Le FN à la fête
A Perpignan, Avignon, Forbach, Béziers, Fréjus, Tarascon, le FN est arrivé en tête du premier tour. Il est en mesure d’enregistrer d’autres victoires après celle d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) où Steeve Briois l’a emporté dimanche 24 mars, permettant au parti de gagner pour la première fois une ville de plus de 10.000 habitants dès le premier tour. Au second tour, le parti devrait être présent dans plus d’une centaine de triangulaires.
Le Front National a d’ores et déjà gagné 472 conseillers municipaux et sera présent dans 315 villes au second tour des élections municipales dimanche, s’est enthousiasmé lundi 24 mars sur i>TELE Florian Philippot, vice-président du FN. « Le Front était jusqu’ici un vote national, nous sommes en train de démontrer qu’il est aussi un vote local, un vote qui s’est enraciné », s’est-il félicité.
Baisse d’impôts et sécurité – « C’était inespéré », a salué pour sa part Marine Le Pen, qualifiant ce scrutin de « cru exceptionnel » marquant « la fin de la bipolarisation de la vie politique ». Elle a promis dès dimanche soir : « Dans toutes les villes que nous dirigerons, nous ferons baisser les impôts ». Ce sera fait « systématiquement », a-t-elle insisté. « C’est une mesure urgente, compte tenu de la situation » parce que « les Français n’en peuvent plus ».
Il faudra aussi « mettre fin au communautarisme, mettre fin au clientélisme et nous pourrons le faire parce que justement, nous n’avons pas de clientèle, nous, à la différence de l’UMP et du PS », a poursuivi l’eurodéputée.
« Rétablir, dans les limites du pouvoir du maire, la sécurité dans les villes », a-t-elle cité parmi les tâches des maires FN. Ce sera fait « en donnant à la police municipale des instructions qui visent à ne pas se contenter de mettre des contraventions, parce que ça, ça tombe bien souvent sur les honnêtes gens », selon la dirigeante frontiste.
Une abstention record pour des municipales
L’autre grand gagnant du scrutin est l’abstention, qui atteignait lundi 24 mars à 01H00 38,62% sur plus de 22,5 millions de bulletins dépouillés, selon le ministère de l’Intérieur, soit le niveau le plus élevé jamais atteint pour ce scrutin.
Lors des précédentes élections municipales, en 2008, l’abstention avait déjà atteint un record historique, à 33,46% avec une participation de 66,54% au premier tour, et à 34,80% au second tour (participation de 65,20%). Depuis 1988, tous les scrutins, exceptée la présidentielle, ont vu l’abstention progresser.
« Certains électeurs ont exprimé, par leur abstention ou leur vote, inquiétudes, voire doutes », a réagi le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
« Tous les responsables politiques » devraient entendre le message de l’abstention « trop élevée » au premier tour », a lancé le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, ajoutant que « rien n’est joué » pour son camp pour le second tour.
Rappel des abstentionnistes pour barrer la route du FN – Comme MM. Ayrault et Valls, le porte-parole du PS, David Assouline, a appelé à « mobiliser les abstentionnistes de gauche », à « tout faire pour empêcher » le FN « de conquérir des villes ».
Le vice-président de l’UMP Brice Hortefeux a estimé que l' »érosion importante de la participation » aux municipales n’était pas seulement due à de la « lassitude », mais aussi au « mécontentement » des Français.
La désaffection pour les isoloirs a été particulièrement marquée dans le Nord: Roubaix a battu tous les records, avec une abstention de 61,58%, suivie de peu par ses voisines Tourcoing (55,11%) et Lille (52,56%).
En revanche, les villes qui ont le mieux voté sont essentiellement situées dans le Sud-Est, comme Digne (31,64%), Fréjus (31,53%), Sorgues (31,26%) ou Saint-Gilles (28,58%). A noter que le Front national a réalisé quelques-uns de ses meilleurs résultats dans ces villes.
« Cette hausse de l’abstention reflète un rejet du personnel politique, amplifié par les dernières affaires », a estimé Frédéric Dabi (Ifop). « Mais elle illustre également la désillusion des électeurs à l’égard de la capacité des politiques de pouvoir changer les choses. »
Une gifle pour la gauche
Alors que la campagne a surtout été marquée par des affaires touchant la droite (écoutes Buisson, affaire Sarkozy/Herzog, attaques contre Copé), la gauche a subi de plein fouet les conséquences de l’impopularité d’un exécutif au plus bas dans les sondages, François Hollande restant, au bout de deux ans de mandat, le président de plus impopulaire de la Ve République. Le message envoyé par les électeurs au président de la République pourrait d’ailleurs le conduire à procéder à un remaniement gouvernemental plus large qu’il ne l’avait prévu, après le second tour.
