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Culture

« Il y a une dimension culturelle dans la plupart des politiques publiques » – Véronique Balbo-Bonneval, présidente de la FNADAC

Publié le 15/07/2014 • Par Hélène Girard • dans : France

Budgets bridés, réforme territoriale, rôle de l’Etat, évolutions du métier… Véronique Balbo-Bonneval, présidente de la Fédération nationale des associations de directeurs des affaires culturelles (FNADAC), analyse pour La Gazette les enjeux des prochaines assises nationales organisées en octobre prochain. Événement qui se tiendra dans un contexte mouvant et empreint d’inquiétude, certaines thématiques faisant écho aux débats sur les politiques culturelles qui émaillent le Festival d’Avignon 2014.

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Pour la troisième fois depuis 2007, les directeurs des affaires culturelles (DAC) des collectivités se réuniront en assises nationales les 9 et 10 octobre 2014, à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis. L’événement est organisé par la Fédération nationale des DAC (FNADAC), avec l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) et le CNFPT-Inet de Nancy. En exclusivité pour La Gazette, la présidente de la FNADAC, Véronique Balbo-Bonneval, fait le point sur l’évolution du métier de DAC et les enjeux des assises, dont la fédération espère qu’elles marqueront un tournant pour la profession.

Pourquoi organiser des assises précisément maintenant ?

Cela fait quatre ans que nous n’avons pas tenu d’assises (1). Il y a donc un vrai besoin. D’autant que nous sommes une jeune profession : à chaque fois que nous tenons des assises, nous franchissons un pas dans la prise de conscience de la profession d’elle-même et de la façon dont elle se pense. De plus, ces troisièmes assises sont essentielles, compte tenu du contexte. Ce, pour plusieurs raisons.
La première est la disparition de la question culturelle du débat politique. La culture n’est plus un sujet politique. Nous devons faire en sorte qu’elle reste un sujet à l’ordre du jour en posant les questions au bon niveau.
La deuxième est le danger que fait planer le choc financier que nous connaissons sur les services culturels existants. Ces derniers, comme toutes les services publics, sont touchés, mais sans doute un peu plus que les autres. Il y a donc urgence à nous réunir pour penser la façon d’organiser le maintien de ces services culturels, voire les conditions de leur réduction, quand cela nous est demandé par nos collectivités.
Enfin, la troisième est le fait que nous sommes en période post-électorale. Il faut donc que les élus et les DAC commencent le mandat en se posant les bonnes questions, avec les bonnes clefs d’analyse, pour identifier les voies à emprunter en fonction des objectifs fixés.

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11e édition de la Semaine des arts et des cultures à l'école de la circonscription de Saverne (67), en 2012.

11e édition de la Semaine des arts et des cultures à l’école de la circonscription de Saverne (67), en 2012. CC Flickr by Comcomsaverne.

La culture a-t-elle tant disparu du débat public ?

Oui. Dans les années 1990, les programmes municipaux comportaient quasiment toujours un volet culturel. Parfois, il en constituait même une dimension majeure. Il s’agissait, d’une part, d’aménagement culturel, et, d’autre part, de donner de la visibilité aux artistes, à la créativité et au débat d’idées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Avec la nécessité de réduire les budgets, il y a une distorsion entre, d’un côté, une rétractation de la vision de la culture comme un simple supplément d’âme, et, d’un autre côté, le fait qu’au moment où se produit cette évolution, toute une série d’études nous montrent que la culture représente une dimension économique essentielle de notre pays au même titre que l’automobile ou le luxe(2), et qu’elle représente le dernier champ de la création de valeur ajoutée dans les pays développés. Les élus n’osent plus dire qu’ils vont orienter des fonds publics vers la culture, au moment même où nous avons la démonstration que la culture est transversale par rapport aux autres politiques et constitue un apport économique à la Nation.

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Pouvez-vous préciser votre vision transversale de la culture ?

