La corruption reste un phénomène marginal (1). En consacrant un chapitre entier au secteur public local, le rapport annuel du Service central de prévention de la corruption n’a « pas pour objectif de jeter le discrédit » sur le monde territorial, avertit d’entrée le service, chargé de surveiller l’état de la corruption en France.
Son but est de suggérer « un corpus de mesures concrètes propres à rétablir les conditions de la confiance des citoyens en leurs représentants ». Car la corruption, entendue ici au sens large, existe. Plus particulièrement dans la commande publique et en urbanisme, mais ces secteurs ne sont pas les seules zones à risques.
Un mandat local, renouvelable une fois – Pour limiter le risque de corruption, de favoritisme, de prise illégale d’intérêt, de trafic d’influence, de concussion dans le secteur public local, le SCPC fait 30 propositions. Il préconise de limiter le cumul de tous les mandats locaux. Cette mesure contrecarrerait la constitution de fiefs électoraux.
La loi votée le 14 février 2014 (2) se contente de limiter le cumul « vertical » entre mandat parlementaire et fonction exécutive locale. Un maire ne devrait pas, selon le Service central, pouvoir présider un EPCI par exemple. Une limitation dans le temps à deux mandats successifs empêcherait « la mise en place de réseaux d’intérêts croisés, favorable à la commission d’atteinte à la probité ».
Déclarations pour tous – Aujourd’hui la très grande majorité des élus locaux échappe à l’obligation de déclarer intérêts et patrimoine. La loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique (3) ne l’impose qu’au-delà de 20000 habitants pour les maires et les présidents d’EPCI à fiscalité propre et de 100000 habitants pour les adjoints aux maires ou vice-présidents d’EPCI titulaires d’une délégation de signature.
Or « de nombreux cas d’atteinte à la probité surviennent dans des collectivités ou EPCI de taille inférieure aux seuils définis par la loi du 11 octobre 2013 », relève le SCPC. Il préconise donc d’étendre ces obligations à l’ensemble des maires, de leurs adjoints, des présidents d’EPCI, de leurs vice-présidents mais aussi aux directeurs généraux et directeurs généraux adjoints qui n’y sont pas encore assujettis.
Agir avec transparence et assurer la publicité – Dans la plupart de ses propositions de réforme de la gouvernance ou de la gestion locale, le SCPC recommande d’améliorer la transparence et la traçabilité des procédures et des prises de décisions.
Réunir les assemblées délibérantes au moins une fois tous les deux mois (notamment dans les communes de plus de 3500 habitants), rédiger et rendre public dans les 15 jours procès-verbaux et comptes-rendus de réunions de bureau et commissions émanant de l’assemblée délibérante, garantir l’accès effectifs des conseillers aux pièces et documents relatifs aux marchés et contrats en temps utile avant les réunions de l’assemblée délibérantes, autant de mesures qui y concourent.
Les collectivités territoriales peuvent aussi agir sur les recrutements pour éviter le clientélisme en publiant suffisamment en amont les offres.
Dans la commande publique grâce à l’emploi de logiciels de gestion de marchés, à la publicité des réunions de commissions d’appels d’offres, à la constitution de rapports de négociation, au contrôle de l’exécution des contrats.
En urbanisme ou pour la gestion domaniale, le SCPC préconise une obligation de publicité de l’identité des personnes concernées par les modifications d’un zonage dans le plan local d’urbanisme, des biens à vendre ou à acheter ou encore d’imposer la règle du déport en cas de conflits d’intérêts.
Améliorer les méthodes de travail – En faisant évoluer les méthodes de travail, les collectivités territoriales peuvent diminuer le risque de corruption. Le SCPC encourage l’élaboration de chartes de déontologie de portée générale (au niveau national), mais surtout locales et spécifiques pour les élus et les fonctionnaires en charge de certaines missions (l’achat public par exemple) qui soient opposables et précises (détaillant bonnes et mauvaises pratiques).
Avec la formation des élus et des agents territoriaux aux questions de probité, ces chartes contribuent à une meilleure prise de conscience et appréciation du risque. Le SCPC pousse aussi à développer des outils de contrôle et d’audit interne et externe et à cartographier régulièrement les risques.
Conditionner l’éligibilité aux seuls titulaires d’un casier judiciaire vierge, clarifier les responsabilités et donc autoriser les délégations de direction générale entre chef de l’exécutif et directeurs généraux des services figurent également parmi les propositions du SCPC. Bien des mesures ne nécessitent pas l’intervention du législateur, charge aux collectivités de suivre ces principes de prévention de la corruption.
Notes
Note 01 Voir Gazette du 23 juin 2014, dossier « Risque pénal Prévenir pour sécuriser au maximum » Retour au texte
Note 02 Loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et loi n° 2014-126 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen Retour au texte
Note 03 loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique Retour au texte