« La gifle attendue est bien arrivée pour la gauche », a commenté le directeur de BVA, Gaël Sliman.
Revers spectaculaire – Niort a basculé à droite après près de 60 ans de gouvernance de la gauche, tandis que Strasbourg et Toulouse, villes que le PS avait enlevées à la droite en 2008, pourraient bien lui échapper. Même dans les villes que la gauche ne perd pas, l’hémorragie est souvent considérable : à Nantes, la candidate PS Johanna Rolland, adoubée par Jean-Marc Ayrault, perd 20 points par rapport à son mentor en 2008; à Lille, Martine Aubry en perd 12, à Lyon Gérard Collomb est en ballottage, alors qu’il était passé dès le premier tour la dernière fois.M
Le PS résiste à Paris, s’écroule à Marseille – A Marseille, la ville devrait rester aux mains du « vieux lion » Jean-Claude Gaudin (UMP), qui arrive largement en tête devant le FN Stéphane Ravier, le candidat PS Patrick Mennucci n’arrivant qu’en troisième position dans cette cité sur laquelle les socialistes fondaient de grands espoirs.
A Paris, la candidate UMP Nathalie Kosciusko-Morizet a fait mentir les pronostics en se classant en pole position sur l’ensemble de la capitale devant Anne Hidalgo (PS). NKM a jugé « le changement possible », « tout proche » après deux mandats de Bertrand Delanoë (PS). Mais mathématiquement la partie s’annonce des plus serrée pour l’ancienne porte-parole de Nicolas Sarkozy, Anne Hidalgo restant largement en mesure de l’emporter.
La droite revient
La gauche risque de perdre Amiens, Angers, Reims, Saint-Etienne et Laval. Au Havre, le maire sortant UMP, Edouard Philippe, est réélu dès le premier tour, comme Alain Juppé à Bordeaux ou Xavier Bertrand à Saint-Quentin (Aisne).
Le président de l’UMP, Jean-François Copé, réélu dès dimanche à Meaux, a appelé les électeurs du FN à reporter leurs voix sur les candidats de son parti au second tour, estimant que « les conditions d’une grande victoire » de la droite étaient réunies.
Mais cette éventuelle « vague bleue » dépend pour partie du nombre de triangulaires qui opposeront dimanche prochain gauche, droite et FN et d’éventuelles consignes de désistement pour faire barrage au FN.
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a d’ores et déjà prévenu que la majorité ferait « tout pour empêcher qu’un candidat FN emporte une municipalité ». Harlem Désir, le premier secrétaire du PS, a affirmé lundi 24 mars que son parti, Europe Ecologie-Les Verts et le Parti communiste avaient « décidé du rassemblement le plus large » possible pour le second tour.
Face au danger du FN, M. Désir a annoncé le retrait des listes socialistes à Saint-Gilles (Gard) et également à Tarascon… où la liste socialiste n’était pas qualifiée pour le second tour (6,43%). Dans cette ville des Bouches-du-Rhône, il s’agit en fait d’un « appel à voter pour faire battre le Front National », a précisé un peu plus tard le secrétaire national aux élections, Christophe Borgel. Les cas de Béziers et de Fréjus sont également évoqués.
Claude Bartolone, le président (PS) de l’Assemblée nationale, a de son côté appelé les électeurs de gauche à « ne pas sacrifier les maires et les équipes qui ont fait le travail au niveau local ».
« Le PS est dans une posture morale classique. Il joue le front républicain. C’est pour sauver la face. Mais concrètement, dans plein de villes, le poids du FN va l’aider à préserver ses intérêts électoraux », a résumé le professeur de sciences politiques Rémi Lefebvre, spécialiste du PS, proche de l’aile gauche du parti.
Ni-ni contre front républicain – Certains élus UMP ne veulent pas de ce front républicain. Ainsi, La député UMP Josette Pons, arrivée en deuxième position au 1er tour des municipales de Brignoles (Var) derrière le Front national et qui a déjà déposé sa liste pour participer au second tour et s’étonne d’une demande de « rassemblement républicain » émise par son opposant de gauche.