Jusqu’à présent, quand on pensait « culture », on pensait « politique artistique ». La FNADAC s’est constituée pour faire prendre conscience qu’une politique culturelle ne peut pas se réduire à une politique artistique. Même si cette dernière constitue une dimension essentielle des politiques culturelles.

Car une politique culturelle consiste au moins autant à donner accès aux savoirs. Cela inclut tout ce qui a trait à la formation tout au long de la vie, l’éducation artistique et culturelle, l’accès à la connaissance par le biais des médiathèques, la vulgarisation des sciences grâce aux CCSTI, les conférences, les débats d’idées etc. A cela s’ajoutent évidemment une politique patrimoniale et une politique artistique.

A partir du moment où nous défendons une vision plus large d’une politique culturelle, la question n’est plus seulement l’impact économique, mais le développement du territoire dans son ensemble. Aujourd’hui, en France, les deux grandes questions politiques sont le développement économique et le développement du territoire. Or, il est maintenant démontré, par exemple, qu’un des principaux leviers pour maintenir ou atteindre une pyramide socioprofessionnelle équilibrée consiste à offrir une dynamique culturelle suffisante pour maintenir sur place ou attirer les classes moyennes. Quand cette dynamique est absente, ou quand on ferme des équipements, les territoires perdent leur attractivité. La qualité de vie d’un territoire est perçue quand les habitants trouvent près de chez eux, une médiathèque, un conservatoire de musique pour les enfants, du patrimoine à visiter, ainsi que des activités sportives et un accès à la nature. C’est le trio « sport-nature-culture ».

De même – et là encore toutes les études disent la même chose – les entreprises s’implantent sur un territoire si elles trouvent pour leurs salariés une offre culturelle et sportive. Le vivier créatif est également un facteur d’attractivité pour les entreprises. Ainsi, les laboratoires de recherche publics ou privés s’implantent dans des lieux où travaillent des créatifs. Pour qu’il y ait ce vivier, il faut, par exemple, réserver 1% des logements pour ces derniers, qu’il s’agisse d’artistes, d’architectes, de créateurs de jeux vidéo, etc. Il faut donc favoriser un écosystème permettant à ce vivier de se développer. Il faut aussi organiser les filières, repérer les créateurs, les accompagner dans leur développement, les mettre en contact avec les acteurs privés etc. Après l’accessibilité et les transports, c’est le facteur culturel qui est le plus important pour les entreprises.

Il faut qu’élus et professionnels prennent conscience que la culture est consubstantielle du développement du territoire, de l’équilibre du peuplement, du bien-être des habitants, et du débat démocratique. Car, loin d’être quelque chose de futile et un simple supplément d’âme, le monde des idées et les œuvres de l’esprit constituent le ferment de notre civilisation et de la démocratie. Si on met cela en péril, c’est la tolérance et le vivre ensemble qu’on attaque. C’est une question dont on ne parle quasiment plus.

Il faut donc faire évoluer la conscience que les DAC et les décideurs – directeurs généraux, financiers, du développement économique, du développement du territoire – ont de leurs métiers, qu’ils intègrent à leur réflexion qu’un des enjeux majeurs est de faire prendre en compte la dimension culturelle dans la plupart des politiques publiques. Il faut que chacun, élus et administratifs développent une pensée transversale et systémique et n’enferment pas les politiques publiques dans leurs seuls enjeux sectoriels.

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Aujourd’hui, le périmètre de responsabilités des DAC s’étend souvent aux sports et à la vie associative. Que pensez-vous de cette évolution ?

C’est potentiellement plutôt une bonne chose. Car les DAC ont souvent peu de relations avec les autres domaines de politique publique, hormis ceux de l’éducation et du social. Donc le fait qu’aujourd’hui le sport et les associations figurent dans nos attributions nous incite à mieux raisonner à partir des besoins des habitants, et au-delà des problématiques des seuls professionnels de la culture et des responsables d’équipements culturels. Le risque est de mettre la population au service du projet culturel, alors que c’est le projet culturel qui doit être au service de la population d’un territoire.

