Si une offre peut être qualifiée d'anormalement basse lorsque son prix ne correspond pas à la réalité économique, il est toujours difficile d'en justifier sa qualification. Les conséquences sont importantes, particulièrement dans le domaine de l'ingénierie.
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Pour un maître d’ouvrage, le fait de ne pas écarter une offre anormalement basse constitue un manquement à ses obligations de ne pas fausser la concurrence, de garantir l’égalité de traitement des candidats et le caractère économiquement viable de l’offre.
Si cette viabilité n’est pas garantie, la bonne exécution du contrat peut être remise en cause avec des prestations non assurées, des obligations d’avenant renfonçant l’insécurité juridique ou pire, une défaillance du titulaire.
Détecter l’offre anormalement basse – Mais la difficulté pour le maître d’ouvrage concerne la détection et surtout la justification de ce caractère « anormalement bas ». En général, il s’appuie sur un faisceau d’indices qui apparaissent comme des incohérences au regard des prescriptions du marché, des estimations, du prix des autres offres reçues, des moyens mis en œuvre ou des taux horaires ou journaliers habituellement pratiqués.
Malgré tout, ce faisceau d’indices n’est pas suffisant pour rejeter l’offre. Ainsi, un arrêt de la Cour administrative de Lyon du 5 décembre 2013 concernant la Communauté urbaine de Lyon a jugé que celle-ci ne pouvait décider d’écarter une offre aux seuls motifs que le prix était inférieur à son estimation et à la moyenne des offres reçues (de 26 % dans le cas présent). Le pouvoir adjudicateur avait bien analysé les différents postes mentionnés dans le bordereau de décomposition du prix général de l’offre, mais la cour a estimé qu’il fallait prouver que l’offre ne permettait pas d’exécuter le contrat jusqu’à son terme ou qu’elle était dénuée de toute réalité économique.
La cour rappelle aussi que le pouvoir adjudicateur doit, avant de rejeter l’offre, demander par écrit des précisions au candidat sur les modalités de formation de son prix et vérifier les justifications fournies (art. 55 du Code des marchés publics).
Ne pas sous-estimer les coûts d’ingénierie – Il reste qu’établir le caractère économiquement non viable d’une offre n’est pas simple et cela est particulièrement problématique pour les études d’ingénierie, les études préalables à la réalisation d’un projet. Certains bureaux d’études pratiquent parfois des coûts d’honoraires qui relèvent à l’évidence du dumping. Malgré l’analyse faite par les services techniques, les élus de la Commission d’appel d’offres peuvent être tentés par une offre moins coûteuse dans un contexte budgétaire contraint.
Il nous faut donc argumenter pour démontrer une évidence (qui ne l’est pas pour tout le monde !) : la phase amont des études préalables est une étape essentielle de tout projet. C’est à ce niveau que l’on va s’assurer de la qualité d’un projet, pour sa réalisation mais aussi pour son fonctionnement dans le temps.
Pour un bâtiment exploité pendant trente ans, la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP) estime ainsi que les phases de programmation et d’études de conception ne représentent que 6 % du cycle de vie du projet mais conduiront à faire des choix qui engagent le « coût global » du bâtiment à hauteur de 90 %… L’effet de levier des études amont est donc déterminant et il ne faut surtout pas qu’elles soient faites « au rabais ».
Favoriser le critère « technique » – Au-delà de la détection de ces offres anormalement basses, les services techniques doivent faire passer le message que le prix de la prestation d’étude ou de maîtrise d’œuvre revêt une importance toute relative et qu’il ne doit pas être un critère déterminant pour le choix d’une ingénierie. La pondération des critères doit mettre en avant la valeur technique de l’offre (par exemple 70 % de la note) et minimiser le prix (dans ce cas 30 %).
Il faut en effet reconnaître à la conception son rôle majeur pour ensuite réaliser « au moindre coût ».