Rejoignez-vous le point de vue du politiste David Guéranger faisant état d’une « forte dépolitisation » de la campagne des municipales 2014 ?
Il n’y a rien de nouveau dans le fait que les élections municipales fassent la part belle aux enjeux locaux. Ce qui me paraît davantage regrettable, c’est que de plus en plus de candidats revendiquent désormais prendre leurs distances avec la politique partisane.
Dans les petites et moyennes communes, le facteur politique est caricaturé comme un inconvénient préjudiciable à la vie locale.
Cela me semble moins le cas dans les grandes villes, même si les candidats n’affichent pas toujours clairement la liste des partis qui les soutiennent.
A quoi ce phénomène est-il dû, selon vous ?
Alors que les débats au sein des conseils municipaux ont toujours été historiquement clivés entre la majorité et l’opposition, la donne a progressivement changé avec les lois de 1992 et 1999 qui ont lancé la « révolution tranquille » de l’intercommunalité.
Les communautés de communes et d’agglomérations – qui n’avaient pas du tout la même importance il y a 50, 30 ou même 20 ans – structurent aujourd’hui la vie locale.
Or, au sein des conseils communautaires, l’objectif n’est pas prioritairement de manifester des clivages entre les élus mais de nouer des compromis pour mettre en œuvre des politiques publiques très importantes en faveur du territoire.
Que l’on s’entende bien: le fait que divers élus se mettent d’accord sur des projets d’intérêt général est largement positif et permet de dépasser des oppositions parfois artificielles.
Mais dès lors, il devient également impossible, pour ces élus issus de communes et de partis politiques différents, de ne plus se mettre d’accord… sous peine de ne pas pouvoir porter ensemble de grands projets.
L’intercommunalité serait donc responsable du côté consensuel de cette campagne 2014 ?
La montée en puissance de l’intercommunalité est, à mon sens, l’une des principales causes du sentiment de dépolitisation des élections, pointé par David Guéranger. En effet, les compromis, accords et autres consensus intercommunaux ont logiquement fini par imprégner l’ensemble du tissu local. Mais ce n’est pas la seule responsable pour autant.
La dépolitisation de ces municipales vient également du climat délétère lié à la vie politique nationale… qui pousse les candidats à afficher leur proximité avec leur ville plutôt que leur parti.
Les milliers d’élus locaux, du PS comme de l’UMP, ne sont évidemment pas responsables des scandales politico-financiers faisant la une des journaux. Craignant d’être les victimes collatérales d’un rejet de la politique, ils cherchent à s’en protéger en concentrant les débats sur des enjeux territoriaux.
Néanmoins, n’est-il pas possible de faire de la politique en évoquant les enjeux locaux ?
Bien sûr que si. Les enjeux locaux sont profondément politiques au sens noble du terme. La politique de l’emploi, la formation professionnelle, l’aménagement du territoire avec la construction de logements ou de zone d’activité économique, la place de la voiture en ville, les entrées de ville, l’accueil des populations de nationalité étrangère, tout est politique !
Même les décisions les plus modestes prises au niveau local sous-tendent un projet politique de société.
En fait, le politique est partout, même si on feint de ne pas le voir ni de le savoir.
Références
- Municipales 2014 : le règne de l’uniformisation ? Lire notre entretien avec le politiste David Guéranger ayant suscité cette réaction de Jean-Pierre Sueur.
Cet article fait partie du Dossier
Municipales 2014 : l’effet domino pour les DGS, les agents, les collectivités, sur fond de rigueur
Sommaire du dossier
- La droite va entrer en force dans les métropoles
- La moitié des grandes intercommunalités changent de tête
- Les associations d’élus vont, aussi, changer de tête
- Alternance : les rudes lendemains des DGS
- Fonction publique : vers un mercato d’envergure où les places vont être chères
- Alternance : étranges ambiances dans les services
- Mairies « FN » : le syndicat des directeurs généraux sera « vigilant »
- Municipales 2014 : Le tour des régions les plus emblématiques
- Municipales 2014 : quels enseignements tirer du vote (et non-vote) des banlieues ?
- « La campagne des municipales est marquée par une forte dépolitisation »
- Comment les communes se préparent aux nouveaux modes de scrutin
- Election des délégués communautaires : « C’est loin d’être limpide »
- « L’intercommunalité éloigne les candidats de la politique partisane » – Jean Pierre Sueur, sénateur
- A Hénin-Beaumont, les fonctionnaires territoriaux sur le qui-vive
- A Forbach, les fonctionnaires territoriaux face à l’hypothèse Front national
- Municipales : ce que les maires FN veulent faire en matière de sécurité
- Quand les fonctionnaires territoriaux deviennent des cibles électorales
- Municipales : les DGS engagés, forcément engagés…
- « Minimiser les problèmes d’insécurité fait le jeu du Front national » – Bernard Alidières, géographe
- Femmes têtes de liste pour les élections municipales : carton rouge aux formations politiques
- Campagne municipale : combien ça coûte ?
- L’emploi s’impose dans la campagne électorale
- L’interco, passagère clandestine de la campagne des municipales 2014
- Municipales : les impôts locaux, un thème prisé des challengers
- Municipales : la sécurité, un thème de plus en plus consensuel
- Comment les candidats se positionnent vis-à-vis de la lutte contre l’homophobie
- Municipales : les réseaux sociaux à deux vitesses
- Récolement post-électoral : les 7 erreurs à ne pas commettre
Thèmes abordés