En revanche, cette évolution des attributions n’est pas une bonne chose, si elle conduit à des recrutements basés sur des formations et des compétences non culturelles, et uniquement administratives. Il existe un véritable risque de perdre ce savoir que nous avons acquis durant trente ans.

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La bande dessinée, un des piliers du développement et de la réputation d'Angoulême. Flickr CC by sebgonza

La bande dessinée, un des piliers du développement et de la réputation d’Angoulême. Flickr CC by sebgonza

Les professionnels de l’urbanisme, du logement, du développement économique etc., ont-ils, de leur côté, pris conscience de cette transversalité de la culture ?

Nous considérons nos prochaines assises comme une première étape. Bien évidemment, l’idéal aurait été de les co-construire avec les associations professionnelles de ces différents métiers : urbanisme, économie, éducation, et action sociale, qui constituent les quatre grandes politiques publiques sœurs de la culture. Nous avons rencontré des associations d’administrateurs, de directeurs généraux, des agences d’urbanisme, etc. Nous avons constaté une conscience partagée de cette nécessité de transversalité. Mais, pour le moment, hormis quelques exceptions – à Nantes, par exemple -,  cela n’a que peu de traduction concrète sur le terrain.

Mais nous comptons sur ces assises pour que les décideurs de ces grandes politiques trouvent la façon d’intégrer les politiques culturelles dans leurs modalités de travail et de partenariat. Et, symétriquement, que les DAC fassent de même. Aujourd’hui, tout le monde en a l’intuition. Mais chacun doit en apporter la preuve, tant du côté des autres politiques publiques que du côté des DAC. Il s’agit de se demander, dans chaque collectivité, quels acteurs on associe à l’élaboration de tel projet, quelle est la légitimité symbolique de chacun des acteurs pour qu’ils soient sur un pied d’égalité avec les autres, que les financements soient répartis en conséquence, etc.

Quelques responsables du social, de l’urbanisme, du développement économique, de l’éducation et du social qui ont déjà pratiqué ce type de démarche viendront aux assises en témoigner. Ils interviendront en exposant quelques bonnes pratiques. Bien entendu, notre souhait est également que les représentants de ces politiques publiques soient nombreux parmi les participants. Est-ce que cela sera le cas ? Nous ne le savons pas encore. En tout cas, notre objectif est que les participants repartent des assises avec, en tête, quelques cadres théoriques, des arguments permettant d’entrer en dialogue avec les autres politiques publiques et quelques exemples de bonnes pratiques, pour développer de telles démarches dans leur territoire. Nous espérons qu’un jour nous pourrons co-construire des assises avec les associations professionnelles de ces différents corps de métiers concernés.

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Où se situent les principales difficultés ?

Les politiques culturelles et les professionnels de la culture ont tendance à être considérés – lorsqu’ils sont considérés – sur un mode mineur. Il n’y a donc pas au départ une égalité de légitimité symbolique. C’est une question de posture. Souvent, on ne nous appréhende que par le prisme de l’artistique – par exemple, l’architecture, l’art dans l’espace public. Travailler avec les professionnels des autres politiques publiques sur ces dimensions-là n’est pas très difficile, dans la mesure où elles correspondent à leurs représentations de la culture. En revanche, il est encore rare qu’ils nous associent à leurs projets pour penser la ville, les affectations de mètres carrés de logement, l’attractivité culturelle, la façon d’attirer les créatifs sur le territoire etc. Pour en arriver là, il y a un gros travail de pédagogie à réaliser. Travail qui passe également par les élus, car c’est la volonté politique qui fera la différence.

Vous tenez à faire un distinguo entre politique culturelle et service public de la culture. Où se situe la différence ?

