Jusqu’à ce vendredi 11 avril, la Cada était un peu schizophrène : d’un côté sa mission est de veiller à l’application de la loi de 1978 sur l’accès aux documents administratifs ; de l’autre la base de données de ses avis, objet d’une maigre redevance de 5000 euros, seuls les avis non-récurrents étant mis à disposition gratuitement.
Le paradoxe a été résolu, avec la mise à disposition de l’intégralité des avis et conseils depuis 2012 en open data, ainsi que les avis non récurrents sur 2005-2011.
Etalab, la mission en charge de l’ouverture des données publiques, en est le premier réutilisateur, avec la mise en ligne conjointe d’un site permettant de naviguer parmi les avis, par grands thèmes, mots-clés, administrations sollicitées, réponses de la Cada, etc. et une API associée.
Un lancement qui arrive au lendemain de l’audition au Sénat d’Henri Verdier, le directeur d’Etalab, par la mission commune d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques.
La fin de cette redevance faisait partie des avancées promises lors du dernier Cimap de décembre 2013 par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, conformément aux recommandations du rapport Trojette.
Anonymisation – Une petite partie seulement des avis est en ligne, car l’anonymisation des documents demande du temps. Elle reste parfois lacunaire comme ici ou encore là. Un bouton permettant de signaler ces oublis va être ajouté, a indiqué Etalab.
Elle permet toutefois d’avoir un aperçu des sollicitations actuelles. Pour mémoire, la Cada intervient en dernier lieu, lorsque l’administration interpellée a refusé de communiquer un document public après un délai d’un mois.
Cette base de données ne donnent donc qu’un aperçu très partiel des demandes d’accès à des documents publics. Elle n’indique pas non plus dans quelle proportion les administrations ont obtempéré, car ces avis ne sont pas contraignants. « Selon les années, 80 à 85 % des avis favorables sont effectivement suivis de la communication des documents », relève la Cada. Il serait intéressant de savoir dans le détail quelle administration rechigne encore.
Si les chiffres synthétiques et des analyses sont présentés chaque année dans le rapport de la Cada (dernier en date 2012), le site permet d’accéder à l’intégralité des avis, avec entre autres le nom précis de l’administration interpellé et non pas sa catégorie (département, commune, Etat, AAI, etc.). On entre dans le dur des blocages des administrations, qui concernent des toutes petites communes comme des ministères régaliens. Les collectivités pourront s’y référer avec utilité pour réagir plus vite aux demandes des citoyens, en faisant par exemple une recherche par mot-clé, ils auront à leur disposition toute une jurisprudence qui les aiguillera dans leur réponse. Et peut-être la Cada y gagnera-t-elle aussi au final en recevant moins de requêtes inutiles, comme les nombreuses demandes de permis de construire.
Certains avis interpellent davantage, par-delà leur intérêt en matière de jurisprudence. Ainsi, dans la catégorie travail et l’emploi, des – gros – ministères arrivent en tête, mais aussi des entreprises publiques ou parapubliques peu réputés pour leurs relations apaisés avec leurs employés : La Poste, Pôle Emploi, France Télécom, Orange.
On trouve quelques demandes ayant trait par exemple à du harcèlement moral, qui sont toutefois loin d’être majoritaires. Ce résultat est peut-être tout simplement dû à un effet de taille. On notera aussi la trace du conflit médiatisé à Montreuil opposant l’ancienne maire Dominique Voynet et le cinéma Le Méliès. Des demandes renvoient à certains tabous bien français, comme « le montant annuel des quinze plus hautes rémunérations de la mairie de Paris et de leur évolution depuis 2000 » (avis favorable), alors qu’en Grande-Bretagne, le salaire des membres des cabinets ministériels est en open data.