C’est un mercato d’ampleur qui risque de s’ouvrir, avec la débâcle du parti socialiste aux élections des 23 et 30 mars. « Nous nous attendons à une vague sans précédent, qui va sans doute saturer le marché », explique Jacques Marsaud, directeur général des services de Plaine commune (Seine-Saint-Denis).
Environ 150 communes de plus de 9 000 habitants passent de gauche à droite. « J’espère que ce ne sont pas 150 à 300 collègues – en comptant les DGA – qui vont se retrouver en mobilité, car les possibilités d’accueil sont faibles. Quand l’alternance est d’une moindre ampleur, le marché se régule. Mais avec de telles vagues, cela va être compliqué », insiste le DGS. La « chasse aux sorcières » aurait même déjà commencé…
Même si la mobilité fait partie du jeu pour les cadres dirigeants territoriaux, les inquiétudes sont grandes. « Ce qui nous pose problème, c’est le fait de mettre à l’écart le, ou les DG en place, sans transition », explique Stéphane Pintre, président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT). Pour le DGS, « le changement peut parfois être justifié par un engagement politique extrêmement fort du DG, mais la plupart n’ont pas d’investissement partisan et ils doivent être respectés dans leurs fonctions. »
« Le mercato fait partie du métier. Mais il peut être problématique pour les directeurs ancrés dans leur territoire, ou les DG en fin de carrière mais pas tout à fait », ajoute David Le Bras, délégué général de l’Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF).
Dans les petites communes aussi – Divers scénarios sont possibles, mais les alternances entre sensibilités de gauche posent aussi question. Et des collectivités de toutes tailles sont concernées. « Pour certains, le changement d’autorité territoriale va être compliqué. D’autant que l’alternance est forte y compris dans les petites communes. La situation va mériter d’être observée partout », insiste Stéphane Pintre.
Les possibilités de reclassement seront limitées. Force est de constater qu’elles risquent d’être encore plus faibles que prévu, avec le grand nombre de villes passées à droite, quand la sensibilité politique des DG est plutôt réputée à gauche. En région parisienne notamment, les opportunités de rejoindre la métropole du Grand Paris semblent s’être envolées, la structure devant vraisemblablement échapper au PS.
Compétences : finances ! – Une incertitude de taille vient du comportement des nouveaux élus, et des profils qu’ils rechercheront. « Sans doute seront-ils plus sensibilisés aux contraintes financières. Beaucoup vont probablement être plus regardants sur la fiscalité locale que sur le développement des services publics », pressent Stéphane Pintre.
Les nombreux nouveaux maires de droite vont peut-être « vouloir donner des signes de « modernisation de l’administration », d’optimisation des moyens. Il n’est pas impossible qu’on recherche des DG mieux disposés à la chasse à la dépense publique », analyse Jacques Marsaud.
Mobilité choisie – Certains dirigeants se trouvent toutefois en mobilité « choisie », négociée avec leur maire/président, et eux ne se montrent pas très inquiets. « Que le marché soit florissant ou bouché, notre portefeuille de compétences fait qu’on arrive toujours à trouver. Tout dépend aussi de l’ouverture à une mobilité géographique », estime Laurent Rey, DGA à la communauté d’agglomération du Grand Dax (Landes), qui avait passé un contrat moral avec son président pour partir au bout du mandat qui s’achève, quoi qu’il arrive.
Spoil system modéré – Les spécialistes du recrutement ne se font pas non plus tellement de soucis pour les administrateurs territoriaux qui ont « encore de beaux jours devant eux ». « En raison notamment des nombreux départs à la retraite des baby boomers, ce qui crée de belles opportunités de postes », souligne Brigitte Guittet, associée au cabinet GC Partenaires.
Tony Lourenço, fondateur du cabinet Territoires RH, s’attend à un « spoil system » modéré : « Les nouveaux maires devraient garder un ou deux ans les équipes de direction en place pour les changer plutôt à mi-mandat. »
Pour David Mérigonde, du pôle « collectivités » de Michael Page, les administrateurs territoriaux sont aussi attendus ailleurs, dans les établissements publics ou les universités notamment. « Il y a également de belles carrières à faire dans les entreprises publiques locales ou les sociétés publiques locales, qui sont porteuses d’employabilité », insiste Laurent Rey.
La force des réseaux – Les réseaux devraient enfin jouer à plein… dans la mesure du possible. Les associations et autres syndicats de DG se sont organisés pour accompagner les cadres dirigeants, à l’image de l’ADGCF, qui a organisé un forum de rencontre avec des cabinets de recrutement le 21 mars, dont une nouvelle session pourrait être programmée en mai.
Le SNDGCT a aussi « mis en place un réseau de médiation, une convention avec les centres de gestion, une charte avec des cabinets de recrutement, avec les associations de maires. Nous ferons tout pour que tout se passe bien », insiste Stéphane Pintre.
Se serrer la ceinture – Quoi qu’il en soit, le mercato ne fait que commencer. Et, en raison notamment des nombreux départs à prévoir après les autres élections locales à venir, il devrait s’inscrire dans la durée. « Les DG seront obligés de faire des concessions. Cela fait partie du jeu. Ils devront considérer des postes inférieurs à leurs attentes comme une transition obligatoire. Et c’est d’autant plus vrai pour les « quinquas » et les administrateurs de très grandes collectivités », souligne Tony Lourenço.
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Municipales 2014 : l’effet domino pour les DGS, les agents, les collectivités, sur fond de rigueur
Sommaire du dossier
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- Mairies « FN » : le syndicat des directeurs généraux sera « vigilant »
- Municipales 2014 : Le tour des régions les plus emblématiques
- Municipales 2014 : quels enseignements tirer du vote (et non-vote) des banlieues ?
- « La campagne des municipales est marquée par une forte dépolitisation »
- Comment les communes se préparent aux nouveaux modes de scrutin
- Election des délégués communautaires : « C’est loin d’être limpide »
- « L’intercommunalité éloigne les candidats de la politique partisane » – Jean Pierre Sueur, sénateur
- A Hénin-Beaumont, les fonctionnaires territoriaux sur le qui-vive
- A Forbach, les fonctionnaires territoriaux face à l’hypothèse Front national
- Municipales : ce que les maires FN veulent faire en matière de sécurité
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- Municipales : les DGS engagés, forcément engagés…
- « Minimiser les problèmes d’insécurité fait le jeu du Front national » – Bernard Alidières, géographe
- Femmes têtes de liste pour les élections municipales : carton rouge aux formations politiques
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