Le service public de la culture correspond aux équipements (médiathèques, conservatoires et écoles de musique, salles de spectacle etc.), aux grands événements qui constituent des rituels sociaux et créent de la mémoire collective, et à la conservation et transmission du patrimoine. Une politique culturelle va bien au-delà de cela : il s’agit de penser l’ensemble de l’écosystème, les synergies avec les autres acteurs, les filières.

Pour ce qui est des créatifs, cela concerne leur repérage sur le territoire, la façon de les accompagner, d’organiser leur premiers contacts avec le public – ce qui implique, par exemple, l’existence de petites salles adaptées – de les mettre en relation avec les acteurs privés etc. Pour l’attractivité du territoire par la culture, cela recoupe le projet politique du territoire et son rayonnement, et la prise en compte de la dimension culturelle dans les quatre grandes politiques publiques dont je viens de parler : développement économique, action sociale, urbanisme, éducation. La politique culturelle s’intéresse aussi à la façon dont on maintient, sur le territoire, l’offre privée effectuant une mission d’intérêt général. Par exemple les librairies, maisons d’éditions, certains producteurs, certains labels, certains cinémas indépendants participent à la biodiversité de la production culturelle et à la diffusion des œuvres de qualité.

Il est aujourd’hui indispensable de penser et d’organiser les filières de production. Bref, lorsqu’on mène une politique culturelle, il faut, dans une logique d’intérêt général, penser l’articulation entre acteurs publics, acteurs privés, économie sociale et solidaire et secteur marchand.

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Les responsables des politiques culturelles ont donc un grand rôle de régulation à jouer ?

Oui. Et, en amont, ils doivent, s’informer sur tout ce qui se passe sur leur territoire – ce qui est le plus difficile – puis observer, analyser la situation, penser les modes de régulation et les proposer aux élus. C’est le cœur du travail d’un DAC.

Ce discours n’est–il pas nouveau ?

Peut-être, mais cette dimension de régulation est essentielle. Nous avons coutume de dire au sein de la FNADAC que le DAC évolue vers une fonction de coordinateur culturel du territoire.
Maintenir ou développer la biodiversité des propositions culturelles, assurer la coexistence, la complémentarité et les coopérations entre acteurs publics et privés du territoire, organiser les filières et les synergies sont aujourd’hui des dimensions essentielles du métier de DAC qui viennent s’ajouter aux dimensions traditionnelles. Un bon exemple simple est celui des marchés d’acquisitions des médiathèques : si les collectivités ne les pensent pas de manière à ce que les librairies indépendantes puissent y répondre et avoir une chance de les obtenir, ces dernières auront du mal à survivre.

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Cette réflexion est-elle partout à l’œuvre ?

Nous constatons aujourd’hui un début de rupture entre, d’un côté, les grandes villes, et, de l’autre, les villes petites et moyennes, où il y a un risque qui pèse sur le maintien d’un service public de la culture. Souvent, la grande question politique du développement n’est pas portée par les élus, parce que leurs territoires sont trop petits, trop pauvres ou trop isolés. Et la légitimité de la dépense culturelle s’en trouve amoindrie. Cette légitimité diminue dans les petites collectivités. A l’inverse, plus la taille de la collectivité augmente, plus cette légitimité est forte. Dans les petites communes, le choc financier est passé par là, et l’heure des choix est arrivée : beaucoup doivent « éteindre la lumière » dans certains services culturels, pour pouvoir la laisser allumée dans d’autres.

Les assises évoqueront la nécessaire évolution des référentiels des métiers. En quoi consiste-t-elle ?