L’UMP restera fidèle à sa ligne depuis 2011, le « ni PS, ni FN ». « Nous nous sommes tous mis d’accord à l’UMP pour refuser toute alliance avec le Front national et refuser le front républicain », a annoncé Henri Guaino, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy et député des Yvelines.
La droite compte sur une mobilisation de son électorat pour confirmer ses résultats du premier tour et tenter de reconquérir les électeurs du FN. « Voter FN, c’est voter PS », a résumé lundi le vice-président de l’UMP, Brice Hortefeux.
L’ex-Premier ministre UMP François Fillon a confirmé: « Aucun désistement » en faveur de la gauche, ni « alliance » avec le FN. Pour son président, Jean-François Copé, le principal parti d’opposition « est en train de renaître après deux années difficiles ».
La vice-présidente de l’UDI, Rama Yade, fidèle au mot d’ordre de son parti, a préconisé le front républicain dans les villes où le FN arrive en tête.
A Pau, le président du MoDem, François Bayrou, arrive nettement en tête avec près de 42% des voix dans cette ville qu’il tente de conquérir pour la troisième fois. Son bras droit, Marielle de Sarnez, est élue dès le premier tour conseillère de Paris sur la liste du maire UMP du VIe arrondissement.
Les écologistes ont des raisons de se réjouir, ayant franchi les 10% dans plusieurs grandes villes (Annecy, Valence notamment) et surtout devançant à Grenoble le dauphin désigné du maire sortant PS.
Triangulaires possibles dans 114 villes de plus de 30.000 habitants
Cent quatorze villes de plus de 30.000 habitants, sur 270, pourraient être le théâtre de triangulaires au second tour des élections municipales dimanche prochain.
Il s’agit, dans la grande majorité des cas, de villes où le Front national s’est qualifié pour le 2e tour (plus de 10% des suffrages exprimés), tout comme une liste de droite et une liste de gauche. C’est le cas à Carpentras (Vaucluse), où le candidat PS partira toutefois légèrement favori face à celui du FN (37,3% contre 34,4%).
Dans cette liste figurent neuf arrondissements parisiens (IIIe, Ve, VIIe, VIIIe, Xe, XIe, XIIe, XVIIIe, XIXe), quatre secteurs de Marseille (1er, 3e, 5e, 7e) et trois arrondissements de Lyon (5e, 8e, 9e). Mais pas toujours à cause d’une qualification du FN.
Le nombre et la liste de ces triangulaires ne seront connus que mardi soir après 18H00, date-limite prévue pour le dépôt des candidatures au 2e tour.
D’autre part, dans 77 villes de plus de 30.000 habitants, quatre listes peuvent théoriquement se maintenir. C’est le cas par exemple à Grenoble, avec des listes EELV-PG, PS, UMP et FN.
Enfin, 22 villes de plus de 30.000 habitants pourraient connaître des pentagulaires, c’est-à-dire offrir une compétition entre cinq listes. C’est le cas par exemple à Rouen ou à Vaulx-en-Velin (Rhône).
Pronostics et inquiétudes – Parmi la vingtaine de villes que le PS ambitionnait de ravir à la droite, Avignon est l’une des rares qui apparaît prenable. Les espoirs du parti au pouvoir paraissent minces à Bayonne, Montauban, Bourges, entre autres. A Calais, le candidat PS a été devancé par celui du PCF.
La droite devrait garder Aix-en-Provence, Albi, Châtellerault, Melun, Mulhouse, sur lesquelles le PS avait des visées.
En revanche, la liste est longue des villes que des maires socialistes devraient perdre: Caen, Toulouse, et à un degré moindre Saint-Etienne et Strasbourg, peuvent basculer à droite. Amiens paraît perdue pour le PS.
Dans cette catégorie, le sort de Reims, notamment, est incertain, en raison de la bonne résistance de la sortante Adeline Hazan. Les socialistes sont d’autre part bien placés pour conserver Metz.
Dans les villes moyennes détenues par la gauche, sont menacées Pau (Aquitaine), Roanne, Valence et Chambéry (Rhône-Alpes), Belfort et Montbéliard (Franche-Comté), Brive-la-Gaillarde (Limousin), Tourcoing (Nord-Pas-de-Calais), Laval (Pays de la Loire), Angoulême (Poitou-Charentes). En revanche, Bourg-en-Bresse devrait demeurer à gauche.
Pour limiter les dégâts, la gauche devra bénéficier d’un sursaut en sa faveur des abstentionnistes (38,72%) du premier tour.
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