Depuis un an, le projet de reprise a subi une série de déboires, avec en premier lieu le retrait du conseil général de Côte-d’Or du pool des financeurs. C’était en septembre 2013. Conséquence : au 1er juin, la région et le Grand Dijon restent les seuls porteurs de l’aéroport, avec un abondement de la CCI limité à 150.000 euros par an.
En décembre 2013, deuxième coup de tonnerre, avec la confirmation par l’armée qu’elle se retire de la base aérienne (la BA 102), accolée à l’aéroport civil. Elle assurait l’entretien du site (400 hectares), sa maintenance, sa sécurité (avec ses propres véhicules pompiers) et une partie des investissements communs, dont le dispositif de radio-télécommunications.
Equation financière – La reprise de ces activités, dans le cadre d’une DSP, représente une charge estimée, par SNC Lavalin, à 1,25 million d’euros par an. Au bas mot car « la collectivité ne connaît pas encore à l’heure actuelle les éléments définitifs » du changement de périmètre, souligne le rapport adopté par les élus à la région.
A cette somme s’ajoute le « prix » de l’OSP (obligation de service public) envisagée pour les lignes Dijon-Bordeaux et Dijon-Toulouse : 2,5 millions d’euros par an si Eastern Airways (l’exploitant actuel) poursuit son activité ; 1,25 million d’euros par an si c’est l’offre de Twin Jet qui est retenue.
Au total, « cela représente entre 13 et 28,5 millions d’euros sur 4 ans, financés par deux collectivités, à un moment où la réduction des dotations d’Etat se traduit par une perte « sèche » de 37 millions sur trois ans », indique Michel Neugnot, vice-président du conseil régional en charge des finances.
Perspective fusion Bourgogne Franche-Comté – Dans ce contexte, « il est urgent d’attendre », résume l’élu. Alors que le processus de fusion est lancé, entre les régions Bourgogne et Franche-Comté, « c’est un sujet prioritaire, qui doit être discuté avec la Franche-Comté », souligne-t-il.
La Franche-Comté est dotée d’un aéroport (à Dole) distant de seulement 50 kilomètres de Dijon. Il est financé par le conseil général du Jura mais, « si les départements disparaissent, la région reprendra les rênes », dit-il. « Ne nous précipitons pas aujourd’hui en nous engageant sur des sommes colossales (18 millions d’euros !) alors que de nouveaux changements vont impacter fortement cet aéroport », enjoint Michel Neugnot.
Dole, aujourd’hui, concentre son activité sur des vols touristiques, organisés en liaisons régulières (Ryan Air, entre autres opérateurs, assurant des liaisons vers le Portugal et le Maroc).
Dijon, de son côté, a développé des vols domestiques (vers Bordeaux et Toulouse) pour désenclaver la région – auxquels s’ajoutent des vols charters l’été. Les deux activités, à l’avenir, peuvent sans doute cohabiter sur un seul site dont les coûts de fonctionnement seront ainsi mutualisés.
« L’entrée en vigueur le 4 avril 2014 des nouvelles lignes directrices sur les aides d’Etat aux aéroports conditionne désormais les aides publiques à l’absence de concurrence entre aéroports situés à une distance inférieure ou égale à 100 kilomètres », rappelle Michel Neugnot.
« De la poudre aux yeux » – En attendant, les partenaires de l’aéroport cherchent une solution pour gérer la transition. Favorable à la constitution d¹une « plateforme interrégionale à Dole », Alain Millot, président du Grand Dijon, indique dans un communiqué qu¹il réfléchit cependant « à une solution technique et juridique qui permettrait de maintenir une activité aéronautique » à Dijon, « pour accueillir des vols privés et des vols d¹affaires ».
« Cette solution pourrait prendre la forme d’un syndicat mixte » qui, à plus long terme, « favoriserait le déploiement d’activités nouvelles et porteuses dans le domaine de la maintenance et de l’hébergement d’aéronefs ».
Cette solution, minimaliste, réduit l’activité de l’aéroport à celle d’un aérodrome. Elle génère un coût net limité à 300.000 euros que le Grand Dijon et le conseil régional se disent prêts à financer… pour partie. Ils lancent l’appel « aux partenaires historiques et à de nouveaux partenaires potentiels ».
« C’est de la poudre aux yeux », estime Franck Canu, directeur de l’aéroport de Dijon, pour qui les élus laissent « l’aéroport mourir à petit feu ». « La situation est la même que l’an passé mais personne ne veut prendre la responsabilité de dire qu’on arrête tout. Dire « on a peut-être un plan B » permet aux élus de dire « on ne ferme pas ». Développer l’aviation d’affaires, pourquoi pas, mais on ne m’a même pas consulté. C’est une niche dans laquelle j’ai une expertise (1). Si c’est vraiment le projet, pourquoi ne pas prolonger mon mandat, qui s’arrête au 31 mai ? ».
Quel avenir pour Eastern Airways en France ?
Eastern Airways, pour développer ses activités sur le continent, avait choisi Dijon pour base. Aujourd’hui, la compagnie britannique se voit donc « délogée » dès le 1er juin, sans solution de repli alors qu’elle exploite également la ligne Lyon-Lorient.
« L’Etat (l’autorité concédante, ndlr) essaie de trouver des solutions pour ne pas arrêter brutalement les lignes régulières », indique Michel Neugnot pour le conseil régional, qui précise que la négociation englobe également les vols charters prévus cet été. Corsicatours, cependant, a préféré annuler tous ses vols Dijon-Figari.
« Eastern Airways a beaucoup investi sur ces vols et n’envisageait pas d’être un jour confronté à ce genre de situation (une fermeture de but en blanc sans solution appropriée) », confie un des salariés d’Eastern Airways qui, à Dijon, emploie 17 personnes. Même si un accord devait être trouvé avec Dole, « les autorisations nécessaires demandent du temps avant d’aboutir », souligne-t-il. De plus, « cela nécessite un nouvel accord commercial entre l’aéroport et la compagnie, qui là encore prend du temps », ajoute-t-il.
Pour lui, l’idée de réunir les deux aéroports n’est pas « sotte », mais il juge négativement « la façon de procéder ». « Il n’y a eu aucune concertation, ni avec les professionnels, ni avec les utilisateurs pour juger la pérennité des lignes. Les décisions sont prises par des gens qui ne connaissent rien à l’aérien. L’offre commerciale, en particulier, est le nerf de la guerre. Les collectivités auraient dû exiger un contrôle plus sévère sur les politiques tarifaires, en contrepartie des subventions données. Or, cela n’a pas été le cas, alors que l’offre tarifaire ne correspondait pas à la demande. » Résultat : quatre ans après leur mise en service, les deux lignes restent déficitaires, sur un aéroport qui transporte 4 fois moins de passagers que celui de Dole (où 100.000 passagers sont attendus en 2014).
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Franck Canu était directeur d’exploitation pour Advance Air Support, attaché au bureau de l’aéroport du Bourget, avant d’intégrer l’aéroport de Dijon en 2013. Il dirige en parallèle la société de conseil Onway Associates, spécialisée sur les services en aéroport. Retour au texte