Cette évolution, souvent déjà engagée, est liée aux enjeux que j’ai évoqués précédemment : la perception que les DAC ont des politiques culturelles. Nous ne devons pas limiter notre champ de réflexion et d’action aux activités artistiques, et notamment au seul spectacle vivant. Ce dernier est surreprésenté dans la conception que les DAC ont de leur métier. Un rééquilibrage est à effectuer entre le domaine artistique et celui de l’accès aux savoirs. Les bibliothèques et les enseignements artistiques sont aussi importants que le spectacle vivant.
Un autre référentiel essentiel qu’il faut changer : au cours des trente dernières années, nous avons assisté à une forte professionnalisation du métier de DAC. Ce, dans un contexte budgétaire bien différent de celui que nous connaissons maintenant. Aujourd’hui, toutes les politiques publiques sont touchées par des baisses de budget. C’est la première fois que l’ensemble des collectivités est confronté à cela. Nous n’avions encore jamais vu des collectivités fermer des équipements ou stopper des activités pour des raisons financières.

Les DAC doivent donc impérativement remettre dans les référentiels de leur métier le soutien à la société civile. Au cours des dernières années, justement du fait de cette professionnalisation croissante, nous avons eu tendance à faire les choses à sa place, donc, d’une certaine façon, à l’assécher. Si nous voulons préserver le nombre des activités et de propositions culturelles sur un territoire, et même les développer, nous devons porter une attention accrue au repérage des porteurs de projets, à leur soutien et à leur accompagnement. En deux mots, il faut réensemencer la société civile. C’est essentiellement une question de posture professionnelle, de conscience que chacun a de sa mission.
Enfin, nous en avons longuement parlé, le métier consiste aussi aujourd’hui à penser les régulations, les coopérations et les filières.

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Atelier de peinture organisé en 2010 au musée Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye, en compagnie d’un peintre aquarelliste, dans le cadre des "Rendez-vous nature", des événements organisés dans tout le département pour découvrir les espaces naturels.

Atelier de peinture organisé en 2010 au musée Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye, en compagnie d’un peintre aquarelliste, dans le cadre des « Rendez-vous nature », des événements proposés dans tout le département pour découvrir les espaces naturels. Flickr CC by nd Conseil général des Yvelines.

Et l’Etat dans tout ça ?

Il est absolument essentiel ! D’autant plus que nous sommes confrontés à deux phénomènes : le choc financier, d’une part, et la baisse de la légitimité de la dépense culturelle, d’autre part. Au sein de la FNADAC, nous avons fait une rapide enquête, qui nous montre, qu’ici une collectivité ferme un théâtre, que là, une autre arrête les activités d’une école de musique, qu’ailleurs, c’est la programmation qui est revue à la baisse etc.

Jusqu’à présent, nul ne pouvait dire que la culture n’était pas une politique publique essentielle. Aujourd’hui, un verrou a sauté : c’est quelque chose qui peut être revendiqué politiquement. Donc, nous n’avons jamais eu autant besoin de la parole et de l’action de l’Etat, mais pas forcément telles qu’entendues aujourd’hui. La loi MAPAM [Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ndlr], déplace le pouvoir de la mise à l’agenda vers les régions et métropoles. Si cela représente une véritable chance de voir s’installer des instances de dialogue entre les différents niveaux de collectivités territoriales au travers les conférences territoriales, d’organiser les complémentarités, de désigner des chefs de file en fonction de la réalité de chaque territoire et de développer des expérimentations, cela représente aussi des risques que l’Etat doit s’attacher à minimiser.

Le premier risque c’est que la question culturelle ne soit pas traitée dans ces instances et par conséquent disparaisse du champ politique. Il est nécessaire que l’Etat demande à ce que soient mises en place des conférences territoriales de la culture.

