pression ni blurring (1) excessifs – et, plus encore, un « réconfort », puisé à l’empathie de collègues dont le soutien s’érige en premier facteur de facilitation du travail pour sept répondants sur dix.
Mais derrière ces traits, le tableau révèle aussi de sévères aspérités que de plus alarmistes ne pourront ignorer. Un chiffre en convainc : en moins d’un an, près de deux agents sur trois dévaluent leur niveau de satisfaction globale !
La question brûlante de la paie – Il y a d’abord et toujours la rémunération ! Alors que l’Insee a confirmé fin septembre la baisse de 0,5 % en euros constants du salaire net moyen d’un fonctionnaire territorial entre 2011 et 2012, la question demeure évidemment aussi brûlante que le point d’indice est gelé, depuis 2010 et jusqu’en 2017. Rien d’étonnant donc à ce que la paie en insatisfasse trois sur quatre, alors même que l’item arrive second au top quatre des motivations professionnelles.
Un hiatus terrible, mais que — plus terrible encore — les collectivités semblent malheureusement échouer à combler par le sens imprimé à l’action ! Faiblesses du management, erreurs organisationnelles, déficit récurrent de reconnaissance dénoncé par tous… Désorientés par les réformes et mutations, 70 % des agents sont en perte de confiance, la désillusion rimant dangereusement avec la tension jusqu’à majorer ouvertement l’absentéisme.
Ainsi, évaluant pour la première fois, selon un modèle original développé par CaTTalyse, les facteurs de survenance de risques psychosociaux (RPS) en fonction des éléments contribuant à la qualité de vie au travail et perturbant celle-ci, ce 3ème Baromètre affiche clairement un fort avis de dépression pré-tempête, avec une exposition aux RPS plus précise et intense qu’en 2013.
A, B, C : vers une homogénéisation des appréciations – Pour exemple, et alors que les chiffres du Baromètre évoquent pour la première fois une relative homogénéisation des appréciations entre catégories A, B et C, comme si les frontières hiérarchiques s’effaçaient devant les défis collectifs, l’étude RPS fait ressortir une nette différence selon celles-ci, avec une progression régulière de l’exposition aux risques au fur et à mesure que décroît la position hiérarchique. Qualité de vie au travail et tolérance à la pression…
Tandis que les agents de catégorie A se positionnent au-dessus de la moyenne et les cadres intermédiaires dans la moyenne générale pour ces deux familles de facteurs, les agents d’exécution se situent bien en-dessous, avec notamment une perception générale du « bien-être au travail » de dix points inférieure aux cadres supérieurs.
Si demain, le ciment et moteur de la vocation de service public, ultime satisfecit, venait à s’effriter lui aussi, la qualité des services publics pourrait donc sérieusement chuter et les RPS dramatiquement exploser, notamment au sein de ces populations d’agents les plus exposées…
Aux dirigeants donc d’agir, car verre à moitié vide ou plein, ce qui fait sens est en réalité de savoir si le verre se remplit ou l’inverse !
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Baromètre Bien-être au travail 2014 : le malaise croissant des territoriaux
Sommaire du dossier
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