Le deuxième risque réside dans le fait que ne soient traitées dans ces instances uniquement les questions relatives aux problématiques des régions et des métropoles, à, savoir le rayonnement culturel, l’attractivité du territoire, les filières. Or, si ces sujets sont importants, ils ne doivent pas masquer le fait que le choc financier fait que le service public culturel minimum de proximité (médiathèque, écoles de musique, salles de spectacles, patrimoine) ne pourra plus être assuré par les seules communes et qu’il y a donc nécessité impérative à organiser la solidarité inter-niveau de collectivités territoriales pour maintenir ces services qui font la qualité de vie quotidienne des habitants. Si cette question n’est pas traitée au niveau de ces conférences à partir d’un schéma minimum de service culturel de proximité, ainsi que celle de l’équipement des zones blanches qui ne disposent encore aujourd’hui d’aucun service public culturel de proximité, les politiques culturelles de rayonnement, d’attractivité, d’évènementialisation (stratégie d’élaboration d’événements culturels, ndlr) et de gestion n’auront aucune légitimité auprès de la population et la dépense culturelle réalisée à ce niveau dressera la population contre les questions culturelles en générale. Ce n’est que si l’on assure les fondations que le reste sera légitime.

Il me semble que l’Etat doit participer à ce que cette question soit traitée par sa mise à l’agenda et par des dispositifs de co-financements incitatifs à ce maintien de l’essentiel. L’Etat doit faire en sorte que les collectivités s’organisent pour atteindre quatre objectifs : assurer un service public minimum sur leurs territoires, continuer à équiper les zones blanches, garantir l’accès à la pluralité des œuvres et des idées, et considérer la culture comme une dimension du développement. Par ailleurs, le débat démocratique doit être garanti au sein des politiques culturelles. Nous commençons à voir des exécutifs locaux demander à leur DAC d’écarter les programmes qui suscitent le débat, au bénéfice de choses consensuelles. Or la mise à disposition des œuvres de l’esprit vise justement à générer un débat et faire dialoguer des points de vue différents.

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Mais les collectivités élaborent leurs politiques culturelles librement. Comment l’Etat peut-il garantir que ces axes soient respectés ?

Même si les subventions de l’Etat sont une portion congrue, elles existent et peuvent être conditionnées par le respect de certains principes éthiques et certaines orientations. Il s’agit vraiment de passer de l’Etat expert à l’Etat garant de l’égalité d’accès au service public culturel de proximité et à la pluralité des œuvres favorisant le débat démocratique. Pour cela, il faut maintenir les financements croisés. Même si les collectivités ont la liberté de s’organiser pour apporter les réponses, l’Etat peut poser les bonnes questions et apporter des financements en fonction de la qualité et de la pertinence des réponses apportées. Cela suppose que l’Etat recompose ses territoires de financements, réexamine les raisons pour lesquelles il accorde des subventions.

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Que pourrait apporter la loi MAPAM dans cette perspective pour préserver les objectifs des politiques culturelles que vous appelez de vos vœux ?

La nouvelle organisation pourrait jouer de façon positive si les régions et les métropoles animaient l’élaboration d’un schéma de développement culturel issu d’un débat collectif entre collectivités. Parmi celles-ci, les communes sont celles qui ont la connaissance la plus fine des besoins de la population. Il faudrait donc penser la façon dont leur expertise peut aussi être entendue dans ces conférences au-delà de la juxtaposition de leurs intérêts propres.
Pour la première fois, les groupes de collectivités devraient logiquement s’autoréguler. En tout état de cause, il y a un modèle à inventer, car nous sommes devant une plage blanche.
A nos yeux, le vrai risque est que la question des politiques culturelles ne soit pas posée au niveau des futures conférences territoriales et qu’elle ne le soit que du point de vue des équipements, des grands évènements ou de l’enseignement supérieur et non comme un écosystème, comme je l’ai dit précédemment. Il est certain que si nous ne réussissons pas à penser le projet culturel du territoire selon un schéma où chacun a des engagements financiers, les choses seront très compliquées, étant donné la situation budgétaire des collectivités.

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Notes

Note 01 les premières ont eu lieu en 2007, à Annecy, les deuxièmes, en 2010, à Toulouse Retour au texte

Note 02 Voir entre autres cette enquête réalisée par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires culturelles Retour au texte

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